SEPT ANS DE REFLEXION ( 1955 )
Par un été caniculaire, Richard, éditeur de profession, après avoir conduit sa femme et son fils à la gare pour les habituelles grandes vacances, se retrouve seul chez lui comme des milliers de pères de famille à cette époque de l’année. Il s’est juré de vivre sainement, de ne pas fauter, de veiller à sa santé et à son régime, de faire en sorte de suivre à la lettre le credo d’un honnête citoyen américain. Ses fantasmes - car il en a comme tout un chacun - il les enfouit au plus profond de son inconscient et, plutôt que de s’offrir le soir un whisky arrosé de citron frais, prend dans le frigidaire ce que sa femme s’est souciée de mettre de côté à son intention, des jus de légumes enrichis de vitamines chimiques et additionnés de conservateurs. Mais ce serait oublier l’irruption d’une nouvelle voisine qui, par maladresse, laissera tomber sur sa chaise-longue un pot de tomates biologiques…
Si l’argument est mince, la comédie qu’il inspire est charmante et nous devons rendre grâce à Billy Wilder d’avoir su déceler les dons comiques de Marilyn Monroe qui se révèle être, dans cette comédie taillée à ses mesures, absolument irrésistible. Il est d’ailleurs l’unique réalisateur avec lequel elle aura tourné à deux reprises, soit quatre ans plus tard, une autre comédie tout aussi charmante Certains l’aiment chaud. Même si certaines scènes ont nécessité plusieurs prises, si l’actrice exaspéra Wilder - comme tous les autres metteurs en scène avec lesquels elle a travaillé - pour ses perpétuels retards ; si psychologiquement elle était déstabilisée par sa séparation d’avec Joe di Maggio, la complicité de la star et du réalisateur explose dans ce film qui tourne en dérision la rigidité des moeurs américaines.
Les scènes s’enchaînent de façon très naturelles, sur le ton d’une plaisante parodie qui touche aux mœurs et aux manies des américains moyens, sans compter les clins d’œil ironiques aux films cultes comme Tant qu’il y aura des hommes, et sa torride séquence du baiser sur la plage ou bien les gags hilarants où Marilyn range très sérieusement ses sous-vêtements dans la glacière afin de les rafraîchir et où Richard, caricaturant les tics du pianiste, joue le concerto de Rachmaninov avec deux doigts ; enfin, autres réussite, les dialogues qui font mouche, truffés de sous-entendus, et, au final, cerise sur la gâteau, la mythique scène de la bouche de métro qui a le mérite de nous dévoiler des gambettes de rêve.
Mais derrière autant d’ironie et de légèreté se cache une critique radicale du puritanisme américain. Pas de doute, Wilder, dont c’est un des meilleurs films, s’y entendait pour démonter les mécanismes hypocrites de son pays d’adoption...
Parfaitement à l’aise dans son rôle, Marilyn nous charme par le cocktail explosif qu’elle offre entre mutinerie de gamine et plastique époustouflante, ce qui lui permet d‘en rajouter sans que cela ne soit jamais ni vulgaire, ni pesant, tandis que le personnage, campé par Tom Ewell, symbolise de manière burlesque les obsessions sexuelles et les frustrations du mâle américain. Ainsi Wilder se moque-t-il d'une Amérique qui découvrait la sexualité dans les pages du rapport Kinsey.