Mazarine Pingeot s'est inspirée d'un fait divers réel (l'affaire Courjault) et a imaginé une longue lettre écrite par une mère infanticide à son mari depuis la prison où elle est incarcérée. Le seul point commun avec
l'affaire en question est une simple allusion à un congélateur.
L'auteure a surtout cherché à entrer dans la peau de cette femme, et tente d'expliquer l'inexplicable (et le fait plutôt bien): qu'est-ce qui a poussé cette mère de deux petits garçons à tuer
son troisième nouveau-né ? Où le mal a-t-il pris racine ? Dans son enfance auprès d'une mère froide, distante et peu affectueuse ? Dans son mariage avec un homme qu'elle admire mais qui la méprise
et la tyrannise ?
Une lecture assez éprouvante : Mazarine Pingeot assène des phrases, martèle des mots, comme si la narratrice voulait enfoncer un clou dans le crâne de cet homme qu'elle adule et qu'elle déteste en
même temps. De nombreuses questions en ressortent : qu'est-ce qu'être mère ? Comment le devient-on ? Quelle est la place du père dans cette maternité ?
Difficile d'éprouver de la sympathie pour cette femme, encore moins pour son mari qui est décrit comme un monstre odieux d'égoïsme, mais on finit par comprendre les raisons profondes qui l'ont
conduite à ce geste. Un livre qui ne m'a pas laissée indifférente, en tout cas...
extrait : "Je t'ai sans doute un peu dépaysé, je ne te paraissais pas comme les autres, j'étais maladroite et timide, tu pensais peut-être que
tu pourrais me faire, me modeler, et je n'ai rien contre cet instinct de pygmalion qui habite tant d'hommes. Au contraire, jai éprouvé du plaisir à me laisser construire, transformer et, si mes
résistances ont finalement été l'obstacle à ton chef-d'oeuvre, tu étais parvenu à un résultat convaincant. J'ai tout fait échouer. Tu dirais sans doute que c'était pour te nuire, mais je ne peux
l'accepter. Je ne peux accepter l'idée d'avoir fait quoi que ce soit pour te nuire. C'est par amour que je suis devenue cette femme-là, que j'ai élevé tes enfants comme tu l'entendais, que je
tâchais de tenir une maison ordonnée. Mais c'était oublier mon propre poids, la passivité de ma matière, de mon corps, de mon être, cette force de gravitation qui entraîne tout vers le bas. C'était
oublier qui j'étais, d'où je venais, quelle petite fille j'avais été, pesante déjà pour les autres et pour moi-même, obstacle déjà à la carrière de ma mère et à son repos. Epine dans son pied,
j'avais enrayé son mécanisme à être heureuse."
Le cimetière des
poupées, Mazarine Pingeot, Points, 155p.
Zemmour face à Mazarine Pingeot
envoyé par prince_de_conde. - Regardez les dernières vidéos d'actu.