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Livre I – Parie 8 – Le théâtre

Par Richard Le Menn

BATHYCLES. – Nous n’avons pas encore mentionné le chœur que Thésée, au sortir du labyrinthe de Crète, tresse en l’honneur des dieux. Il est circulaire et composé de sept jeunes filles et de sept adolescents amenés d’Athènes à Cnossos. On le retrouve dans l’Hymne à Délos de Callimaque où on danse en rond au son de la lyre autour de l’autel. Il est composé des enfants échappés du labyrinthe et est dirigé par Thésée. A son retour de Crète, Thésée consacre, sur l’île qui voit naître Apollon, la statue d’Aphrodite donnée par Ariane. Et il exécute la danse chorale avec les jeunes personnes l’accompagnant imitant les détours suivis dans le labyrinthe. On la pratique encore aujourd’hui.

CLINIAS. - « L'imitation » occupe une place primordiale dans l'art grec. Imiter est naturel aux hommes qui y prennent plaisir. Ceci se manifeste dès leur enfance. L’instinct d’imitation est naturel en nous ainsi que la mélodie et le rythme. C’est à partir des improvisations des plus doués des éléments du choeur que naît la poésie avec donc la Comédie et la Tragédie. Celle-ci se divise alors en différentes catégories selon le caractère propre à chaque auteur. L'Épopée et le poème tragique, comme la Comédie, le Dithyrambe et pour la plus grande partie le jeu de la flûte et celui de la cithare, sont tous d’une manière générale des imitations. Ils réalisent l’imitation par le rythme, le langage et la mélodie, combinés ou non. La Comédie est l’imitation d’hommes de qualité morale inférieure, non dans tous les vices, mais dans le domaine du risible, lequel est une partie du laid. La Tragédie est l’imitation d’une action à caractère élevé qui, suscitant pitié et crainte, opère l’effet de catharsis, c’est-à-dire la purgation des émotions par leur représentation dans le théâtre. Certaines parties sont exécutées simplement à l’aide d’un mètre. Ce sont les passages parlés. D’autres le sont à l’aide du chant pour les passages chantés. Socrate1 trouve la poésie imitative inutile et même nuisible à l'amour de la Vérité car simplement ressemblante et non pas véritable. Selon lui, les poésies imitatives ruinent l’esprit de ceux qui les écoutent, surtout que l’imitation est éloignée de la nature de plusieurs degrés. A la base de l’éducation2, en particulier de ceux qu'il nomme les « gardiens » de la Cité, il doit donc y avoir la Musique et la Gymnastique. Dans la Musique Platon comprend les fables. Ce sont elles qui modèlent l’âme de l’enfant. D’après lui, il faut veiller à ce que les premières qu’il entende soient les plus belles et les plus propres à lui enseigner la vertu. Il critique jusqu’à celles d’Homère. Il voudrait remanier les pièces tragiques d’Eschyle ou d’Euripide, et les pièces comiques qui imitent souvent les travers des dieux et des hommes alors que les qualités que les gardiens doivent acquérir dès l’enfance sont toutes les vertus tels le courage, la tempérance, la sainteté, la libéralité que l’on rencontre rarement dans la Tragédie et jamais dans la Comédie qui de plus dépeint trop souvent des faits n'étant pas bons pour l'éducation de la jeunesse, en particulier pour les gardiens de sa cité idéale. La poésie imitative a besoin de toutes les harmonies, tous les rythmes pour s’exprimer de la manière qui lui est propre, puisqu’elle comporte toutes les formes de variations. Dans le théâtre, où tout est sujet à imitations, on ne trouve pas l’harmonie et le rythme qui conviennent à un « bon » discours, c’est à dire une harmonie et un rythme mesurés. Après avoir parcouru les différentes formes de discours et de fables, Platon traite du chant et de la mélodie. Celle-ci se compose de trois éléments : les paroles, l’harmonie et le rythme. Il faut que les paroles soient composées selon les règles qui viennent d’être énoncées. Quant à l’harmonie elle se doit comme le rythme d’être simple. Si on se réfère à l’avis de Socrate sur les éléments qui constituent les poésies comique et tragique, la façon dont ils sont utilisés l’est d’une manière toute autre à ce qu’elle devrait être. Il ajoute que si on en est capable, il est plus intéressant de faire l’objet plutôt que son imitation, de créer plutôt qu’imiter. Il y a deux notions intéressantes dont j'ai parlé rapidement avec Phèdre et que Socrate considère comme étant à la base de l’éducation : ce sont celles de musique et de rythme. La musique doit aboutir à l’amour du beau, de la vérité et l’harmonie qui en font aussi partie. C’est vers cela que l’apprentissage doit mener et l’âme s’élever. Selon Platon, c'est aussi cette harmonie qui doit guider les choeurs. Le rythme présent dans la musique l’est aussi dans la façon de bouger le corps guidé par l’âme. La poésie offre un apprentissage vers ces rythmes harmoniques, avec la musique, le chant et la danse qui l’accompagnent. Il y a donc deux sortes de musiques : celle qui est le fruit des rythmes aussi bien visuels qu'auditifs (les mouvements du corps et de la voix incluant ceux avec un instrument) et la définition courante aujourd'hui de la musique, c'est à dire l'art de combiner exclusivement des sons. Il est une musique infiniment plus jolie que celle dont je viens de parler et dont les meilleurs exemples ne sont qu'un pâle reflet. Il s'agit de la musique des sphères dont nous parlerons peut-être une autre fois, car je vois maintenant s’avancer les danseurs et leurs partenaires.

Une jeune fille joue de la flûte accompagnée par un cithariste. Après quelques instants, un couple de danseurs les accompagne de leurs pas. Puis ce sont des jongleries. Bathyclès invite les convives à exercer leurs voix en chœurs, ce qu’ils font. Quand le répertoire semble épuisé, le jeune cithariste chante seul avec son instrument, pendant que tous l’écoute. La flûtiste danse sous les regards émerveillés et répond au chant en de suaves intonations. Des acteurs entrent dans la salle à manger habillés en divinités pour une pantomime qui ravit toute l’assemblée. On y reconnaît parmi d’autres les Charites, Pan et quelques Nymphes, Apollon et les trois Déesse de l’Illiade, Dionysos, Ariane et les Bacchantes.

BATHYCLES. – Clinias, vois-tu, nous avons invité à notre banquet certains des dieux dont tu nous as parlé avec tant d’intelligence. Aphrodite est présente, jointe aux Charites, Apollon et son demi-frère Dionysos… Ariane. Vois comme ils sont beaux !

L’ETRANGER. – Bathyclès, ton banquet donne à manger à tous nos sens et à l’intelligence !

CLINIAS. – En effet tu nous combles.

Après le spectacle les conversations reprennent mais cette fois plus anecdotiques. Alors que le soir tombe et que la plupart des convives se sont endormis sur les lits après une nuit et une journée de banquet, Phèdre et Clinias rentrent en direction d’Athènes guidés par des gens de Bathyclès. La chaleur s’élève de la terre en une brume qu’illumine la lune.


NOTES

1 Platon, République. 2 Dans La République, c’est l’éducation d’une élite que Platon décrit, alors que dans Les Lois, il parle d’une éducation générale. Par La Mesure de l'Excellence
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