Nous sommes en 2009. On ne comprend pas exactement comment on a pu se retrouver confronté à la dictature contemporaine et urbaine que représente la marque American Apparel mais toujours est-il qu'on nage en plein dedans.
En l'espace de quelques années, la marque au potentiel le plus sexuel des années 2000 a déployé ses tentacules de Los Angeles à Paris, n'omettant pas bien entendu de contaminer Sidney, Shanghai ou Tel Aviv. Basé sur un mélange d'esthétisme et d'érotisme, le business plan semblait sans faille et l'Amérique pouvait une nouvelle fois conquérir le monde sereinement. Enfin ça, c'était vrai jusqu'à ce que cette satanée crise économique s'en mêle et vienne foutre la merde.

En plus de concevoir des sappes esthétiquement et sociétalement à la pointe du cool, la firme californienne a bien compris l'importance de la question éthique en matière de production. Fonctionnant selon le principe de l'intégration verticale, American Apparel se paie le luxe économico-social de fabriquer ses produits dans son usine de Los Angeles, adressant un doigt d'honneur cordial aux usines mexicaines frontalières et autres casseurs de prix chinois. Chaque employé est ainsi payé treize dollars US en moyenne de l'heure et bénéficie même d'un certain nombre d'avantages sociaux, ce qui est bien sûr loin d'être la norme au pays de l'Oncle Sam. Du coup, le consommateur paie minimum vingt euros le moindre bout de tissu uniforme et sans distinction, mais a la conscience tranquille et peut même revendiquer emmerder les chantres de l'anti-capitalisme l'âme en paix. Pour l'année 2008, le chiffre d'affaires d'American Apparel se monte à environ quatre cents millions d'euros. Une affaire qui marche du tonnerre donc.

Alors, évidemment, on se doute qu'à la suite de ces révélations, American Apparel pourrait bien avoir à subir quelques saillies judiciaires dans les mois qui viennent. Pour autant, ce ne serait pas une première, et l'impact financier ne devrait pas être tant problématique que ça pour la poule californienne aux œufs d'or. Charney avait notamment dû payer cinq millions de dollars à Woody Allen en 2008 pour avoir utilisé sans son accord préalable une capture de lui tirée du film Annie Hall sur laquelle on le voyait grimé en religieux juif pour une campagne d'affichage publicitaire. L'affaire avait généré une large reprise médiatique qui, on se le doute, arrangea bien les affaires de la marque en matière de notoriété. Avec la récente histoire des critères physiques des employés, il en va autrement pour des raisons évidentes et la marque pourrait bien avoir à payer un cher tribut en matière d'image.
Quoi qu'il en soit, cette histoire risque bien de relancer encore une fois le débat autour de l'esthétique propre à American Apparel, qui a le don depuis plusieurs années déjà d'irriter les féministes de tout bord dénonçant à corps et à cri l'utilisation sexuelle de l'image de la femme dans les campagnes. S'il se doute d'avance que le débat n'en sortira pas grandi, l'amateur de jolie femme qui sommeille en moi ne peut s'empêcher de penser qu'au delà de toute considération d'ordre sexiste, les publicités d'American Apparel restent un plaisir absolu pour les yeux. On ne se refait pas.
