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La déliaison

Publié le 06 août 2009 par Gregory71

Nous nous sommes liés à des gens, arbitrairement. Ils n’étaient pas de notre famille, de notre pays, de notre clan, de notre identité. Nous n’étions de toute façon d’aucun groupe. Nous nous y sommes liés, fruit d’une rencontre, d’un désir, d’une peau. Il y avait le hasard, le devenir qui engage tout. Nous discutions, vivions avec eux, partagions l’essentiel, les projets, les possibles, la quotidienneté dans sa médiocrité comme dans sa douceur attentive. Ces gens inconnus nous sont devenus plus familiers. Nous n’avions jamais pourtant oublié leur étrangeté. Nous ne les avons jamais réduits à être connus. Une infinie distance s’instaurant dans l’éclat d’un regard, dans un mouvement trop brusque de nos corps, dans un éveil matinal. Elles revenaient à elles. Parfois nous nous arrêtions, contemplatifs, de cet étrange mélange entre la proximité et la distance, comme si les deux, la rencontre et la séparation, étaient les deux facettes d’un même sentiment, plus encore de quelque chose dans l’existence plus fort que l’existence même, trop fort peut-être. La seule chose à faire était sans doute, face à cet excès de puissance, une certaine douceur, une certaine apathie, le langage justement parce que celui-ci n’était pas adapté et qu’il signalait dans son effort tout le chemin qui restait à parcourir par rapport à l’autre, la tension vers, qui ne sera jamais réalisée. Nous ne pouvions donc nous rapprocher que du plus distant, de la surprise de cet instant qui nous fait rencontrer quelqu’un.

Il y eu des départs, des promesses effondrées, des contradictions révélées. Il y eu ces déliaisons. Mais dans le secret du pacte lui-même était contenu la possibilité de cette disparition. Quelqu’un sort de votre vie, vite, vite, tout est bouleversé. Vous saviez que ce n’était pas assuré, que les paroles étaient fragiles, la douceur des peaux passagère, et c’était cela qui vous touchait, cette fugacité sensible. Elle se retourne contre vous. Tout se passe comme si votre vie se vidait d’elle-même, parce que vous l’avez exposé  au risque du dehors, à cet autre, à cet inconnu, à cet ami, à cet amour. Il ne reste plus qu’une peau retournée, un gant dont les faces intérieure et extérieure ont été renversées, comme a été renversé le secret d’une promesse non faites.

C’est cette promesse là que vous cherchiez dans l’art. Un objet imaginé, conçu, réalisé et une personne l’observant, mélange de défiance et de désir, se sachant elle-même regardé par d’autres dans un lieu d’exposition, retournant sa perception comme une peau. Un secret de rien, une promesse irréalisée.


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