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Anthologie permanente : Lionel Ray

Par Florence Trocmé

Je parle du temps qui se tient là, depuis
toujours, comme un cercle de vieillards
inoffensifs et chuchotants.
Je parle de la nuit qui se perd à la recherche
de la nuit, et de rien, et de personne.
Je parle de la foule en toi qui se disperse
et se rassemble et qui t’invente
et qui t’oublie.

La forêt aussi a son langage, elle parle
entre ciel et racines, et hurle quelquefois,
par grand vent, bouche ouverte, en pleine nuit.
Mais pourrait-on comprendre ses tragédies,
cette dentelle obscure du contre-jour,
Ces propos de fougères et de fourmis,
et parler d’un temps sans grammaire
ni alphabet
lorsque le temps affleure à la saignée
des branches, jusqu’à la pointe extrême
des feuilles, et l’exténuation du silence.

Serait-ce le temps qui vous étreint, à quel
buisson de mémoire s’accrochent les paroles
perdues, lignes éteintes ?
Improbable poème, comment finir
quand on ne sait où ça commence ?
Que disent les aveux, les effrois
ce pauvre bonheur d’étoile lointaine,
ce grand vide, la mer
comme un ventre qui se fend ?
Lionel Ray, Comme un château défait, Gallimard, 1993, p. 42, 125, 145.

Contribution de Tristan Hordé


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