Je parle du temps qui se tient là, depuis
toujours, comme un cercle de vieillards
inoffensifs et chuchotants.
Je parle de la nuit qui se perd à la recherche
de la nuit, et de rien, et de personne.
Je parle de la foule en toi qui se disperse
et se rassemble et qui t’invente
et qui t’oublie.
•
La forêt aussi a son langage, elle parle
entre ciel et racines, et hurle quelquefois,
par grand vent, bouche ouverte, en pleine nuit.
Mais pourrait-on comprendre ses tragédies,
cette dentelle obscure du contre-jour,
Ces propos de fougères et de fourmis,
et parler d’un temps sans grammaire
ni alphabet
lorsque le temps affleure à la saignée
des branches, jusqu’à la pointe extrême
des feuilles, et l’exténuation du silence.
•
Serait-ce le temps qui vous étreint, à quel
buisson de mémoire s’accrochent les paroles
perdues, lignes éteintes ?
Improbable poème, comment finir
quand on ne sait où ça commence ?
Que disent les aveux, les effrois
ce pauvre bonheur d’étoile lointaine,
ce grand vide, la mer
comme un ventre qui se fend ?
Lionel Ray, Comme un château défait, Gallimard, 1993, p. 42, 125, 145.
Contribution de Tristan Hordé