USA,2009
Réalisation : Jaume Collet-Serra
Scenario : David Johnson, Alex Mace
Avec : Vera Farmiga, Peter Sarsgaard, Isabelle Fuhrman
Résumé: Suite à la perte en couches de leur troisième enfant, les Coleman décident d’adopter une petite fille. A l’orphelinat dans lequel ils se rendent, ils font la connaissance d’une adorable fillette de 9 ans prénommée Esther. Conquis, ils ramènent celle-ci chez eux pour lui offrir tout leur amour. Mais les ennuis commencent bientôt, car Esther semble provoquer de nombreux accidents autour d’elle…
Le jeune réalisateur Jaume Collet-Serra avait surpris son monde en 2005 en livrant un des meilleurs films de l’écurie Dark Castle, l’excellent La Maison de Cire. Un premier film visuellement sublime, souvent stressant, et ponctué de pointes de sadisme étonnantes (qui ne se souvient pas de la mort de Paris Hilton ou du coup de la superglue pour bâillonner la belle Elisha Cuthbert ?), jusqu’à un final baroque du plus bel effet. Bref, un coup d’essai probant seulement plombé par un scenario peu original. On attendait donc la suite avec impatience pour pouvoir valider l’aptitude du jeune réalisateur à devenir un futur grand. Apres la parenthèse footballistique de Goal 2, Collet-Serra revient enfin au fantastique avec Orphan, film s’attaquant à un autre thème classique du cinéma horrifique, celui des enfants démoniaques. Un thème assez difficile à aborder, plutôt balisé, et pouvant donner lieu à des chefs d’œuvres très dérangeants (Les Innocents, La Malédiction, Les Révoltés de l’an 2000) mais aussi à d’immondes bouses (les ridicules Godsend et Trouble Jeu). La plus grosse difficulté est souvent d’ordre scénaristique, puisque les ficelles pouvant justifier l’agissement des gamins flippants sont souvent usées jusqu’à la corde ou peuvent facilement tomber dans le ridicule. Il peut de plus s’avérer compliqué de trouver un interprète convainquant pour le rôle du gosse flippant, c’est-à-dire un gamin suffisamment bon pour arriver à effrayer naturellement sans pour autant passer tout le film avec les sourcils froncés. Pour son retour au fantastique, le jeune prodige Jaume Collet-Serra s’est donc lancé dans un pari risqué.
Et pourtant, une fois de plus, Orphan est une très bonne surprise. Comme pour La Maison de Cire, Collet-Serra arrive à tirer vers le haut une histoire classique en insufflant un certain nombre d’idées dérangeantes. Le premier choc arrive dès l’intro du film, dans une scène de cauchemar présentant un accouchement très particulier. Le procédé est banal (on ne compte plus le nombre de films d’horreur s’ouvrant sur un cauchemar) mais Collet-Serra le pervertit avec un sens aigu de la mise en scène (le plan aérien montrant la traînée de sang sous le fauteuil roulant de l’héroïne) et surtout un jusqu’auboutisme graphique surprenant (les instruments chirurgicaux ensanglantés et surtout la présentation du nouveau-né). Une scène choc mettant immédiatement dans l’ambiance et instaurant un climat de malaise qui ne faiblira plus. Collet-Serra fait en effet montre d’une grande aisance dans la montée graduelle et l’entretien de la tension. Pas beaucoup de sursauts nerveux ici, mais un sentiment de malaise prégnant qui va en s’accentuant à mesure que la démoniaque Esther détruit cette famille (apparemment) unie. Le déroulement est classique, mais le réalisateur entretient savamment le malaise par des idées assez dérangeantes et surprenantes (la scène du pigeon, les airs de poupée Barbie d’Esther). Et surtout, il faut saluer l’interprétation irréprochable de la jeune Isabelle Fuhrman qui incarne à la perfection la terrifiante Esther. La jeune actrice fait preuve d’une maturité impressionnante et rend le personnage totalement crédible, même lors de la dernière partie suivant le redoutable twist final. Une performance rare pour une gamine aussi jeune (à peine 12 ans), heureusement supportée par un casting au diapason. Les deux autres enfants sont aussi très naturels (pour une fois on a vraiment l’impression de voir des enfants réels à l’écran) et surtout Vera Farmiga compose un personnage touchant de mère prête à tout pour protéger sa progéniture mais que personne ne veut croire (en cela, son personnage rappelle celui de Mia Farrow dans Rosemary’s Baby). Peter Sarsgaard est lui aussi impeccable en père aimant ne voyant pas que le mal s’est infiltré dans son foyer. Il faut aussi d’ailleurs saluer la complexité des différents personnages, bien loin des poupées unidimensionnelles auxquelles la boite de production Dark Castle nous avait habitué.
Enfin, la vraie bonne surprise du film vient du scenario et tout particulièrement du twist final. Sans dévoiler celui-ci, disons juste qu’il s’avère extrêmement bien trouvé, en étant à la fois vraiment surprenant et totalement logique. Cette révélation finale se permet de prendre tout le monde au dépourvu et d’expliquer en quelques secondes le comportement d’Esther, en balayant d’un revers magistral toutes les supposées incohérences d’un script plus retords et solide qu’il n’y parait. Une véritable bouffée d’air frais qui donne envie de se lancer dans un second visionnage du film sous ce nouvel éclairage.
Bref, après la réussite de La Maison de Cire, Jaume Collet-Serra continue sur sa lancée et livre avec Orphan ni plus ni moins que le meilleur film de Dark Castle, une bande horrifique à la fois maitrisée et émouvante qui fait extrêmement plaisir à voir en ces temps de sclérose scénaristique et artistique du cinéma de genre.
Note : 8/10