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La maison de l'inceste d'Anaïs Nin

Par Sylvie

ETATS-UNIS - 1936
La maison de l'inceste d'Anaïs Nin
Editions Des femmes-Antoinette Fouque
Anaïs Nin (1903-1977), femme de lettres américaine, très connue pour son Journal qu'elle a tenu à partir de 11 ans, ses écrits érotiques (Venus Erotica) et ses liaisons avec notamment Antonin Artaud et Henry Miller, signe ici l'un des ses premiers textes, un magnifique récit de prose poétique.
Prédominence du rêve et du désir, fusion avec l'univers : on reconnaît l'influence du surréalisme dans la présence d'images foisonnantes qui célèbrent la fusion cosmique ou au contraire la souffrance de ne pas faire qu'un avec l'être aimé.
Plusieurs figures de l'amour : deux femmes, un frère qui rêvent de quitter la terre pour vivre un amour fusionnel ; la maison de l'inceste est une maison en forme d'oeuf, faite de coton ou tout est possible.
Mais bien souvent, le réveil et l'emprise du réel sont brutaux ...

Une très belle écriture, envoûtante qui n'en déroute pas pour autant le lecteur : pas d'intrigues claires mais des successions d'images qui montrent une femme en fusion totale avec le monde, que ce soit source d'émerveillement ou de souffrance. Nin convoque l'univers marin, céleste, volcanique pour embraser le monde, faire corps avec lui, même si cette quête est souvent vaine.
Je vous laisse découvrir des extraits....
" Allons-nous-en Sabrina, viens dans mon île. Viens dans mon île de piments rouges grésillant sans hâte sur des braseros, de poteries mauresques puisant l'eau dorée, de palmiers, de combats de chats sauvages, de sanglots d'âne, à l'aube, les pieds parmi les récifs de coraux et les anémones de mer, le corps couvert de longues algues, chevelure de Mélisande penchée par-dessus le balcon, à l'Opéra-Comique, diamant inexorable de la lumière du jour, heures pesantes et flasques, dans les ombres violacées, rochers teintés de cendres et d'oliviers, citronniers aux fruits suspendus comme des lampions pour une garden-party, éternel frémissement des pousses de bambous ; approche feutrée d'espadrilles, grenades gorgées de sang, mélopée, comme une flûte mauresque, longue, insistante, des laboureurs jurant parmi les trilles et trillant leurs imprécations, toute leur sueur mêlée, goutte à goutte, aux graines, dans la terre.

"Pesante oh ! pesante, terriblement, ma tête qu'emportent les nuées et qui se balance dans l'espace, corps comme poignée de paille, chevelure proie des nuages comme écharpe prise en roues de char, corps ballant qui se cogne aux fanaux d'étoiles, moi, par dessus le monde, dragée des nues"

"La semence séchait dans le silence des pierres. Nos mots improférés, nos larmes retenues, nos blasphèmes ravalés, nos phrases amputées, nos amours massacrées se métamorphosaient en minerai magnétique, en tourmaline, en agathe, le sang gelé devenait cinabre et brûlé, galène ; aluminé, sulfurisé, calciné, il prenait la rutilance minérale des météores éteints et des soleils épuisés dans la forêt des arbres morts et des défunts désirs"


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