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Les pintades a teheran

Publié le 07 octobre 2007 par Lorraine De Chezlo
LES PINTADES A TEHERAN Chroniques de la vie des Iraniennes
de Delphine Minoui
Ouvrage documentaire - 195 pages
Editions Jacob-Duvernet - Août 2007
A Téhéran, la vie des femmes n'est pas simple. Elle est cependant méconnue des occidentales. Les Iraniennes se sont vues interdire de nombreuses choses, doivent sortir voilées, souffrent des absurdités sexistes d'une république islamiste.
Mais pour autant, elles sont majoritaires sur les bancs de l'université, elles sortent, conduisent, divorcent si leur mari ne leur fait pas entrevoir le septième ciel. Elles rivalisent d'ingéniosité pour s'accorder de nombreux instants de liberté, de frissons et de plaisirs occidentaux.
Les Pintades à Téhéran est un guide pétillant pour une routarde en Iran, avec adresses et bons plans à l'appui, autant qu'une fresque contemporaine du quotidien de femmes relativement aisées, dans une capitale iranienne pleine de contradictions et de vie. Dans ce presque-carnet de séjour, l'auteure s'arrête souvent pour dresser le portraits de certaines femmes, connues comme l'avocate Chirine Ebadi, ou anonymes comme Pouran ou Nazila, qu'elle a côtoyées.
Extrait :
"Aéroport Mehrâbâd, un petit matin d'hiver. L'avion en provenance de Paris, qui vient d'atterrir avec du retard, déverse ses nombreuses passagères au foulard d'imitation Chanel et Vuitton. Elles ont l'air fraîches comme des roses. de quoi agacer les femmes flics de la sécurité, engoncées dans leur tchador. A tous les coups, les plus peinturlurées vont se faire pincer. Eh bien non : leurs grosses valises, passées sous rayons X, retrouvent sans encombre les chariots rouillés qui glissent péniblement
jusqu'aux coffres des taxis jaunes. C'est en revanche mon humble sac gris, assorti à mon discret voile, qu iretient l'attention. Je m'attends à ce qu'on m'interroge, une fois de plus, sur le matériel de travail que je transporte : enregistreur, appareil photo, ordinateur. Mais c'est un autre objet qui provoque, cette fois-ci, la foudre des douaniers : "Elle is no good ! Elle is no good !" rugit un garde en uniforme kaki en brandissant le magazine féminin préféré de mes copine iraniennes, que je rapporte traditionnellement à chaque retour de Paris. Muni d'un gros marqueur, le voilà qui se met à dessiner des bourqas noires sur la tête des jolis mannequins, à déchirer les publicités pour lingerie fine et à couper au ciseau les seins qui dépassent. "No gooooooood ! " insiste-t-il, furieux."
Marjane Satrapi nous avait permis de comprendre l'histoire du siècle passé et de mieux imaginer l'enfance et l'adolescence d'une fille de ce pays. Elle retranscrivait également les moeurs et coutumes d'une famille d'une classe intellectuelle. Delphine Minoui est, elle, française et s'est immiscée pendant de nombreuses années dans ce milieu ; elle nous délivre un témoignage documentaire très actuel. "Shopping sur Vali Asr", "Potins de mosquée", "Du vent dans les voiles", "Belles à damner un imam", "Batifolages sous surveillance", "Le mollah match maker", "Petits arrangements avec la censure", "Plaisirs à huis clos", autant de titres des chapitres qui abordent avec l'humour et la détermination des Téhéranaises les différents aspects d'une réalité que l'on soupçonnait peu.
Extrait : ""L'homme qui éjacule à la suite d'un coït avec une femme autre que la sienne, et qui éjacule à nouveau en faisant le coït avec sa femme légitime, n'a pas le droit de faire ses prières s'il est en sueur. Mais s'il fait d'abord le coït avec sa femme légitime et ensuite avec une femme illégitime, il peut faire ses prières même s'il est en sueur." Non, ce n'est pas un canular. C'est l'une des nombreuses fatwas prononcées, de son vivant, par l'ayatollah Khomeini."
Admirez l'équité et la logique implacable !... Pourtant, la sexualité n'est pas taboue (pour les femmes, dans le mariage uniquement), elle est même est reconnue par la religion comme essentielle, et pas seulement au titre de la procréation.
Si le style est plus journalistique que littéraire, le voyage dépaysant est assuré. Une plongée très instructive dans un univers féminin en effervescence, avec les notes sur le côté des pages et les dessins espiègles de Sophie Bouxom qui rendent la lecture toujours plus attrayante !
Après, on peut douter du choix du mot "pintade" retenu par l'éditeur pour le titre de sa collection et pour cet ouvrage rendant hommage à des femmes en lutte, mais qu'importe si la qualité et le plaisir sont au rendez-vous ! L'avis de Clarabel, charmée - Chez Clarabel

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