" Dans chacun de mes poèmes, l'arbre est le repère, la terre est le souvenir tandis que l'errance me conduit encore à traverser les continents. La poésie aura été et demeure mon territoire de respiration, ma pièce secrète où chaque meuble ancien est le vestige de mes joies, de mes souffrances, de mes espérances. "
Tour à tour nostalgique et apaisé, le poète-romancier Alain Mabanckou évoque les odeurs et les sons familiers de son enfance.
Né au Congo-Brazzaville, il vit aux États-Unis où il enseigne la littérature francophone à l'Université de Californie-Los Angeles (UCLA)
Note de Poezibao : un petit regret pour une certaine négligence dans l'édition de ce livre, on aurait aimé une préface, une note bio-bibliographique un peu détaillée, une table des matières. On a le sentiment qu'on a donné à Alain Mabanckou un lot de pages à remplir, sans vrai accompagnement éditorial.
* René Guy Cadou
Hélène ou le règne végétal Seghers, 1952, 2007
isbn : 978-2-232-12297-2, avec un CD (" Môrice Bénin chante Hélène ou le règne végétal "), 16 €
" Je vous délivre un permis sur le réseau dangereux de la beauté. Je n'ai que les droits du plus faible. Je suis passé avant vous au guichet "
" Dans Hélène ou le règne végétal, livre dont l'architecture a été pensée par le le poète, au-delà du chant d'amour, c'est l'homme tout entier qui se dévoile. [...] La grande liberté de la poésie de Cadou ne s'enferme pas dans ses propres mots. Ses dialogues de poète avec l'esprit du trobar, du romantisme allemand (Schubert, Hölderlin, Novalis), De Whitman, de ses frères en poésie, de Max Jacob surtout, ont permis une grande œuvre lyrique [où] un réseau aéré de métaphores s'est développé pour confondre poésie et mémoire dans l'enracinement des "biens de ce monde" (extrait de la postface de Luc Vidal).
René Guy Cadou est né en 1920 dans une région de marais située au nord de l'estuaire de la Loire et il est mort en 1951, à l'âge de trente et un ans.
Les œuvres poétiques de René Guy Cadou ont été rassemblées en leur totalité par les Éditions Seghers ( Poésie, la vie entière, Œuvres poétiques complètes, préface de Michel Manoll, Seghers, 1973, réédition. 2002).
Geneviève Pastre chante ici trois expériences fondamentales de toute existence. Le premier poème déroule en treize séquences le parcours de l'être humain passif (assis), sous les traits d'un IL, se déployant, se mettant en marche, explorant le monde, se heurtant à lui, se débattant ou se perdant, désespérant et repartant toujours, se délectant aussi de cette quête. La deuxième expérience est celle de la perte de la mère, déploration se déployant selon des cinq mouvements d'une cantate funèbre où le final apporte un apaisement (on songe à la pratique de Bach qui par le biais de la tierce dite picarde, ouvrait souvent au majeur, donc à l'espoir et à la lumière, une pièce de tonalité mineure !). Le troisième poème est celui de la prise de conscience de la force de la vie, à l'image d'un fleuve paisible et puissant qui charrie toutes les expériences.
Note de Poezibao : on retrouve dans ce recueil la voix aimée de Geneviève Pastre, son lyrisme, sa combattivité, son amour de la vie et sa lucidité. On retrouve aussi son amour de la musique, elle qui a beaucoup dialogué avec un beau-frère pianiste depuis sa toute jeunesse.
Nouba est en quelque sorte la matrice du texte intitulé Célébration d'un mariage improbable et illimité paru aux Éditions de Minuit en 2002. Il est né d'un poème qu'Eugène Savitzkaya avait écrit pour un mariage à Rome, et qui est construit selon tout un jeu de contrepoints, d'où la présentation en colonnes. " Nouba est un ensemble de démonstrations inabouties, de théorèmes inexistants ou une flopée de théorèmes indémontrables faisant naître une flopée de théorèmes non démontrés, achoppant sur des principes incontournables et trébuchant les uns sur les autres. Au centre de Nouba, il y a la question du genre et de son rôle, mais sans la moindre prise de position, comme si, dès le départ, toute proposition était à la fois bonne et mauvaise et tout choix, aléatoire et arbitraire. Nouba est la fabrication ipso facto d'une machine verbale, d'une sophistique concourant à sa propre perte par jubilation exacerbée. Pas de personnages, pas de psychologie, pas d'ego, pas d'êtres, juste des voix énonçant des contre-principes, des contrevérités, joutant pour rien, jouant de tout, épuisant les paradigmes, dans l'à-peu-près, la nuance nuancée, la répétition forcenée ".
L'ensemble des voix pouvant difficilement être perçu par une lecture solitaire, le livre, très beau sur le plan de la réalisation éditoriale, est accompagné d'un CD. Marie André est l'initiatrice de ce projet d'édition en texte et CD et la réalisatrice de la mise en voix accomplie par plusieurs comédiens.
C'est ici le quatrième livre de Jean Mambrino que publient les Éditions Arfuyen, qui a également édité ses traductions de Hopkins et qui lui a confié les préfaces pour des livres de Pär Lagerkvist ou Joseph Joubert. Arfuyen s'est fixé pour objectif de faire connaître cette œuvre méconnue et majeure, inaugurée grâce au soutien de Jules Supervielle et de René Char.
Les Ténèbres de l'espérance est le récit d'une descente en enfer, celui du manque d'espoir que le poète sent ronger notre temps " Que peux-tu saisir si tes mains sont de cendre ". Pour dire cet univers de tristesse et de violence, la voix de Jean Mambrino se fait haletante et cherche ses mots dans le registre de l'expressionnisme, pour une plongée sans ménagement dans le monde de l'aliénation et de la déshumanisation " Toujours plus d'engloutissement, / d'avidité. Elle ramène chacun / au même instant du rien. ". Le livre pourtant s'ouvre à l'espoir.
Jean Mambrino est né en 1923 à Londres où il passe son enfance. Il devient jésuite en 1954. Il sera professeur de théâtre à Metz, aura notamment pour élève Bernard Marie Koltès. A Londres, il rencontre TS Eliot et Kathleen Raine. Son premier livre Le Veilleur aveugle, est paru au Mercure de France en 1965.
Note de Poezibao : une note de lecture plus approfondie de ce livre paraîtra prochainement sur le site sous la signature de Ronald Klapka.
* La Nouvelle Revue Française
Octobre 2007 - n° 583
17,5 €
Note de Poezibao : sommaire riche et excitant pour cet épais numéro (350 pages !) de l'une des plus vénérables revues littéraires de France. On relève en particulier pour ce qui concerne plus précisément la poésie, une contribution, poème et prose, de Jean-Claude Pirotte, un très curieux ensemble, Les Délires d'un homme mort d'un écrivain canadien de langue anglaise, Daniel Sloate, texte écrit en 1954, lors d'un séjour en France, perdu puis retrouvé. Mais ce qui retiendra sans doute le plus l'attention des lecteurs de Poezibao, c'est un bel ensemble autour de la poésie italienne composée par Philippe Di Meo. Dans ce dossier de 70 pages qu'il a composé, présenté et traduit, Philippe Di Meo a retenu des textes de dix poètes (une suite paraîtra dans le prochain numéro de la NRF) : Ernesto Calzavara, Giorgio Caproni, Toti Scialoja, Emilio Villa, Bartolo Cattafi, Giuseppe Bonaviri, Edoardo Sanguineti, Amelia Rosselli, Augusto Blotto, Vivian Lamarque.
La poésie italienne est décidément bien servie par les grandes revues françaises (on peut se référer aussi aux deux forts numéros spéciaux de Po&sie). On aimerait qu'il en aille autant pour la poésie allemande !
A noter aussi parmi les chroniques, un article de Gérard Bocholier sur Guillevic et une note de lecture de Caisse Claire d'Antoine Émaz par Tristan Hordé.