Magazine Bien-être

Musique de la mère et musique du père

Publié le 05 octobre 2007 par Nathalie Chateau-Artaud
Extraits du livre de Jean During Quelque chose se passe, le sens de la tradition dans le moyen Orient.

Le cas de la musique relève à la fois de la langue -comme système de communication- et de la religion, comme expérience individuelle affective ou même sacrale. Et parmis toutes les musiques -qui se valent en droit- il existe pour un sujet une musique maternelle dont le statut est radicalement différent. Ce qualificatif est justifiable à plusieurs titres. Dans les sociétés traditionnelles, précisément, la musique se transmet en premier lieu dans les berceuses. (L'efficacité de la musique est toujours illustrée dans les anciens traités islamiques, par l'effet apaisant de berceuses sur le nourrisson). Par la suite, l'enfant, qui ne quitte pas sa mère avant l'âge de six ou sept ans, écoute principalement la musique de femmes (des mères). Cette musique première porte la marque unique de la relation affective et du lien organique entre la mère et l'enfant. Si l'on admet par ailleurs que toutes les émotions fondamentales sont vécus dans la petite enfance, sans parler des perceptions du foetus, la musique qui touchera le sujet au plus profond de lui-même ne peut-être que sa musique "maternelle". C'est ce qu'à bien compris Rousseau à propos de l'air du "Ranz des vaches" qui déclenchait des crises de larme parmi les rudes troupes de Suisses. Contrairement aux autres langues et musiques qui sont apprises avec un minimum d'effort intellectuel, la langue et la musique maternelles sont assimilées oralement, naturellement, inconsciemment. Un des critères d'authenticité tient précisément à la nature de ce processus d'apprentissage qui, selon toute vraisemblance, se fait -comme pour la langue maternelle- par le cerveau droit, et non par le cerveau gauche, qui est celui de l'acquisition de savoirs théoriques. L'absence de toute mise à contribution de type "intelletuel" est une garantie de "pureté" du contenu musical : il n'a pas été altéré par une intention délibérée (...). Il est vrai que la musique des enfants, de femmes -en particulier les berceuses- est plus archaïque et conservatrice que celles des adultes et des hommes. (...)
La musique maternelle est celle qu'on a "dans le sang", selon une expression souvent utilisée en Iran et ailleurs, comme si elle se transmet chromosomiquement, dans le ventre de la mère, ou encore par le lait maternel.

A cette musique de la mère s'oppose complémentairement ce qu'on pourrait appeler une musique du père, et qui correspond à un autre niveau culturel et à des formes musicales faisant appel à d'autres processus d'acquisition, à la réflexion, à la technique, à la rationalisation, la verbalisation et la conceptualisation. Une telle musique appartient au domaine savant et constitue une spécialisation, un savoir spécifique partagé par un petit nombre, mais potentiellement accessible par un grand nombre, puisqu'en s'attachant à la mère et à la terre, il se reterritorialise dans la pensée et y gagne une certaine universalité. Tout ce qu'on appelle musique d'art ressortit à cette catégorie, tandis que les pratiques musicales élémentaires ou fondamentales (sur lesquelles, néanmoins, s'édifient généralement les premières) ressortissent à la catégorie des musiques maternelles.
(...)
et plus loin de lire que se situe un clivage entre "langue technique" et "langue de tradition""par quoi il faut entendre langue maternelle transmise de bouche à oreille".(...) "la langue naturelle c'est-à-dire la langue qui n'a pas été d'abord inventée et imposée par la technique."


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