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Vouvoiement : indispensable envers les enseignants, préférable envers les élèves

Publié le 17 août 2009 par Soseducation

En 2007, peu de temps après sa prise de fonction, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Xavier Darcos se prononçait pour le retour du vouvoiement à l’école afin que « chacun soit à sa place ». Selon lui, le vouvoiement des enseignants par les élèves est « indispensable ». Le vouvoiement des élèves par les enseignants est aussi « préférable ».

Ces propos sont surprenants, car ce constat semble partagé par la majorité des professeurs. Très en vogue dans les années 1970 et 1980, le tutoiement du professeur par les élèves est aujourd’hui en voie de disparition. Certains professeurs vont même jusqu’à faire traduire en conseil de discipline les élèves s’étant permis de les tutoyer ! (Cf. Sébastien Clerc, qui raconte son expérience de professeur de ZEP dans Au secours ! Sauvons notre école, Oh Éditions, 2008).

Si ce point ne fait plus débat aujourd’hui, c’est que les avantages du vouvoiement du professeur par les élèves sont évidents :

  • Le vouvoiement implique un ton naturellement plus soutenu, qui incite les élèves à faire un effort de langue, à soigner leurs tournures et leur vocabulaire ;
  • Il les aide à éviter de déraper sur le ton plus familier qu’ils ont l’habitude d’employer entre eux, mais qui ne convient pas avec leur professeur ;
  • Ils prennent l’habitude d’employer des formules qui restent, malgré tout, très répandues dans le monde des adultes, en particulier le monde professionnel ;
  • Il permet au professeur de maintenir une distance qui peut lui être utile pour assurer son autorité dans les moments conflictuels.

En revanche, il est vrai que le vouvoiement des élèves par les professeurs fait plus débat.

Il semblerait irréaliste et inutile de vouloir imposer à tous les professeurs de vouvoyer leurs élèves.

En effet, il est parfaitement possible à un adulte de parler aux enfants sur un ton respectueux tout en les tutoyant (l’inverse est bien sûr possible aussi, mais est plus difficile à maintenir systématiquement).

De plus, selon leur personnalité, les professeurs doivent avoir la liberté de choisir la manière qu’ils jugent la plus adaptée de s’adresser à leurs élèves.

Néanmoins, le vouvoiement des élèves par le professeur comporte également de nombreux avantages :

  • En étant vouvoyés, les élèves se sentent, à juste titre, considérés comme des êtres responsables et dignes de respect. Car le vouvoiement est la manière habituelle avec laquelle les adultes se parlent entre eux, et manifestent une attitude de politesse et de respect envers les autres ;
  • Le vouvoiement, qui caractérise, on l’a dit, le monde des adultes, prédispose les enfants à entrer dans la logique de l’école, qui est le lieu par excellence où ils se préparent à devenir adultes ;
  • Le vouvoiement, qui institue une distance entre le professeur et l’élève, contribue à renforcer chez ce dernier l’idée que l’école n’est pas pour lui un lieu comme un autre, et que le professeur n’est ni un copain, ni un parent.
  • Dans l’optique de faire reculer les violences à l’école, cette pratique peut paraître assez dérisoire ; néanmoins, lors d’une situation de confrontation entre un professeur et son élève, le vouvoiement apparaît comme un modérateur : il évite à chacune des deux parties de tenir des propos grossiers, vulgaires ou injurieux. La distance induite par le vouvoiement canalise ainsi la tension. Dans une situation, à l’inverse, où l’élève est récompensé, il donne un caractère plus solennel à la récompense.

Les professeurs qui souhaitent instaurer une distance et une solennité supplémentaire avec leurs élèves, peuvent également choisir, en complément au vouvoiement, d’appeler par leur nom de famille, précédé de « Monsieur » ou « Mademoiselle », les élèves.

Notons toutefois que, à l’école primaire, rares sont les manuels scolaires qui font encore le choix de vouvoyer les élèves dans les énoncés d’exercices. D’autre part, dans de nombreux pays occidentaux, la formule de politesse est tombée en désuétude. C’est le cas de l’Italie, de l’Espagne, et bien sûr des pays anglophones. Même au Québec, le vouvoiement est très peu utilisé.

Dès lors, pourquoi souhaiter le maintenir dans nos écoles ? C’est que ce qui se fait à l’étranger n’est pas forcément toujours la meilleure chose à faire chez nous. Pour les raisons précédemment énoncées, la langue française offre la possibilité de s’exprimer avec singularité, distance et distinction. Au nom de quoi faudrait-il en priver les élèves ?


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