L'émission aura fait du bruit, mais pas forcément parce qu'elle avait débouché sur de grandes conclusions : Ça vous dérange, animé par Philippe Bertrand, qui s'occupe plus généralement des Carnets de campagne sur France Inter, avait convié trois personnes pour parler du livre numérique autour d'un thème passablement orienté : Le livre est mort, vive le e-book... !
Compter les cartes, c'est tricher au poker
Cet intitulé avait tout d'abord de quoi faire frémir : à 13 h et quelques quand nous avons décroché de France Inter, 21,2 % des répondants au sondage Pensez-vous que le livre numérique va remplacer le livre, avaient opté pour l'affirmative. Regrettable tournure de phrase, montrant que le clivage imprimé / numérique a encore de l'avenir.
Et pour ce faire, l'un des invités aura probablement manqué d'à propos : Jean-Marc Roberts, plus connu dans l'édition pour ses publications que ses connaissances en nouvelles technologies, ne semblait pas vraiment l'interlocuteur idéal pour que le débat puisse réellement s'élever au-delà de la problématique Pour - Contre, voire Méchant (numérique) Gentil (papier).
C'est d'ailleurs dans cela que l'on aura versé.
Débat qui s'enlise, de plus en plus
Impossible donc de sortir de la « chaîne affective » du livre-objet, et seul constat positif, que Christine Ferrand réalisera : il est possible que depuis l'avènement du numérique, les éditeurs fassent plus attention à la qualité de leurs ouvrages imprimés. Possible, mais loin d'être certain. Faut bien retenir le public, nom de nom ! Heureusement que l'animateur a pris position pour le livre imprimé, sinon, le côté obscur nous guettait...
Émission à destination du grand public, lequel ne saura finalement pas que les lecteurs ebooks sont de précieux outils et qu'ils ne visent pas à remplacer le papier, mais plutôt à proposer une autre solution de lecture... On regrettera que sur ce point, Laurent Picart de Bookeen, n'ait pas eu l'occasion de s'exprimer plus.
De même, on aura retrouvé tous les clichés, les clivages, les rivalités, probablement du fait du choix des invités, mais surtout, impossible de sortir de l'impasse. L'ebook est un tueur de livres, d'éditeurs, de la profession entière : bref, l'ebook, c'est le diable, et que vivent le bruit et l'odeur des livres imprimés...
Vulgariser, oui, rendre vulgaire, non
Rendons à César ce que Cléopâtre lui a chipé : M. Roberts aura reconnu que les lecteurs peuvent avoir un usage professionnel. Mais oubliera-t-il qu'avant de devenir des objets pour le grand public, les caméscopes étaient des caméras et qu'on tournait de films qui n'étaient pas de vacances ?
Vous pouvez retrouver l'émission pour vous faire votre propre opinion, et, comme nous l'avons lu par email, nous accuser par la suite « de ne pas aimer les livres, technophages que vous êtes, addictes à une société de consommation qui mettrait Mona Lisa en conserve, si elle était assurée de la monétiser».
Ou alors de vous rendre compte qu'il faut mieux parfois éviter de traiter d'un sujet, quand les cartes qu'on a en main ne permettent pas même de bluffer.
Et ça, oui, ça nous dérange...