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Premier roman: Estelle Nollet cherche la sortie

Par Pmalgachie @pmalgachie
Premier roman: Estelle Nollet cherche la sortieJe vais tenter de rester prudent. Ne pas crier tout de suite au chef-d’œuvre. Brider mon enthousiasme. Après tout, On ne boit pas les rats-kangourous est le premier «premier roman» de la rentrée que j’ai lu cette année. Et, comme tout le monde, j’ai plutôt envie d’aimer que de détester, histoire de me dire que le mois d’août se présente bien, qu’il y a encore des dizaines de milliers d’excellentes pages devant moi. Imaginez ce qui se passe si vous commencez avec un livre qui vous tombe des mains, en pensant avec crainte, voire avec angoisse, à tous ceux qui vont encore vous tomber sur les pieds d’ici à la fin du mois de septembre, voire jusqu’en novembre et les prix littéraires qui terminent cette période si importante pour la vie littéraire française.
En tout cas, le premier roman d’Estelle Nollet est une bonne pioche, je ne vais pas me freiner pour le dire. Tout de suite, un ton.
Ce n’est même plus le café qui laisse des ronds noirâtres sur la table mais la crasse. Des auréoles sales pour des saints des enfers. Des restes de bière collés aux cendres qui s’agrippent à nos coudes comme des morbacks, des traces de doigts qui ont piétiné mille fois le formica sans trouver la sortie de ce petit carré d’oubli. Près du comptoir une demi-vieille laisse voir ses tatouages fatigués, vibrant le long de sa peau flasque, jouant les accords d’une vie passée mais toujours en devenir de rien, et elle marche comme on rampe, la main puis la bouche et de nouveau la main sur le péché, et demain la gueule de bois en châtiment: tu vomiras dans la souffrance.
Ce sont les premières lignes. J’aurais pu vous en offrir plus long sans me lasser – puisque je relis déjà, et avec un plaisir renouvelé, en copiant ce passage.
Bien. Mais de quoi s’agit-il? D’une sorte de village posé à côté d’une décharge, au milieu de nulle part. Ni église ni école: le centre de la communauté qui vit là est un bar. Où l’on boit sec, pour oublier qu’il n’y a aucun avenir. Car, si l’on arrive là pour des raisons diverses, dans une sorte de bannissement, la porte de sortie est introuvable. Les camions qui déversent les déchets ont amené un certain nombre d’individus. En revanche, ils n’ont jamais emmené personne.
On y vit donc dans une totale passivité. Du moins cette passivité serait-elle totale s’il n’y avait, ces temps-ci, le sentiment d’être en outre des oubliés du monde. Auparavant, des chèques arrivaient, qui permettaient de faire des courses chez Den, l’épicier toujours approvisionné, toujours prêt aussi à faire crédit. Mais, à force, le crédit s’use. Même les étagères de Den se vident. Bientôt, il n’y aura plus rien à boire. Et, comme on sait, On ne boit pas les rats-kangourous, tout juste bons à nourrir le coyote apprivoisé par Willie.
Il faudrait parler davantage de Willie, le narrateur. Il a vingt-cinq ans, comme son ami Dig Doug, au visage lunaire, qui passe son temps à creuser des trous. Willie n’a jamais connu le monde extérieur. Comme les autres, il boit. Mais l’idée de quitter cet enfer qui ne dit pas son nom fait son chemin dans son esprit. Surtout quand une partie de la population, la plus bête et le plus violente, prend le pouvoir…
Je vais m’arrêter là. Il me semble que j’aurais pu continuer encore. Lisez Estelle Nollet, vous ne le regretterez pas.

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