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Auteuil-Neuilly-Passy, c’est pas du gâteau… Auteuil-Neuilly-Passy, tel est notre ghetto !

Publié le 23 août 2009 par Boustoune

Neuilly-sur-Seine, ville la plus huppée du département le plus riche de France… Un paradis pour riches hommes d’affaires et pour personnes âgées désireuses de couler des jours tranquilles hors de la capitale, mais pas trop loin quand même…
… et un cauchemar pour Sami, un jeune beur qui n’échangerait pour rien au monde son univers - une barre HLM dans un quartier populaire de Chalon-sur-Saône – contre celui de cette bourgeoisie trop hautaine et trop rigide.
C’est qu’il l’aime sa cité, Sami ! Il y trouve tout ce dont il a besoin pour s’épanouir : des halls d’immeubles, des cages d’escalier, des parkings, un voisinage distrayant et des copains pour faire les quatre-cent coups… Il va cependant être obligé de la quitter. Quand sa mère trouve un emploi bien payé sur un paquebot, elle ne peut l’emmener avec lui, et décide donc de le confier provisoirement à sa soeur, qui habite en Ile-de-France.
Sami est un peu triste, mais il se dit qu’au moins, il ne sera pas trop dépaysé, et pourra même apprendre de cette expérience vu que la banlieue parisienne, c’est la crème de la crème en matière de cités. Tout y est comme à Chalon, mais en mieux. Il paraît même que dans le 9-3, les lascars se baladent avec des lance-roquettes à la main…  Aussi, le choc est rude quand il découvre que sa tante Djamila, qui a épousé un riche industriel français, habite en fait à Neuilly-sur-Seine dans une maison cossue et qu’il a d’office été inscrit dans un collège privé de haut-standing. C’est trop la loose ! La tehon ! C’est quand même la ville de Sarkozy ! Neuilly, sa mère !
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Mais le jeune garçon n’a pas vraiment le choix. Il va devoir s’adapter à ce nouvel environnement. A commencer par sa famille d’accueil. Et rien que ça, c’est une gageure ! Car si sa tante semble tout à fait saine d’esprit, ce n’est manifestement pas le cas des autres membres de la famille. Il y a son oncle est un tantinet psychorigide dès qu’il s’agit du respect des règles de bienséance. Il y a aussi sa cousine, une bobo rebelle s’entichant de causes altermondialistes diverses et variées dans le seul but de choquer la morale des petits bourgeois du quartier. Et surtout, il y a Charles, ce cousin snobinard obsédé par l’ordre et le pouvoir avec qui il va devoir cohabiter, une vraie tête à claques…
A l’école, ce n’est guère plus simple. Profs et élèves regardent de haut ce petit nouveau qui vient d’une banlieue défavorisée – en Province de surcroît – et, ô mauvais goût, porte des pulls monoprix et des mocassins à glands, ultimes cadeaux de sa mère destinés à le rendre plus présentable… Pour l’intégration, c’est raté. Il faut dire qu’à Neuilly, c’est un peu le monde à l’envers. Les « reunois » parlent un langage soutenu – il faut dire qu’ils sont fils d’ambassadeurs – et les « lascars » fans de rap (de « Tony Parker, le meilleur rappeur du monde » lol) sont des blondinets ressemblant fortement à Jean Sarkozy, conseiller général des Hauts-de-Seine et accessoirement fils de Nicolas S., lui-même ancien maire de Neuilly…
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Le cinéaste Gabriel Julien-Laferrière et son scénariste/producteur Djamel Bensalah ne se privent d’ailleurs pas de railler gentiment les tics et petites phrases de notre « hyper-président » de la République, à travers le comportement de certains personnages. Il faut voir le petit geste d’épaule très sarkozien de la proviseure du collège (Josiane Balasko) quand elle explique qu’il faut «étudier plus pour réussir plus ». Ou le portrait du petit Charles (Jérémy Denisty, très drôle), membre des jeunesses de l’UMP, adorateur de Carla Bruni,… Il n’a pas encore l’âge de se raser mais il pense déjà à briguer le poste de Président de la République. Mais déjà faudrait-il qu’il soit capable de gagner ne serait-ce que l’élection des délégués de classes. Pas facile, vu sa côte de popularité, ce qui le plonge dans une profonde déprime : « Je suis un looser. Je suis Balladur ! ». Alors il exerce son petit pouvoir tyrannique sur d’autres plus faibles, comme Sami, à qui il lance, impérial : « Ma chambre, tu l’aimes ou tu la quittes… ». Toute ressemblance avec une personne existante n’est pas du tout fortuite !
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Evidemment, cette charge anti-Sarko ne manquera pas de faire grincer les dents de ses admirateurs, qui fustigeront la facilité de certains gags.
D’autres déploreront le côté très manichéen du film et les clichés qu’il véhicule : d’un côté le gentil héros issu des banlieues difficiles, de parents maghrébins, de l’autre des blancs idiots, plus ou moins racistes, intolérants et manipulateurs… Les joies de la vie dans une cité HLM contre l’enfer d’une maison bourgeoise dans un quartier cossu… Il est vrai que les scénaristes n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère, mais il faut bien comprendre que cette débauche de poncifs sur la bourgeoisie et les beaux-quartiers s’inscrit en réaction aux préjugés existant sur les banlieues difficiles, les cités « coupe-gorge » et la racaille à éradiquer « au karcher »… En somme, ils combattent le mal par le mal. Un choix scénaristique que l’on peut toujours remettre en cause sur le fond, mais qui s’avère efficace sur la forme, tant le film est drôle et bien rythmé, deux vertus essentielles pour une comédie.
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Neuilly sa mère ! remplit parfaitement sa fonction première qui est de divertir. Le film regorge de gags sympathiques et de répliques cinglantes, débitées par des acteurs très complices et manifestement heureux de jouer ensemble. Le jeune Sami Seghir, révélation de Michou d’Auber, est une fois de plus juste et attachant. A ses côtés, on retrouve de jeunes comédiens également convaincants (Jérémy Denisty, donc, mais aussi Joséphine Japy, Mathieu Spinosi, Chloé Coulloud,…), des acteurs confirmés (Rachida Brakni, Denis Podalydès) et quelques amis célèbres de Djamel Bensalah venus faire de la figuration pour la bonne cause (Josiane Balasko, Valérie Lemercier, Armelle, Eric & Ramzy, Olivier Baroux, François-Xavier Demaison,…).
Ce casting hétéroclite se veut à l’image du film, brassant les générations, les cultures, les milieux sociaux, et cherchant à séduire un large public. Pari réussi, puisque le film, a réalisé un très bon démarrage pour sa première semaine d’exploitation. Et si Neuilly sa mère ! était la comédie de l’été ?...
Note : ÉtoileÉtoileÉtoileÉtoile
Neuilly sa mère !

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