Au carrefour Barbès se situe Le Louxor (Henri Zipcy architecte, Amédée Tibéri décorateur, 1920-1921), célèbre pour sa décoration en mosaïque dans un goût égyptien Art déco qui n’est pas sans évoquer l’illustre film Cleopatra - premier des grands péplums, tourné à New-York par l’actrice Theda Bara en 1917.
Le Louxor en 1920
Un travail minutieux de recherche et la technologie moderne nous permettent d'avoir une meilleure idée de la salle du Louxor à son origine. Cette image ne propose pas une reconstitution scrupuleuse des décors, elle est l'illustration de ce qui a existé, de ce qui est encore là et de ce qui risque d'être détruit pour laisser place à une copie. La colorisation, réalisée avec les trois dominantes de couleur originelles, a pour but de montrer l'ambiance et les espaces de l'intérieur du Louxor au début des années 20.
La photo en noir et blanc a été colorisée à dessein, dans des teintes bleues, or et sépia, très présentes, afin de restituer l'atmosphère de la salle d'origine.
Les bleus sont dans le rideau en trompe-l'œil dont les festons ourlent le haut de l'écran, mais également dans le haut soubassement en faux marbre qui habille tout le premier registre de la salle, dans tous les décors. Les ors sont dans le rideau en trompe l'oeil, dans les motifs décoratifs des ébrasements. La couleur sépia est déclinée dans les hiéroglyphes ainsi que dans les décors.
En-dessous de l'écran, il faut noter la présence d'une fosse d'orchestre très originale, semi-enterrée, et d'un petit plateau d'avant-scène.
A noter : actuellement tout est en place.
L'image colorisée montre, de toute évidence, que cela met l'espace en valeur. Le principe de colorisation est néanmoins un principe ancien qui a ses limites.
Longtemps abandonné, l’édifice a été racheté par la Mairie de Paris qui entend l’adapter aux standards contemporains en matière d’isolation phonique et de projection (selon le principe de la « boîte dans la boîte »). Prétendant assurer l’équilibre économique du projet, la Ville envisage de créer deux salles en sous-sol (sans trop se soucier de la stabilité des fondations, dans un quartier miné par d’anciennes carrières de gypse). En imposant de détruire la totalité de la structure, ainsi que les espaces et les décors intérieurs pour n’en conserver que l’enveloppe (protégée au titre des Monuments Historiques), les options retenues conduisent à une redoutable opération de « façadisme », tel qu’on n’en fait plus depuis dix ans. Le programme choisi est directement en cause : un cinéma d’art et d’essai, composé de trois petites salles – là où il n’en existe aujourd’hui qu’une seule, beaucoup plus vaste. Conséquence de ce choix destructeur, ce n’est plus le cinéma des années vingt que nous retrouverons après travaux, mais son succédané à plus petite échelle. Une telle duperie n’est pas acceptable : le faux ne remplacera jamais le vrai. La sauvegarde de l’original serait à la fois moins coûteuse et plus satisfaisante que ce qu’on nous prépare.
Le Louxor mérite plus que le triste sort qu’on lui réserve. D’abord pour son architecture : rare témoignage d’une typologie caractéristique des débuts du cinéma muet, il possède encore ses deux balcons superposés, exploitant un volume tout en longueur (dispositif nécessité à l’époque par les contraintes de la projection). Il a conservé son cadre de scène, son estrade, sa fosse d’orchestre, ainsi que l’emplacement de l’orgue électrique qui y avait été primitivement installé. Enfin, lors des travaux préalables à la démolition, son décor intérieur qu’on croyait disparu - notamment, à la naissance du plafond, une haute frise de personnages de profil, à la manière égyptienne…- a été redécouvert intact : masqué par des habillages postérieurs, il a miraculeusement survécu.
La généralisation des multiplexes a fait disparaître la plupart des cinémas, dont les plus anciens remontent aux années trente. Conçu dix ans plus tôt, à l’époque du muet, Le Louxor n’en est que plus précieux. Sa sauvegarde serait facile : pourquoi ne pas tirer parti de son volume exceptionnel, propice à l’audition des musiques non enregistrées ? « Temple du cinéma », la salle, qui a accueilli Dizzy Gillespie et vu les débuts de Gilbert Bécaud, ne pourrait-elle pas devenir le conservatoire de la variété, dans le Paris qui fut celui d’Edith Piaf et de Georges Simenon ?
Pour en savoir plus: http://sauvonslelouxor.blogspirit.com/
Pour signer la pétition: http://www.ipetitions.com/petition/Louxor/