La « vraie » philosophie, contrairement à la métaphysique matérialiste, n’a que faire du savoir scientifique : celui-ci restera relatif jusqu’à la fin des temps, tandis qu’elle sera éternellement la voie et la voix de l’Absolu, de LA Vérité ou réalité absolue – sauf à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire !
C’est précisément sur cette base que je vais justifier
« définitivement » l’exception humaine et invalider à jamais le scientisme anthropomorphique, à savoir cette
tentation permanente des humains de comparer notre espèce et son propre monde avec les infinies espèces et le leur.
L’illustration en est fournie par les propos de Schaeffer, parlant de la
spécificité du langage humain, et déclarant :
« Aucune autre espèce animale n'a développé une syntaxe, c'est-à-dire la possibilité de combiner un nombre fini de signes dans un nombre infini de phrases. Mais on sait aussi que cette
spécificité du langage est une spécificité biologique, génétiquement préparée. Il n'y a plus d'opposition entre le langage et la biologie. »
Non seulement, notre époque continue même d’affubler l’animal d’un « instinct », ce qui n’est pas
sans rappeler les animaux-machines de Descartes, au lieu de parler d’ingéniosité, d’inventivité, voire d’intelligence, mais voilà que Schaeffer tombe
précisément dans ce qu’il dénonce : l’exception humaine ! OUI, développer une syntaxe, combiner un nombre fini de signes dans un nombre infini de phrases, semble bien être pour toujours le propre de l’homme, donc une exception humaine dont la fin annoncée n’est pas pour demain !
Regardons ce que la « vraie » philosophie, celle de Spinoza et Brunner
notamment, a à nous dire sur les espèces et toutes les autres choses de notre monde en la distinguant précisément de la science, a fortiori du scientisme, contrairement à tous ces
matérialistes dont Schaeffer. Eux, en effet, continuent superstitieusement à vouloir combiner deux facultés différentes de notre entendement humain : le penser pratique,
commun à tous, et leur prétendu penser spirituel. Or, leur métaphysique, qu’ils considèrent comme une forme du penser spirituel, n’est pas de la philosophie, mais
seulement une falsification, un analogon de l’Esprit véritable : celui qui n’a pas « créé » un monde ayant un prétendu « commencement » !
Notre penser pratique nous sert uniquement à vivre et à nous
orienter dans notre mode des choses, en particulier grâce au penser scientifique des Abstractions (atome et autres constructions auxiliaires fictives), mais il ne nous est
d’aucune utilité pour philosopher – sauf à prétendre penser philosophiquement avec notre appareillage sensoriel ! En réalité, seule la philosophie - la
« vraie » philosophie - est la voix et la voie de l’Absolu véritable, parce qu’Unique, alors que la religion, la métaphysique (scientisme
matérialiste et scolastique idéaliste) et le moralisme prennent superstitieusement pour absolu notre pensé seulement « relatif », à
savoir tout le contenu pensé dans et sur (à propos de) notre monde, et ainsi terminent-ils dans
le « dualisme » des absolus - cette « impossibilité absolue » par définition, et par excellence !
En vérité, hors de notre entendement pratique, notre pensé n’a
pas de réalité absolue, à commencer par notre monde lui-même. Notre monde humain, en effet, n’existe que « relativement » à notre entendement particulier. En conséquence, sans
penser humain, sans êtres humains pour se représenter et penser notre propre monde, il n’existerait pas de monde humain tel que nous le saisissons à travers nos représentations
humaines spécifiques - sauf à quiconque, évidemment, d’établir le contraire en démontrant sa réalité, ou existence absolue,
indépendamment de notre penser humain !
Toutefois notre penser pratique ne saurait se contenter de sa
« relativité » terrestre, et inspiré par l’ « Esprit de l’univers », qui n’est pas le saint Esprit religieux ni celui des idéalistes Descartes et Kant,
il veut aussi s’élever à l’Absolu, à l’Idéal, auquel nous sommes incontestablement rattachés – sinon, comment expliquer que nous ne pouvons pas penser le moindre concept sans
penser à la fois l’idéal du concept pensé (femme, liberté, égalité, justice et démocratie idéales, par exemple) ?
Il est donc légitime de se demander ce qui pense en nous dans nos rêves
nocturnes par exemple, puisqu’ils sont totalement indépendants d’une quelconque libre volonté individuelle. A la réponse apportée à cette question se manifestent précisément deux sortes
d’humains : les gens de l’Esprit véritable, ceux qui pensent spirituellement l’absolu Un, et ceux de la multitude, qui « croient » superstitieusement en la
possible coexistence de leurs « deux » absolus fictifs : Dieu, ou un principe créateur, ET notre
monde.
Pour les premiers, notre monde relatif et l’Absolu sont dans une
relation d’immanence, et ils ne font qu’UN selon l’expression du Christ parlant du Père. Brunner l’appelle « le
Pensant » (das Denkende), et il n’est rien d’autre que l’Idée des idées de Platon, ou ce que Spinoza nomme Dieu, ou substance - entre autres multiples désignations
de la pensée authentiquement mystique ou véritablement philosophique de l’Orient et de l’Occident.
Les seconds érigent fictivement leur Dieu en Absolu et en font le
prétendu créateur d’un monde qui n’a pas eu de commencement, et pas davantage sous l’action d’un primus motor ou d’un big bang. Sans entrer ici dans un débat philosophique exhaustif,
dont un bref aperçu a toutefois été donné avec la non-réalité absolue de notre monde, « absolutiser le relatif », c’est précisément tomber dans le penser
superstitieux avec ses « deux » absolus, où un absolu produit un autre absolu.
Cette brève digression était indispensable pour accréditer
définitivement la thèse de l’exception humaine dans sa « relativité » spécifique, mais ce qui est valable pour notre monde humain existant relativement à
notre propre penser pratique s’applique également à chacun des infinis mondes des infinies espèces. Tout monde n’existe que « relativement » à l’entendement spécifique qui le pense, se le
représente, et chacun constitue donc forcément une exception.
Assurément, aucun des infinis mondes infinis n’aura jamais la
moindre idée, ne forgera jamais la moindre représentation, de tous ces infinis autres mondes, ou infinis attributs spinozistes, coexistant avec le sien et tous les autres mondes
spécifiques. Seuls les humains, précisément, croient pouvoir combler ce manque par leur anthropomorphisme prétendant connaître, avec leurs sciences de la nature, les infinis mondes de
l’infinité des espèces constituant notre environnement !
Or, en réalité, que savons-nous véritablement, avec notre penser
scientifique, du monde du chien, du chat, du requin, de la fourmi, du vautour, etc., etc., tel qu’il leur est représenté par leur entendement spécifique de chien, de chat, de requin, de
fourmi, de vautour, etc., etc. ? RIEN, en dehors de notre vision anthropomorphe ! ! ! Alors, si notre humilité
doit se faire jour, c’est bien déjà sur ce plan, mais ils sont extrêmement rares les intellectuels et les scientifiques capables de reconnaître publiquement l’insuffisance de leur savoir à
jamais relatif…
C’est pourquoi je termine en rappelant, une fois de plus, ce propos de Bernard
d’Espagnat, homme de science et spinoziste :
« Le réel par excellence, ce ne sont pas les contradictoires entités sur lesquelles travaillent les hommes de science contemporains, mais ce que Spinoza nomme la
substance. » (Cf. A la recherche du
réel)
[Les éventuels défauts de présentation sont totalement indépendants de ma
volonté]