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Sarkozy donne des leçons au monde

Publié le 28 août 2009 par Juan

Mercredi 26 août, Nicolas Sarkozy a livré son discours de politique étrangère aux ambassadeurs de France réunis à l'Elysée. Il avait placé sa rentrée sous le signe de la détermination. Mercredi, le Monarque français a joué les donneurs de leçon tous azimuts, sans modestie ni diplomatie. Une tonalité curieuse pour celui qui est devenu, en un temps record après son élection, l'ami des dictateurs "utiles" de la planète.
Sarkozy accuse l'Amérique
Dès la première phrase de son discours, le ton est donné. Sarkozy flingue son ami Bush: "Le 15 septembre 2008, un an après le début de la crise des « subprimes », le monde entier a été projeté au bord du précipice par la décision des autorités américaines de laisser tomber la banque Lehman Brothers. Une décision, je le rappelle, prise alors sans aucune concertation avec les principaux partenaires des Etats-Unis." Le président français accuse les Etats Unis d'alors d'avoir précipité le monde dans la crise, sans régulation ni prévention. On se rappelle l'éloge des "subprimes à la Française" que le même Sarkozy avait dressé il y a à peine 2 ans.
Pourtant, le même Sarkozy justifie, une nouvelle fois, l'intégration de la France au sein du commandement militaire de l'OTAN: "Et qui peut penser qu’une France en dehors aurait plus d’influence qu’une France à l’intérieur ?" Il argumente également en faveur de l'intervention militaire en Afghanistan, se félicitant de la tenue des élections ("la campagne électorale s’est bien déroulée, en dépit des pires menaces. En votant, les Afghans ont dit non à la barbarie et au terrorisme"). Lui a-t-on dit que 7 Afghans sur 10 ne sont pas allés votés ?
Sarkozy abuse de l'autosatisfaction.
Le "Je" domine comme souvent dans son discours: A l'écouter, c'est grâce à lui si le monde a évité la catastrophe, en organisant des rencontyres internationales, jusqu'au G20 de Pittsburgh à la fin du mois de septembre: "dès le 23 septembre 2008, à la tribune des Nations Unies, au nom de l’Europe, j’ai proposé la tenue d’un sommet des principaux dirigeants mondiaux. Cinq semaines plus tard, c’était le sommet de Washington ; cinq mois plus tard, c’était le sommet de Londres ; et fin septembre, ce sera Pittsburgh." Sans rire, Sarkozy oublie combien il est resté tétanisé dix longs jours de septembre, après la faillite de la banque Lehman Brothers le 15 septembre. Rappelez vous sa réaction forcée, mardi 16 septembre, le lendemain du premier krach: pressé par un journaliste de réagir au krach de la veille, il prétexta "une petite nuit", occupé qu'il était à "faire libérer" deux otages français en Somaie dans la nuit de lundi à mardi. "J'aurais l'occasion de m'exprimer sur le sujet dans les jours et les semaines qui viennent". La semaine suivante, à New York, il se contente de fustiger les excès de la finance mondiale, sans proposer de concertation internationale particulière, puis, à Toulon, il promet la garantie de l'Etat aux banques et épargnants français. Près d'un an plus tard, le Monarque français n'a donc ni gêne, ni mémoire pour se présenter, sans rire, comme le sauveur de l'économie mondiale. Ainsi sur les paradis fiscaux, "A Washington, la France avait été absolument la seule à se battre sur ce sujet". On objectera que, primo, les paradis fiscaux n'ont rien perdu de leur avantage fiscal (seuls des engagements de transparence des placements privés ont été obtenus), et, deuxio, la Sarkofrance a joué la carte du bouc-émissaire pour éviter de parler relance économique, toute épuisée financièrement qu'elle était par des cadeaux fiscaux à répétition.
Sarkozy réécrit l'histoire à son compte
Le ralentissement économique n'est pas né le 15 septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers. En France, comme ailleurs, la situation de l'emploi a commencé à se dégrader dès avril 2008, avec la chute du marché de l'intérim, signe annonciateur, et l'envolée des prix de l'énergie depuis 2001 et jusqu'à l'été 2008.
Ce discours fut tel une pièce de théatre, un one-man-show où Sarkozy a pu réécrire l'histoire, exagérer son importance, mettre en scène sa détermination. Il use et abuse de termes durs, parfois violents (scandale, tribunal, tabou).
Sur l'Iran ou les bonus, le rôle de la France ou le réchauffement climatique, Sarkozy théatralise au maximum ses propos: "la France sera intraitable" ou : "Je n’oublierai jamais les nuits blanches où l’on devait trouver, avant l’ouverture des marchés, des dizaines de milliards pour sauver telle banque ou tel pays de l’effondrement. Les choses sont parfaitement claires dans mon esprit." Ou encore: "Si un partenaire est en désaccord avec nous, qu’il le dise devant le tribunal de l’opinion publique internationale et devant le tribunal de sa propre opinion." Son auto-mise en scène de président "en charge" se loge dans chaque paragraphe de son discours: "A chaque instant, au moment de prendre chaque décision, je me pose la même question : le choix que je suis en train de proposer aidera-t-il la France et les Français à sortir de la crise plus forts ?" Si l'Europe a "bien" réagi à la crise, c'est grâce à "l’amitié qui me lie à Angela Merkel", explique encore Sarkozy. Ou écoutez donc ce modèle du genre narcissique: "Moi, j’étais fier de l’Europe lorsque, à notre initiative, à Genève, l’Europe a quitté la salle lorsque le Président AHMEDINEDJAD a prononcé un discours inacceptable."
Moi, moi, moi.
Sarkozy pose un ultimatum au G20
"Je n’accepterai pas que ceux qui nous ont plongés dans la crise la plus grave depuis 1930 soient autorisés à recommencer comme avant. La France ne l’acceptera pas. Chacun devra prendre ses responsabilités et mettre ses actes en accord avec ses propos." Les propos se font plus clairs,, quand il évoque "le scandale des bonus". Il ne ment pas quand il promet que "la France appliquera sans attendre les règles les plus strictes qui existent sur le domaine international en matière de bonus, sans attendre que les autres les appliquent."Mais on pourrait pleurer quand on étudie ces fameuses règles "strictes": maintien du bouclier fiscal, absence de plafonnement, poursuite des pratiques de bonus. Sarkozy toilette un système vicié et crie à l'exemplarité de sa démarche... A Pittsburgh, Sarkozy souhaite que le G20 adopte les nouvelles règles françaises (i.e. l'étalement du versement des bonus sur 3 ans), qui sont largement inspirées des mesures proposées par la FSA britannique pour la City de Londres il y a 15 jours déjà, et s'engage sur de nouvelles règles comptables et "la prévention par le FMI des risques systémiques" (comme l'endettement de certains pays). Il promet qu'il ira"même poser la question de la limitation du montant des bonus". Incroyable ! Cela fait un an qu'on en parle et qu'en en souffre !
Sarkozy et sa diplomatie nucléaire
Le monde est politiquement instable. C'est évidence depuis la fin de la guerre froide. Mais Sarkozy n'est pas inquiet par la prolifération du nucléaire civil. Il n'y voit qu'une alternative indispensable à l'épuisement programmé des énergies fossiles: "Répondre au défi énergétique mondial, c’est aussi favoriser l’accès au nucléaire civil, ce n’est pas un sujet tabou. Il n’y aura pas de solution aux problèmes énergétiques mondiaux sans un juste partage du nucléaire civil." Il se félicite même qu'une soixantaine de pays aient manifesté leur intérêt pour cette "voie d'avenir". Compte-t-il l'Iran, la Corée du Nord, et la Libye dans ces nouveaux convaincus ? En matière d'écologie, le président français plaide pour l'invention d'une "nouvelle croissance, dé-carbonée". Exit toute réflexion sur la décroissance et notre modèle de consommation. la Sarkofrance cherche à changer de combustible, pas de modèle.
Sarkozy récidive avec l'Iran
Alors que Clotilde Reiss, la jeune Française accusée par l'Iran d'avoir participé au mouvement de contestation de l'élection présidentielle de juillet dernier, le président français traite les dirigeants iraniens de menteurs : "Ce sont les mêmes dirigeants, en Iran, qui nous disent que le programme nucléaire est pacifique et que les élections ont été honnêtes. Qui peut bien les croire ?" Dans le même discours, Sarkozy félicite la Chine, pour sa réponse à la crise ("La Chine, et il convient de lui rendre hommage, a su réagir vite et fort en allumant un nouveau moteur de sa croissance"), et la Syrie, pour la "relation constructive" nouée avec la France. La Chine et la Syrie sont des dictatures utiles en Sarkofrance.
Péremptoire, narcissique et violent, Sarkozy n'a pas changé.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?


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