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André Holleaux, dix ans après

Publié le 11 octobre 2007 par Argoul

When I was child, then as a teenager, I met a French civil servant who impressed me. Member of the Resistance and soldier of the general Leclerc’s army, André Holleaux was the Director of cabinet of André Malraux, the famous Gaullist Culture Minister. In the end of his political life, Holleaux began ecologist. Not to revolutionize
France but just to preserve the quality of life in local conditions. He gave me the example of an equity man anxious not to overstep the line, listening to others to acknowledge their fineness.

Cela fait dix ans qu’André Holleaux nous a quitté à 76 ans pour un monde meilleur, à l’issue d’une longue et douloureuse maladie, comme il est d’usage de le dire dans les milieux feutrés. Notre époque de présent immédiat aime à ignorer tout ce qui ne la touche pas ici et maintenant. Cette amnésie égoïste a été portée à l’exemplaire par le fameux « mais qui connaît Eric Besson ? » de la Royal candidate. Je suis sûr qu’on peut le dire aujourd’hui d’André Holleaux. Et pourtant : je l’ai connu assez bien car nous habitions le même village. Il est difficile et sans doute présomptueux de dire de lui qu’il fut « un ami », tant la différence d’âge, de trajectoire et de statut était grande. Mais enfin…

André Holleaux était Conseiller d’Etat honoraire, ancien PDG de FR3, enseignant à Sciences Po, Directeur du Centre national de la cinématographie française, Directeur de cabinet d’André Malraux lorsque ce dernier fut Ministre de la Culture (1962-65), résistant de l’armée Leclerc qui libéra Strasbourg. Je l’ai rencontré pour la première fois lorsque j’avais 9 ans, lorsqu’André était venu un dimanche matin après la messe rendre visite à mon père, une visite de notable à notable qui nous paraît bien archaïque aujourd’hui. Il se présentait au Conseil municipal sur une liste gaulliste et commençait ainsi sa campagne. Je l’ai côtoyé régulièrement dès l’âge de 14 ans, lorsque je participais assidûment aux activités du Centre Culturel qu’il avait créé dans la commune sur le modèle des Maisons des Jeunes et de la Culture de Malraux, et dont il était le Président. Je rédigeais déjà le bulletin du Groupe archéologique et m’initiais aux arcanes de la photo. Ce n’est qu’une fois adulte qu’André est devenu « un ami ». Il voulait qu’on l’appelât ainsi, façon de faire moins contrainte que sa jeunesse ne le fut, plus en rapport avec l’époque nouvelle.

Car André Holleaux, de gaulliste est devenu opposant. D’abord lorsque fut révélée la pratique systématique de la torture durant la guerre d’Algérie. Ensuite lorsque « les affaires » ont remplacé l’essentiel de la politique, une fois le général de Gaulle parti du pouvoir. A tel point que, dès la fin des années 1970, André Holleaux est devenu socialiste, il s’est inscrit au Parti. Chrétien, il avait une conscience ; social, il ne pouvait cautionner l’affairisme ; mais démocrate, il a souffert de la dérive personnelle et sectaire d’un certain monde mitterrandien. En tant que président de la Commission de contrôle des mutuelles en février 1994, ce fut lui qui adressa une lettre d’avertissement à la MNEF, que la Cour des Comptes épinglera quatre ans plus tard. Il a donc opté, sur les dernières années de sa vie, pour l’écologie, devenant Conseiller Régional en 1992. Il y retrouvait nombre de jeunes idéalistes qui lui rappelaient ses années de résistance ; un combat pour ce Paradis terrestre qu’il est de notre ressort – et localement – d’aménager. C’était là peut-être sa « révolution 68 » à lui, avec vingt ans de retard. Nous en avons débattu à plusieurs, un peu amusés de cette conversion de Damas, et avec cette intransigeance de l’extrême jeunesse qui lui plaisait, au fond, parce qu’elle le remettait sans cesse en cause. Il avait retenu de Malraux que « le sens du patrimoine, (est) une manière de placer l’humain dans un grand ensemble dont les éléments agissent les uns sur les autres. » (interview à l’Humanité en 1996).

André était un scrupuleux. Il détestait les idées reçues, tout en en étant soucieux de participer au courant majeur de la société de son temps. Ce n’était point opportunisme, ni aversion pour le conflit, mais sens de l’écoute et souci d’être juste. Avec le recul, c’est probablement la leçon qu’il nous a laissée, à nous les jeunes d’alors, qui sommes désormais la génération mûre. Ce scrupule quasi « juridique » de donner à chacun sa place, d’utiliser chaque mot dans son sens, de ne jamais blesser pour être équitable, n’était pas facile à vivre. André était souvent maladroit dans ses relations affectives ; il avait besoin de mettre à distance pour rester neutre. Cette qualité qu’ont les hauts fonctionnaires pour bien servir l’Etat devient handicap dans les rapports personnels. Difficile d’être naturel et spontané lorsque toute votre éducation fut contrainte et refoulement. Mais on ne peut être que de son époque et notre sensibilité de jeunesse l’avait parfaitement compris, ce pourquoi nous nous entendions bien.

Qui, « nous » ? Eh bien les adeptes de la culture et de la randonnée, les animateurs du Centre, les écologistes militants locaux. Il avait fondé en janvier 1973 l’Union Départementale des Associations de Défense de la Nature de l’Essonne (UDADNE) qui comprenait 12 communes et 20 associations. Toujours ce souci du terrain, du local, où toutes les idées doivent s’incarner et se pratiquer entre gens qui se connaissent, pour avoir quelque impact. Il ainsi en 1979 la « Maison de la récupération » pour organiser le tri des déchets recyclables. En 1992, l’UDADNE devient “Essonne Nature Environnement” (ENE), groupe de pression (contentieux, manifestations, pétitions) et force de proposition (formations, conseils, partenariat avec des entreprises) – encore ce souci de l’équité entre le désir et la réalité pratique qui était le cœur de la façon de penser d’André.

La culture quand elle est appliquée, l’écologie quand elle est locale, la politique quand elle fait vivre la tradition d’un peuple – tel fut l’exemple que nous a donné André Holleaux. Ce qu’il a transmis à la jeunesse à sa portée et à ses deux enfants. Avec la maturité et le recul du temps, je tenais à lui en rendre hommage.

On peut revoir André Holleaux grâce aux archives de l’INA, écouter sa voix et sa façon de dire, toujours posée, mesurée, pédagogique.

Avec Jack Lang

On peut lire ses souvenirs sur André Malraux et ses réflexions sur la jurisprudence administrative. 

Il existe aussi un cours sur la politique et la culture à Science Po, polycopié datant des années 1970.


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