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la toile de fond est beaucoup plus vaste

Publié le 01 septembre 2009 par Aymeric

Toile de fond J’aime bien le dernier édito de Daniel Cohen.
J’aime son talent pédagogique, sa clarté, son ambition d’expliquer la crise sans la résumer « à la politique monétaire trop laxiste menée par Alan Greenspan et aux pousse-au-crime qu'ont constitués les bonus payés à Wall Street. »
L’accent mis sur le rôle que jouent les excédents de liquidités (« chinois et pétroliers ») est tout à fait intéressant et assez rarement mis en avant - j’ai lu il y a de cela près de deux ans un ouvrage  de Brender et Pisani des plus instructifs à ce sujet.
L’ensemble est assez en phase avec cette sentence qui donne le ton à son texte : « la toile de fond est beaucoup plus vaste. »
Mais c’est justement parce que je suis séduit par le principe que je me permets quelques réserves à propos de deux autres de ses affirmations :

 « 1980 : c'est la révolution financière qui met la Bourse aux commandes des entreprises. Elle y institue un nouveau mode de gestion. Les firmes cessent d'être des organisations au sens où on l'entendait dans les années 1950 et 1960, favorisant les carrières longues et la loyauté des salariés. Elles visent désormais l'efficacité immédiate. »
Le lien de cause à effet n’est pas aussi évident, enfin  d’après Thesmar et Landier, au moins en ce qui concerne l’efficacité immédiate. Je cite leur Grand méchant marché : « Les marchés d’actions seraient-ils myopes ? Sous-estimeraient-ils les entreprises qui investissent dans le long terme ? Contraignent-ils nos patrons à liquider leurs ambitions d’avenir pour doper les profits d’aujourd’hui ? Il ne s’agit pas d’une question idéologique mais bel et bien d’une question empirique : nous disposons de bases de données suffisamment étoffées pour y répondre de manière non ambiguë. […] Ce qu’on observe est la chose suivante : le «  Market-to book » des entreprises faisant des profits négatifs est très significativement plus élevé que celui des entreprises profitables (de 50% pour être précis) : c’est donc, à rebours de la théorie du court-termisme, pour les entreprises à profits négatifs que la bourse semble monter le plus de sympathie. »

« Dans les années 1970, la hausse du pétrole avait cassé la croissance, engendrant un mal nouveau : la stagflation. »
Il semblerait que les choses soient un peu plus compliquées et que, là encore, il n’y ait pas de relations aussi directes entre le choc pétrolier et le marasme sensé suivre. Si j’en crois cette note, documentée, des éconoclastes : « il faut constater que le taux de chômage avait commencé d'augmenter nettement avant la crise pétrolière (dès la fin des années 60); et que le taux de chômage à la fin de la décennie (au plus haut des cours du pétrole) était de l'ordre de 5-6%, ce que nous considérerions aujourd'hui comme le plein emploi. […] Ce qui signifie que le nombre des chômeurs à la fin des années 80 était de l'ordre de la moitié du nombre actuel. Le chômage a par ailleurs doublé durant la première moitié des années 80, alors même que le prix du pétrole ne cessait de diminuer durant cette période. Comment se fait-il que le chômage ait augmenté à l'époque, si l'on ne peut pas incriminer le pétrole? Il faut noter que c'est à partir de la fin des années 60, et tout au long des années 70, que les principaux ingrédients réglementaires qui permettent d'expliquer le chômage français aujourd'hui ont été progressivement mis en place, notamment l'élévation importante du coût du travail non qualifié. »
Certes il s’agit ici du cas français mais il est important de noter que la tendance au ralentissement économique précédait la crise pétrolière qui aura finalement fait très largement montre de ses extrêmes bontés dorsales tant on s’est souvent contenté depuis d’en faire une omni-responsable.

De quoi donc se demander si Daniel Cohen n’aurait pas dû aller encore un tout petit peu plus loin dans l’exploration de la toile de fond.


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