La terre a tremblé, les maisons se sont effondrées, des centaines d’hommes sont morts, il n’y avait plus que des ruines. On a reconstruit le village à 20 kilomètres, des années plus tard : la nouvelle ville est un endroit quasi désert, pratiquement sans habitants, mais peuplé de sculptures, une ville-musée contemporaine, emblématique et froide. C’est beau et solennel, commémoratif et imposant, tous les grands noms sont là, Pietro Consagra (qui est enterré ici), Arnoldo Pomodoro (L’araire ou la tragédie de Didon, 1986), Mimmo Rotella : une ville idéale,
rédemptrice, un concept absolu, un pôle incontournable. Mais froid en diable, sans émotion autre qu’historique, sans sentiment autre que pathétique, sans implication sinon d’un touriste.
Il faut aller aux ruines de l’ancien village de Gibellina pour être saisi à la gorge par l’émotion, par la tristesse, par le désespoir, sortir de la culture et se retrouver dans la nature même : non point les ruines elles-mêmes, mais la chape de ciment qui les recouvre. La colline porte un tombeau immense, carré de plusieurs centaines de mètres de côté, ondulant sur le relief, minéral, écrasé par le soleil.

