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Ni père ni mari

Par Juval @valerieCG

Suite au billet sur le matriarcat, voici un résumé d’un livre de l’anthropologue Cai Hua, Une société sans père ni mari Les na de Chine.
Cette société permet de comprendre qu’il n’existe pas un système de parenté unique tel que celui que nous connaissons.

Tout d’abord, quelques définitions.
Société matrilinéaire : l’appartenance d’un individu au clan, à la lignée est déterminée par sa lignée maternelle. La paternité peut être reconnue mais elle n’est pas prise en compte dans la filiation.
Société matrilocale (uxorilocarité) : après le mariage, les époux vivent chez ou près de la famille de la mère.

Les Na sont une ethnie d’environ 30 000 personnes de la province u Yunnan au sud-ouest de la Chine.

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© Nadia Ferroukhi

Les mythes autour du fœtus.

Les Na savent qu’un homme et une femme doivent s’accoupler pour faire un enfant. La femme est comparée à une terre arrosée par l’homme. C’est un génie qui met les fœtus dans le ventre des femmes, cinq mois après leur naissance. Il aurait voulu les mettre dans le mollet des hommes mais cela les aurait handicapé pour aller chercher du bois dans la montagne.

La matrilinéarité

Les Na vivent dans un système matrilinéaire. Prenons un individu, mâle ou femelle, appelé Ego ; Ego vit dans la famille de sa mère avec sa mère, ses tantes, ses oncles, bref tous les individus issus de sa lignée maternelle. Ego n’a pas de père, pas d’oncle paternel, pas de grand père paternel.

Il y a deux chefs dans cette famille : un homme qui s’occupe des affaires extérieures, une femme, qui s’occupe des affaires intérieures. On reste donc dans une division sexuée des taches, qui semble un invariant culturel universel.

L’interdit de l’inceste
L’interdit de l’inceste existe chez les Na mais il s’exprime différemment. On ne parle jamais de sexe dans la famille matrilinéaire entre membres du même sexe. On ne s’insulte pas parce qu’une insulte pourrait être à caractère sexuel. Un garçon et une fille de cette famille ne peuvent être ensemble la nuit. Si un homme veut faire une remarque à une fille sur quelque chose de sentimental, il le confie à un étranger qui le communiquera à la fille.
La mère est la seule qui peut parler de sexe à ses fils, mais de façon très discrète.

Le système des visites
La relation qui se noue entre un homme et une femme s’appelle açia. Hommes et femmes affirment leur désir de nouer une açia, de façon égale.

La visite furtive “nana sésé”
Si chacun s’est mis d’ accord pour nouer une açia, l’homme va alors aller chez la femme pendant la nuit. Une femme n’a pas le droit d’aller chez un homme et serait mal considérée si elle le faisait (trop “ardente”, comparable à “une truie”). Il n’est pas rare de voir plusieurs garçons demander à la fille s’ils peuvent venir ; c’est le plus convainquant qui rentrera. Parfois un garçon s’introduit dans la chambre de la femme par surprise ; la fille doit lui dire de façon claire si elle accepte cette relation ou pas. On ne sait pas à quel point la fille peut refuser une relation ; si elle le fait de façon trop bruyante, les membres masculins de sa famille pourraient l’entendre et il y aurait inceste.
La jalousie n’existe pas dans l’açia et ceux qui auraient une relation exclusive seraient mal vus.
Il y a des cadeaux, de l’argent donné entre partenaires mais cela n’est pas assimilé à de la prostitution.

S’il naît un enfant de cette relation, il reste donc chez la famille de sa mère. On peut savoir qui est son géniteur (si la femme n’avait qu’une açia), mais celui ci ne représente rien et est un étranger. L’açia est une relation privée, entre partenaires, qui s’arrêtera quand l’un des eux le veut. Ils sont açia le temps que dure la relation, plus ensuite et peuvent le redevenir.
Il est interdit d’avoir des açia avant 13 ans et mal vu après 50 ans.

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La visite ostensible “gepié sésé

On commence toujours par la visite furtive mais si on l’entend bien, on peut envisager une açia durable.

Il y aura alors un devoir : le privilège des relations sexuelles. Cela ne veut pas dire que l’açia n’existe plus ; simplement si un homme arrive chez une femme avec qui il est en visite ostensible et que celle ci est avec un autre homme, celui ci doit s’en aller. Chacun peut rompre quand il le veut.

La cohabitation “ti dzï jï mao the

La cohabitation devient nécessaire lorsqu’il manque des femmes ou des hommes dans une lignée.
C’est celui ou celle qui manque de membres dans sa famille qui va aller chercher quelqu’un. Celui qui part cohabiter doit être sûr-e que sa lignée l’accepte.

Le mariage “jï the ti dzï
Le conjoint ou conjointe doit être non consanguin (ne pas appartenir à la lignée matriliénaire).
Le chef de la lignée preneuse va demander au chef de la lignée donneuse. Le mariage est comme un don et celui ou celle qui va habiter chez l’autre prend son nom.
La famille de celui ou celle qui part reçoit une forte compensation qu’elle doit rendre s’il y a “divorce”.
Une épouse abandonnée par son mari ne peut revenir chez elle ; c’est tabou.

Le père n’est pas totalement absent chez les na ; c’est l’oncle maternel qui joue en quelque sorte ce rôle.

La femme assure l’essentiel des activités. On considère que l’homme doit se reposer afin d’être performant la nuit. (et après on vient présenter cette société comme un matriarcat…).

D’autres mythes.
Voici comment s’explique le système des visites. Durant une nuit, hommes et femmes devaient effectuer un long parcours et traverser 12 portes ; derrière la 12eme se trouvait l’être aimé. Au lever du soleil, la femme était arrivée à la 8eme porte, et l’homme à la 3eme, seulement. Les dieux en ont déduit que la femme avait trop d’énergie et qu’il serait plus raisonnable que ce soient les hommes qui visitent les femmes et non l’inverse.

Le mode de vie des Na a été durement réprimée par l’ethnie Han.


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