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Avant la nuit

Par A_girl_from_earth

AVANT LA NUIT
ANTES QUE ANOCHEZCA
( AVANT LA NUIT )

"Mon message n'est pas un message de défaite, mais de lutte et d'espérance. Cuba sera libre. Moi je le suis déjà."

Cette phrase, lourde de sens, la dernière dans la lettre d'adieu de l'auteur, englobe à elle-seule l'essence de ce récit. Si ces quelques mots vous touchent et suscitent en vous diverses pensées et réflexions allant de l'admiration et l'espoir ravivé face à une telle foi pour une cause qui semble perdue, à un sentiment de révolte face à l'oppression et l'injustice, que ce soit à Cuba ou ailleurs, vous saurez ce que j'ai ressenti tout au long de ma lecture.
Quel destin tragique que celui de cet écrivain cubain, un destin qui ressemble à une fiction tellement la réalité qu'il décrit semble échapper d'un très mauvais rêve avec en personnage principal, Fidel Castro, et on frémit à l'idée que c'est du vécu, et en même temps quelle vie extraordinaire malgré tout, palpitante, étonnante, traversée de nombreuses épreuves, miracles, coups du sort, coup de chance et re-mésaventures terribles que même les scénaristes de "Prison Break" n'auraient pas osé imaginer ni infliger à leurs personnages!
"La mort a toujours été très proche de moi; elle a toujours été pour moi une compagne si fidèle que je regrette parfois de mourir, seulement parce que la mort risque alors de m'abandonner."
C'est un témoignage très instructif sur Cuba des années 40 aux années 80 bien évidemment, particulièrement centré sur les oppressions du régime castriste dont il a lui-même subi les conséquences, mais également une autobiographie très intéressante d'un écrivain dont j'ai apprécié les différentes anecdotes sur sa vie, une vie véritablement hors du commun, ses rencontres, allant de l'amant de passage aux grands écrivains de l'époque, et son intérêt pour la lecture également.
Quelques extraits qui m'ont parlé:
"... je jouissais du plaisir magique de piquer n'importe quel livre au hasard. Je circulais entre les rayonnages où j'observais la promesse scintillante d'un mystère unique émanant de chaque livre."
Comme je comprends! AVANT LA NUIT
"Je ne me séparais jamais de L'Iliade, que je savais très convoitée par les détenus, non pour sa valeur littéraire mais parce que avec ses pages ils pouvaient se rouler des espèces de cigarettes qu'ils remplissaient avec des bourrages de matelas ou d'oreillers; les livres étaient aussi très prisés par les prisonniers comme papier hygiénique,..."
Terrible ça! Et comme je comprenais qu'il puisse considérer l'unique livre qu'il avait sur lui comme un trésor!
"Il voulait que je lui apprenne, mais écrire n'est pas une profession, c'est une sorte de malédiction."
Côté sexe par contre, il y va sec AVANT LA NUIT - découverte de sa sexualité dès 6 ans! - j'étais effarée également par ce chiffre de 5000 hommes qu'il aurait connus!? - en le lisant, j'avais l'impression que TOUS les hommes étaient AU MOINS bi - dites moi pas que c'est vrai! AVANT LA NUIT
Ce sont des passages que j'ai lus à la fois dubitative et amusée. Il dit les choses de façon crue (donc avis aux âmes sensibles) mais sans provocation (j'ai un ami qui venait de le lire et en m'en parlant, il m'avait dit qu'il abordait ces thèmes sans vulgarité, mais quand c'est aussi cru, c'est forcément pas poétique hein...AVANT LA NUIT).
Les choses sont telles qu'elles sont, il est tel qu'il est, et assume pleinement son homosexualité, il n'y a pas d'hypocrisie sur le sujet disons, et ma foi, c'est très appréciable en ce sens.
Mais bon, ceci n'est qu'une parenthèse (plus ou moins longue quand même) dans cette vie surtout marquée par la dictature castriste qui a brisé des milliers de vie. Tellement d'épisodes m'ont fait halluciner, la trahison d'amis qui fait que dans un tel système, on ne peut plus faire confiance à personne, le fait qu'il est dû réécrire plusieurs de ses romans perdus ou saisis par la milice (quand je pense que ça me fait suer déjà de réécrire mes billets quand j'ai un plantage de serveur...), la misère dans laquelle il a vécu (je suis épatée qu'il ait pu s'en sortir malgré tout, en restant digne et fidèle à ses principes), l'absence de liberté, le séjour en prison, les tentatives d'évasion de l'île (à désespérer!), et une fois évadé (une histoire de fou!), le cauchemar qui continue sous une autre forme -  terrible, il n'y a pas d'autres mots!

"dans l'Île, nous étions condamnés au silence, à l'ostracisme, à la censure et à la prison; en exil, au mépris et à l'oubli, de la part des exilés eux-mêmes."


"La différence entre le régime communiste et le système capitaliste? Tous les deux nous donnent des coups de pied au cul, mais dans le système communiste tu dois applaudir, tandis que dans le capitaliste tu peux gueuler : je suis venu ici pour gueuler."


"la lâcheté est toujours pathétique, mais l'injustice et la stupidité sont encore plus exaspérantes."

C'est très particulier, assez troublant, de lire un livre dont on sait que l'auteur l'a écrit en sachant pertinemment qu'il se suiciderait derrière, que la décision est mûrement réfléchie et sans appel.
J'ai bien aimé le naturel et la simplicité avec lesquels il parle des choses, sans voyeurisme, sans misérabilisme, sans se placer ni en héros ni en victime, nous livrant un simple témoignage et des mémoires qu'il prend soin tout de même de rendre vivace en y ajoutant son talent de conteur. J'ai énormément apprécié la concision des chapitres.

Présentation de l'éditeur
"De l’enfant nu qui mange de la terre dans une vieille ferme de Holguín à l’exilé cubain qui, à quarante-sept ans, malade, se donne la mort à New York, l’existence de Reinaldo Arenas est guidée par l’anticonformisme viscéral de qui a osé prendre tous les risques.
Vibrant témoignage sur les exactions de la dictature castriste, Avant la nuit est une œuvre littéraire à part entière composée avec fureur et poésie. Elle est traversée de ses principaux thèmes de prédilection : une recherche éperdue de beauté, encore la lune, toujours la mer, et une sexualité débridée comme manifestation absolue de liberté et, dans son cas, de résistance.
Porté à l’écran par Julian Schnabel, "Avant la nuit" a obtenu le Grand Prix spécial du jury 2000 à la Mostra de Venise."


L'auteur
Reinaldo Arenas est né à Cuba en 1943. Son opposition au régime castriste lui valut de connaître prison et camps de travail avant de gagner les Etats-Unis en 1980. Il est l'auteur de quinze romans et recueil de poésie et nouvelles.


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