C’est certes un exploit d’avoir réalisé cette Biennale en quelques mois, au pied levé après la défection de Catherine David, et on ne peut que saluer le travail du commissaire Hou Hanru et du régisseur général Thierry Prat. Le problème est que pour faire vite, il a fallu faire simple et donc trouver un thème évident, déjà bien visité et pas trop complexe. Je n’ais pas bien compris ce que voulait dire ‘le spectacle du quotidien’ et tout le discours tenu me paraît par trop simpliste : réconcilier art et société, témoigner des changements sociaux, etc. (voir la diatribe d’Anne Malherbe). Passe encore pour le discours, mais un bon nombre des pièces présentées ici sont pleines de bons sentiments, mais manquent cruellement de distance ou de profondeur. Qu’un artiste (Carlos Motta) interroge des passants pour leur demander ce que signifie le mot Démocratie pour eux, qu’un autre (Lee Mingwei) vous invite à offrir une fleur à un inconnu, qu’un troisième (Bik van der Pol) filme un ponton sur une rivière mis à disposition d’enfants des banlieues, qu’un quatrième (Yang Jiechang) vende des os humains en céramique au profit d’une association - et il y a hélas bien d’autres exemples- est démonstratif, mignon et sans grand intérêt.
On peut trouver très beaux les dessins à l’encre de Laura Genz sur le collectif des sans papiers expulsés de la Bourse du Travail par le service d’ordre de la CGT (j’ai cru d’abord à un dessin de Rembrandt !), mais çà reste, à mes yeux, un travail engagé trop près du sujet pour avoir assez de densité. L’éclairage au néon d’une usine désaffectée (Entrepôt Bichat) par Pedro Cabrita Reis a aussi du mal à décoller, manquant de poids, de souffle, d’originalité.

Maria Thereza Alves inverse le mythe du bon sauvage, avec un film sur une indienne tatouée débarquant de l’Amazonie profonde pour récupérer le manoir angevin de son père, hobereau local décédé. Plus subtil, Wong Hoy Cheong, fasciné par les tableaux classiques du Musée des Beaux-Arts, les réinterprète en photo avec des acteurs du Sud : voici donc, en haut de ce billet, La lecture, de Fantin-Latour.


Sinon, ce sont les oeuvres plus distancées qui surnagent, en particulier celles où la dimension conceptuelle est forte et prend le pas sur la dialectique sociale. Ainsi Katarina Šeda fait-elle réaliser par les habitants d’un petit village allemand un dessin composite de leur village, dont les différentes étapes couvrent les murs d’une salle : l’intérêt vient bien sûr de la dimension performative de cette action, où les habitants doivent jouer une partition serrée et complexe (The spirit of Uhyst). De même la Pakistanaise Bani Abidi établit un catalogage de barrières et d’interphones, construisant ainsi tout un alphabet sécuritaire conceptuel.


Ensuite on peut éprouver la poésie douce des sculptures de Takahiro Iwasaki, déchiffrer les graffiti de Dan Perjovski, être


P.S. : mon voyage était un voyage de presse, en tant qu’invité de la Biennale
P.S. 2 (qui n’a rien à voir, bien sûr) : une exposition censurée
