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124ème semaine de Sarkofrance: le retour de l'omniprésident, et alors ?

Publié le 19 septembre 2009 par Juan

124ème semaine de Sarkofrance: le retour de l'omniprésident, et alors ?
Il est partout, intervient sur tous les sujets. Il parle santé, bonus, mesure du bonheur et réchauffement climatique. Il reçoit un premier ministre britannique, file à Bruxelles, visite un hôpital en banlieue parisienne, invite 500 parlementaires UMP à déjeuner à l'Elysée. Nicolas Sarkozy est partout, mais pour quel effet ?
Bonus : parler, faute d'agir
Le premier anniversaire de la disparition de la banque Lehman Brothers fut l'occasion de se rappeler une évidence: la finance mondiale a été peu régulée. Depuis un an, Nicolas Sarkozy ne s'est épargné aucune tribune internationale pour fustiger les excès du capitalisme financier, et glorifier les progrès obtenus, grâce à lui évidemment, pour y remédier. La réalité est, évidemment, bien différente.
Depuis plusieurs jours, une belle histoire est servie aux Français: Sarkozy va convaincre les dirigeants du G20 de plafonner les bonus, et s'il échoue, ce sera la faute aux autres ! Cette semaine, Claude Guéant a ainsi expliqué que le président serait prêt à quitter la réunion de Pittsburgh s'il n'obtenait pas satisfaction. Mardi soir, Sarkozy profitait de la visite de Gordon Brown pour converser "30 minutes" avec Barack Obama sur la régulation financière et, accessoirement, l'Iran. Et jeudi, il assistait à une réunion préparatoire avec ses homologues européens pour caler le discours de l'UE. Il est fort probable que les bonus bancaires ne seront pas plafonnés. Sarkozy le sait très bien. Aucun Etat ne souhaite prendre le risque de voir les principaux établissements boursiers déserter sa propre place financière vers des paradis exotiques plus conciliants comme Singapour. Et sa propre proposition de régulation est modeste (étaler le versement des bonus sur 3 ans, et les conditionner aux performances futures des traders). Mais plus la proposition sarkozyenne est modeste, plus le monarque tape du pied.
Climat et développement: communiquer pour ne rien dire
Autre sujet du prochain G20, la préparation du sommet de Copenhague. Les Etats du monde doivent se mettre d'accord sur des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Depuis juin dernier, Nicolas Sarkozy met l'accent sur l'écologie, histoire de préparer les élections régionales de mars 2010. Il tente de faire oublier l'échec médiatico-politique de la taxe carbone, un nouvel impôt jugé impopulaire, injuste et inefficace. Sur le plan international, Bernard Kouchner, le ministre des Affaires Etrangères, a tenté de récupérer l'idée d'une taxe sur les transactions boursières internationales pour financer le développement. Sarkozy n'y est était pas favorable voici 6 mois, et Christine Lagarde freine des 4 fers. Le marginal Kouchner s'est félicité d'un soutien britannique au principe d'une taxe sur les transactions financières pour financer l'aide au développement. Faudrait-il crier victoire ? Non. Bernard Kouchner reconnaît, dans le même entretien aux Echos, que Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde lui ont demandé d'attendre. Son projet, critiqué par Attac, reste aussi minuscule (0,005%) et sur la base du volontariat. Et les dirigeants européens, jeudi à Bruxelles, n'ont pas réussi à se mettre d'accord. Encore une annonce pour ne rien dire.
Jeudi 3 septembre, une coalition socialiste, verte, gauche radicale, et démocrate avait déjà fait adopter par le Parlement européen le principe d'une telle taxe, mais pour financer les besoins environnementaux des pays en développement. Et malgré l'opposition de la droite, dont le groupe PPE auquel participe... l'UMP. Qu'en pense Nicolas Sarkozy ?
Fiscalité : question de vocabulaire
Le gouvernement répète à l'envie que les prélèvements obligatoires, déjà trop élevés, n'augmenteront pas. Tout nouvel impôt sera compensé par la suppression d'un autre. Il n'y aura pas de Grenelle fiscal en Sarkofrance. Les Français commencent-ils à comprendre les dommages collatéraux de cet entêtement ? La Cour des Comptes en a fourni un bel exemple cette semaine. En publiant son rapport sur les comptes de la Sécurité Sociale, elle a recommandé l'évidence : il faudra augmenter les cotisations sociales pour couvrir les déficits passés et à venir (10 milliards en 2008, 20 prévus en 2009, 30 estimés pour 2010). Quelques 4 milliards d'euros sont consacrés chaque année par la Sécu à payer les intérêt de sa dette ! Le gouvernement fait l'autruche : il préfère le déremboursement progressif d'un nombre croissant de soins et de médicaments. Mercredi, la HAS a ainsi recommandé de réduire de 35% à 15% le taux de remboursement de 17 médicaments. Et Fillon préparait les esprits à une hausse du forfait hospitalier. Et sa ministre de la santé renvoie les patients vers leurs mutuelles privées.
Autre exemple, la réforme de la taxe professionnelle. On avait fini par croire qu'elle allait être supprimée. Elle sera en fait "rénovée": les entreprises paieront une "Cotisation Economique Territoriale", assise sur le foncier et la valeur ajoutée. Notez le terme: on ne dit pas "taxe" ni "impôt", mais "contribution" ou "cotisation".
La Sarkofrance éprouve besoin de changer de vocabulaire fiscal pour adoucir les esprits. Sur le papier, l'honneur est sauf : les prélèvements fiscaux et sociaux n'augmentent pas.
France: éviter le chahut
Cette semaine, Nicolas Sarkozy a cherché à ramener le calme et contenir le chahut. Lundi, il avait calé avec soin la remise du rapport sur la "Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social", rédigé par une commission présidée par Joseph Stiglitz, ancien conseiller de Bill Clinton et accessoirement Prix Nobel d'Economie. Lundi marquait le premier anniversaire du déclenchement de la débacle boursière qui frappa les places mondiales à l'automne 2008. Parler "statistiques du bonheur" lui permettait de s'élever un peu. Les commentateurs applaudissent. Sarkozy fustigea "la religion des chiffres", et le marché qui "n'est pas porteur de sens (...) de responsabilité (...) de projet (...) de vision". Le monarque jouait une fois de plus les gauchistes présidentiels. Pourtant, la question reste plutôt celle des objectifs politiques de sa politique. Ayant fait campagne sur le temps de travail et la défiscalisation du pays, Nicolas Sarkozy a été désavoué par la crise d'un modèle qu'il chérissait voici encore un an. Le voici qui tente de rebondir, d'attraper une partie de l'aspiration populaire en faveur d'un autre monde avec quelques manipulations oratoires sur nos outils de mesure. Rien n'empêche le président de publier régulièrement une batterie d'indicateurs sur des critères sociaux, éducatifs ou sanitaires.
Mardi, il est venu au secours de son fidèle Besson, empêtré dans l'application des tests ADN votés en septembre 2007 pour filtrer un peu plus le regroupement familial. De quoi Besson se plaint-il ? La loi a fixé des exigences éthiques trop complexes à mettre en oeuvre, comme la confidentialité des données receuillies, le volontariat des tests et l'absence de fichage des candidats. Sarkozy lui donne raison : "Tout le monde sait que les tests ADN ne servent à rien" a-t-il déclaré mardi. Et oui, tout le monde le sait... depuis deux ans déjà. Le Monarque travaille patiemment à consolider son camp. Aux frais de la Présidence, il a reçu mardi quelques 300 députés UMP, puis, jeudi, leurs collègues sénateurs pour deux "cocktails déjeunatoires". L'occasion de cajoler des parlementaires souvent agacés d'être méprisés.
L'Omni-présidence Bling Bling en action
Sarkozy ne se cache plus. Il travaille sa réélection. La campagne a démarré. Mais les couacs sont nombreux. Et la popularité du Monarque ne décolle pas. Les conseillers en communication multiplient les messages. Sarkozy doit apparaître cultivé. Le Figaro nous glisse qu'il lit "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust. La participation de Carla Bruni-Sarkozy dans un prochain film de Woody Allen est confirmée. Rien n'y fait, la cote de popularité du Monarque a dévissé de 6 points cette semaine, à 39% d'opinions favorables.
Vendredi, Sarkozy était "sur le terrain", une visite présidentielle qui suscita encore une polémiques. Vendredi, Sarkozy visitait un hôpital dans le Val-de-Marne. Depuis une semaine, l'établissement était bouclé: le cyclone présidentiel a causé des annulations de rendez-vous médicaux, des reports d'opérations, la mise en congés d'une partie du personnel, des restrictions d'accès même pour des patients les plus fragiles. Qu'un bâtiment public soit sécurisé lors de la venue du président est chose normale. Mais savez vous combien de temps Nicolas Sarkozy est resté sur place : une grosse heure. La Présidence a bousculé les plannings de soins d'un hôpital spécialisé dans les transplantations du foie pour une soixantaine de minutes de monologue face caméra diffusées sur Elysee.fr. D'après l'assistance publique-Hôpitaux de Paris qui doit régler la note, cette petite installation (il a fallu monter un chapiteau pour accueillir le discours du Monarque) a coûté un peu moins de 200 000 euros. Sarkozy a voulu éteindre la polémique par ce commentaire que d'aucuns jugeront indigne ou indécent : « J'ai beaucoup de peine pour ceux qui font des polémiques. Ils doivent être tellement malheureux dans leur vie qu'ils ne comprennent pas les enjeux ».
Bien au contraire, les enjeux sont très clairs.
Ami sarkozyste, où es-tu ?


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