On a conservé que les "oo" de la chanson Blue Moon pour animer la figure fantomatique qui se meut dans la vitrine de La Centrale la nuit. Comme en détresse et derrière les barreaux que forment les séparations de la vitrine du centre d'artistes, une femme agite sa chevelure avec beaucoup de sensualité. Dans son espace indéfini, rouge, ses cheveux blonds paraissent blancs et spectraux alors que ses lèvres "rouge pétant" s'harmonisent, de manière agressive (si on peut s'harmoniser agressivement) avec le fond. Elle se déchaîne ainsi toute la nuit : difficile de ne pas la remarquer. Son mouvement langoureux, au cœur de la rue Saint-Laurent et sous une lune de ville, évoque les paroles de la chanson d'Elvis Presley, mais j'avais plutôt en tête l'atmosphère de la magnifique interprétation qu'en ont fait par la suite les Cowboy Junkies.
Blue Moon,L'idée de La Centrale de sortir de ce que j'appelle la "manufacture à galeries" et de descendre dans la rue, il y a quelques années de cela, était vraiment une idée extraordinaire. La vidéo diffusée en boucles accompagne la fermeture des bars et toute la faune urbaine nocturne. Il va sans dire que la noctambule aux cheveux blonds suscite l'interrogation...
You saw me standing alone
Without a dream in my heart
Without a love of my own
Brève discussion avec un chauffeur de limousine devant La Centrale
CdeL : Hey Madame, scusé moé!
Moi : Oui?
CdeL : Cé quoé ça?
Moi : C'est un projet du centre d'artiste La Centrale, il s'agit d'une vidéo d'une artiste conçue pour être projetée dans la vitrine la nuit. Il y en a eu plusieurs comme ça durant l'été. La galerie a invité des artistes à travailler sur les thèmes des stéréotypes, de l'apparence...
CdeL : Ah! Mais quocé qu'a fait la fille?
Moi (qui a envie de dire : mais regarde!) : Eh bien, elle bouge ses cheveux dans un mouvement de rotation continue. Mais c'est dans le contexte que cette figure prend son sens vous savez, la rue St-Laurent agit un peu comme la toile de fond pour cette œuvre.
CdeL : Ah..J'pensais qu'à féza l'amour...
Moi (Je suis tellement tannée d'entendre des réflexions du genre sur les œuvres contemporaines) : Eh bien, monsieur, on peut l'interpréter comme on veut.
CdeL : Ouin, ben cé d'la manière qu'a bouge cé ch'veux...
Moi : mmmh, ok, ouin. Ben, c'est certain qu'il y a une sensualité dans cette vidéo.
CdeL : Ah ouais, ha ha (bien gras le rire).
C'est le fantôme de la Main. Elle apparaît la nuit comme le spectre du lot de salons coiffure qui truffent le tronçon de la rue Saint-Laurent dans le centre-ville. D'ailleurs, juste à côté de La Centrale, on retrouve une boutique de perruques. D'un côté, on a une chevelure mouvante sur un visage d'une blancheur translucide dans un espace vidéographique. De l'autre, on retrouve des chevelures mortes sur des catins aux visages en plastic blanc dans un espace commercial aseptisé. Un véritable dialogue est entamé.
L'image se passe toute à la surface, ou, tout au plus, dans l'espace urbain, mais elle n'ouvre pas un espace de vitrine usuel dans lequel l'œil est invité à explorer et à "saisir". Les yeux presque toujours fermés et toute empreinte de mélancolie, la noctambule est envoutante et encourage le recueillement.
Blue moon,
You knew just what I was there for
You heard me saying a pray for
Someone I really could care for
29 juillet au 2 août 2009
BLUE MOON - Stéphanie Chabot (Montréal)
4296, boulevard Saint-Laurent (Vitrine)
Photographies : Paule Mackrous