Je travaille depuis près de 4 ans maintenant sur un roman qui a changé de titre au cours de son écriture mais qui devrait s’appeler "L’éphémère a un goût de cacahuète". Je crois en être à la
huitième version, appelée "L’ultime" sur mon fichier d’ordinateur mais qui connaîtra sans aucun doute d’autres modifications. Ce roman a tout connu, l’écriture en 3ème personne, en première, les
coupes au sabre, les réécritures, les suppressions de chapitres, de paragraphes, les rajouts. Un travail d’artisan besogneux face à une éditrice exigeante ne tolérant pas les imperfections que
l’auteur est le dernier à pouvoir entrevoir tant il s’étonne souvent, aveuglé par son ego, d’avoir pondu un tel bel oeuf.
Pour corser l’aventure de cette édition, j’ai rencontré un peintre et plasticien cubain Dennis Gallardo Castro, qui est devenu un ami. J’aime particulièrement ses oeuvres qui mêlent
symbolisme et figuration dans un univers onirique sur le thème de la fragilité des civilisations. Étudiant de français de l’Alliance française de Santiago de Cuba, il a participé avec l’aide de son
professeur à la traduction en espagnol de quelques passages de mon dernier roman "La Sentinelle" paru chez
ELAN SUD. Et il a donné ses impressions (en français) sur l’œuvre d’une manière très émouvante à l’occasion de la présentation de mon livre à l’Alliance.
Au cours de nombreux échanges sur nos univers imaginaires respectifs, j’ai évoqué les thèmes du roman que je venais de terminer : "L’éphémère a un goût de cacahuète" : rencontre de l’autre dans le
voyage, signification de l’expatriation, ravages du tourisme de masse, réflexions sur le couple et l’érotisme, implication du passé dans les sensations présentes, analyses et chocs parfois de
cultures différentes, évocations de plusieurs pays (Inde, Pakistan, Haïti, Afrique, Cuba, Mexique...). Devant son intérêt, je lui ai confié le tapuscrit. Trois semaines plus tard, Dennis Gallardo
Castro me demandait l’autorisation de mettre en oeuvre une vision graphique du roman tant il trouvait dans l’écriture une source d’inspiration.
Le projet de roman graphique était né.
ROMAN GRAPHIQUE : DES REGARDS CROISÉS
Dans une première phase, j’ai proposé de rédiger un scénario puis un story board pour la réalisation d’une Bande dessinée à partir du roman. Sur cette base Dennis Gallardo Castro a réalisé quelques
planches correspondant au scénario. La qualité picturale des dessins, la richesse de l’invention graphique pour rendre compte symboliquement des analyses du roman ont alors très vite orienté la
démarche artistique vers un roman graphique, un roman illustré qui préservait à la fois les qualités littéraires du roman et les qualités plastiques des dessins. Les deux approches littéraires et
graphiques se nourrissent en effet l’une l’autre. Le texte avait fait surgir un graphisme symbolique d’une grande force suggestive. Et le dessin provoqua à son tour une simplification de mon
écriture. Le tressage texte-dessin aboutit à une oeuvre totalement originale.
Se pose alors le coût d’une telle édition, 130 pages en quadrichromie, papier et format BD, une énorme prise de risque pour une petite maison d’édition indépendante qui a le courage de défendre la
littérature et la fiction.
Commence une autre aventure, et un autre chapitre d’une histoire...
À bientôt
Maurice Lévêque