Depuis vendredi dernier, l'accord Google Books a officiellement été reporté à une date ultérieure - bonjour les pléonasmes - en attendant que les parties concernées façonnent avec la firme californienne une nouvelle mouture de leur sujet.
Le ministère de la Justice américain a brandi le garde-fou des lois antitrust et le règlement tel que nous le connaissons aujourd'hui ne verra manifestement jamais le jour. Étonnant d'ailleurs que les autorités françaises n'aient rien dit à ce sujet...
Entre satisfaction et déception, ce report pourrait n'être que reculer pour mieux sauter... pourvu que ce ne soit pas dans le vide. Si d'un côté la violation du droit d'auteur reste une question fondamentale, la promotion des livres à travers les technologies mises en ligne par Google est époustouflante.
Historiquement compréhensible (et nécessaire)
Comme nous avons pu l'entendre au cours des discussions, les oeuvres orphelines posent un fichu problème : à qui reverser les droits pour des ouvrages vendus par le biais de Google alors que l'on ignore royalement qui doit en être le bénéficiaire. Le respect du droit d'auteur et les lois qui y sont associées ne sont pourtant pas si anciens que cela. En France, c'est la Révolution qui apportera le privilège pour un créateur de jouir exclusivement de son oeuvre et d'en interdire la reproduction.
L'exemple de Beaumarchais et de son combat en faveur de ce droit n'est pas oubliable, bien qu'il oeuvra avant tout pour la défense de ses pièces et donc le droit des dramaturges. (Impressions nouvelles en propose un bel exemple)
Aujourd'hui à revisiter, immanquablement
Pourtant, les juristes aujourd'hui - et l'Europe avec eux - considèrent bel et bien qu'un nouveau modèle économique est de mise. Si Google ne nous invite pas à repenser cette situation, du moins le problème du piratage montre combien il est urgent de se pencher sur la question : des millions d'utilisateurs du net ne peuvent pas être des contrevenants - des pirates ! - sans qu'il y ait un souci avec la législation elle-même. Redéfinir les termes de cette relation avec l'oeuvre et les droits n'implique cependant pas de tout casser de ce qui existe. Simplement de prendre en compte les évolutions faites depuis ces dernières années, en matière de partage, de technologies et tenter d'appréhender le futur avec plus de lucidité.
La valorisation de certains livres en jeu
Chaque jour, des ouvrages disparaissent dans les limbes d'un catalogue, parce qu'elles sont épuisées en librairies et que les éditeurs ne mettent pas en place de service d'impression à la demande pour les ressusciter. Le fait que le droit défini aujourd'hui rentre en conflit avec les intérêts de ces oeuvres - être connues, lues, découvertes ! - montre combien la propriété intellectuelle nécessite une approche... différente.
Quel filet de sécurité mettre en place ? Eh bien... un renouvellement tous les dix ans d'exclusivité propose le Guardian. Moui. Ce qui importe surtout, c'est la distinction définitive et claire entre le piratage à visée commerciale, la réelle contrefaçon, comme ces DVD reproduits à l'échelle mondiale et revendu comme des vraies copies, et ce partage sur le net, dans le cadre du peer to peer. Ils différent tant l'un de l'autre que les rapprocher dans la législation montre à quel point une incompréhension règne entre utilisateurs et autorités. Quant aux éditeurs et majors...
Préparer le monde de demain
D'un autre côté, il est impensable de supprimer la notion de droit d'auteur, parce que le public doit prendre conscience que tout acte de création doit être valorisé. Tout travail mérite salaire, toute création mérite rémunération. Pas forcément législation.
Google explique que tous les livres scannés sont également balayés par leurs robots, de sorte que le système de recherche est perfectionné, que les livres sont également utilisés pour accroître la compréhension d'un langage naturel et préparer les fonctionnalités des moteurs de recherche de demain. En somme, pour préparer l'internet de demain. Les nouvelles sources de rémunérations qui découlent de cette utilisation échappent encore à l'entendement, c'est certain. Mais se voiler la face ou camper sur ses positions ne servira en rien les créateurs.