Magazine Culture
CONTRETEMPS
Voici un livre qui, sans le billet de Keisha, n'aurait peut-être pas atterri entre mes mains car j'avoue, ni le titre comme ça ni le nom de l'auteur ne m'auraient probablement arrêté en librairie, j'aurais craint quelque chose de ronflant ou trop académique pour me parler.
Quelle ne fut ma surprise donc quand je note à travers les extraits choisis, un humour décalé qui dément totalement le texte prise de tête, me correspond et met à mal tous mes préjugés. Conversion immédiate: il me fallait ce livre!
Dès les premières pages, j'adhère totalement au style de l'auteur, une écriture précise et imagée qui surprend et amuse d'emblée par les considérations qu'elle véhicule, la façon dont elle rend compte de l'univers atypique de cette histoire et des "préoccupations" de Melvin, excellent personnage d'un flegme unique en son genre.
Deuxième chapitre (et ils sont courts, ce qui est fort appréciable), nous voilà plongés sans préambule dans le vif du sujet.
Quel sujet me dira-t-on? C'est là que ça se complique car l'histoire se déroule un peu comme si l'auteur improvisait son intrigue au fur et à mesure qu'elle se déroulait, se laissant porter par les mots et son imagination, et plongeant ainsi (malgré lui?) ses personnages dans des situations abracabrantesques où le défi serait de broder de la cohérence là où l'on ne s'y attend plus. Le décalage dans l'humour, les dialogues, les situations semblent alors être une conséquence de ce petit jeu entre l'auteur et son texte, ses personnages, et c'est un vrai régal pour le lecteur (adepte de ce genre de délire d'auteur).
Le pauvre Melvin Epineuse, qui n'aspire à la base à rien de particulier - quand il cherche ses clés, sa méthode consiste à ne pas les chercher (alors, pensez, quand il s'agit de retrouver quelqu'un, sa mission justement dans cette histoire), quand il réfléchit à ce qu'il va faire dans la journée, il s'endort, et quand il s'endort, il ne rêve pas - se retrouve ainsi embarqué dans une histoire de fous, balloté au gré de l'inspiration de l'auteur.
"Ce dont il était sûr, c'est que quelqu'un essayait de lui écrire un rôle dont il ne voulait pas."
Le résultat est une expérience de lecture surprenante mais le défi est remporté. L'auteur a un talent indéniable pour l'écriture, il parvient à dépeindre clairement les situations, les gens, leurs pensées, de façon à ce qu'on ressente exactement ce dont il est question, et ceci, toujours avec cet humour léger en toile de fond.
Un exemple de ce genre de précision délectable où l'on comprend parfaitement ce que l'auteur veut dire:
"Ce qu'il devait dire à Melvin lui paraissait impossible, trop douloureux, trop gigantesque. Il avait l'impression écoeurante de devoir lire la bible en grec à un enfant turbulent." ()
Je regrette juste l'abus d'usage de ces précisions dans les phrases, au bout d'un moment, c'est presque lassant, j'avais parfois envie de phrases simples et directes pour dire les choses.
Inutile d'essayer de réfléchir ou de donner du sens à cette histoire bien qu'elle se tienne parfaitement. On y rentre comme dans un rêve où au début on a le contrôle et après, il nous échappe, nous laissant l'agréable impression d'un voyage dans une autre dimension.
Un auteur à suivre, indubitablement!
L'auteur
Charles Marie, né en 1980, est avocat et vit à Paris. Contretemps est son premier roman.
Merci aux éditions Aux Forges de Vulcain de m'avoir fait parvenir ce livre!