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Vico arrêté, le tourisme sexuel garde de beaux jours devant lui

Publié le 19 octobre 2007 par Willy

Vico arrêté, le tourisme sexuel garde de beaux jours devant lui




Par Florent Daudens (Journaliste) - http://rue89.com/ 19/10/2007

(De Montréal) Interpol a arrêté vendredi un présumé pédophile qui aurait sévi en Asie et aurait posté sur Internet des photos le mettant en scène avec des enfants. Christopher Paul Neil, alias "Vico", est un Canadien de 32 ans, professeur d’anglais en Corée. Sa famille est "sous le choc", comme le signale Radio-Canada.

Si cette affaire a connu un fort retentissement médiatique en raison de l'appel à témoin mondial lancé par Interpol, le tourisme sexuel connaît un véritable boom, tiré par la croissance de l'industrie du voyage. Chercheur à l’Université de Corse, Franck Michel a signé le livre "Voyage au bout du sexe. Trafics et tourismes sexuels en Asie et ailleurs" dans lequel il se demande si nous allons vers "un tourisme sexuel de masse".

"L’industrie du sexe et l’industrie du voyage ont un point commun : elles s’inscrivent dans la mondialisation. Elles sont donc incontrôlables et un tourisme sexuel se développe. Il y a un marché, où l’offre est très importante", s’inquiète-t-il lors d'une interview à Rue89.

Les enfants sont au cœur de ce tourisme sexuel: 30 à 35% des prostitués sont des enfants en Asie, selon les estimations de l’Unicef. L’agence de l’ONU évalue au total à 1,8 million le nombre d'enfants enrôlés dans les réseaux de prostitution dans le monde. D’autres parlent de trois millions.

Du côté de la demande, un récent rapport publié lors de la Journée du tourisme responsable révélait que près de 85 millions de voyageurs choisissent leur destination selon "l’offre en matière de sexe". Sans compter les touristes sexuels occasionnels, qui passent à l’acte sur place, "débarassés de toute responsabilité humaine et qui se justifient même en disant contribuer au développement du pays", ironise Franck Michel.

Manifestation contre l'exploitation des enfants au Cambodge, en 1999 (Reuters)

Au Cambodge, un enfant vaut moins cher qu’un chien

Patrik Roux, fondateur de l’ONG Aide volontaire aux enfants du Cambodge (Avec), met un prix sur ces enfants : "Ici, à Battambang, un berger allemand se vend entre 150 et 200 dollars. Un enfant coûte 40 dollars." Ce ressortissant suisse tente de scolariser les enfants dans une campagne reculée du Cambodge:

"Le problème du trafic des enfants est tabou. On ne peut pas l’attaquer de front, parce que ceux qui détiennent un bordel ou un karaoké sont souvent des gens qui ont pas mal de pouvoir."

Ces exploiteurs recrutent dans les familles pauvres:

"On travaille surtout avec des familles en situation de survie, souvent des mères seules qui ont jusqu’à huit enfants. Des femmes bien habillées, d’un certain âge, démarchent auprès d’elles en leur disant chercher des enfants pour faire le ménage. C’est toujours très propre."

Même si cette région du Mékong est souvent citée en exemple, bien d’autres parties du monde sont touchées par le tourisme sexuel: Caraïbes, Brésil, Mexique, Maghreb... Mais aussi des pays européens, comme l’Albanie et la Roumanie.

191 pays ont ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant

Le problème existe depuis des décennies, mais la riposte est lente à se mettre en place. En 1989, 191 pays ratifiaient la Convention internationale des droits de l’enfant. Parmi la cinquantaine d’articles, le 34e stipule que "les Etats parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. A cette fin, les Etats prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher :

  1. Que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale;
  2. Que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales;
  3. Que des enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel de caractère pornographique".

Reste que le tourisme sexuel peut représenter jusqu’à 14% du PIB des pays viviers. Or, lutter contre ces pratiques requiert inévitablement l’implication de la police locale...

D’autres mesures plus musclées ont donc été adoptées ultérieurement, dont des lois extraterritoriales, qui donnent le pouvoir à la justice d’un pays de juger l’un de ses résidents pour un abus sexuel commis à l’étranger. Les définitions de ces clauses varient, certaines permettant de condamner la seule intention d’abus. Selon le réseau de lutte contre la prostitution enfantine Ecpat, 32 pays disposent de telles lois, dont la France. Mais la justice hexagonale n’a prononcé que cinq condamnations en dix ans.

Un rapport intitulé "La lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants : pour une stratégie française" émettait en 2004 plusieurs recommandations pour lutter contre le "TSIE", le tourisme sexuel impliquant des enfants. Il propose entre autres que les entreprises françaises à l’étranger et leurs sous-traitants s’impliquent dans l’éducation des mineurs et dans l’instauration d’un label de tourisme respectueux.

L’organisation mondiale du tourisme (OMT) réagit aussi. Elle a notamment adopté un Code d’éthique du tourisme en 1995. Plusieurs compagnies aériennes et chaînes hôtelières travaillent de concert avec l’Ecpat afin de sensibiliser leur personnel et les touristes.

La classe moyenne chinoise entre sur le marché

Aujourd'hui, "l’indice TSIE" poursuit quoi qu'il en soit sa croissance, tirée par celle du tourisme mondial. Selon l’OMT, ce dernier croît de 6,5% par an, pour atteindre 846 millions de touristes internationaux en 2006. Parallèlement, les destinations sexuelles se multiplient et le prix d'un enfant baisse, "concurrence oblige", ajoute Franck Michel. On voit émerger de nouveaux types de "consommateurs", comme la classe moyenne chinoise ou les internautes amateurs de cyberpédophilie. Pourtant, Franck Michel garde espoir :

"Énormément de gens se mobilisent contre cette nouvelle forme de colonisation et ils font du très bon boulot, notamment les micro-projets qui sont très efficaces."

Confronté quotidiennement au problème, Patrik Roux abonde dans son sens:

"La prévention, ça prend très peu de moyens et ça donne des résultats. Comme on dit aux mères, un enfant c’est comme le riz: quand on le plante, on a mal au dos, mais au moment de la récolte, il aura un travail et une meilleure rentrée d’argent."

Voyage au bout du sexe. Trafics et tourismes sexuels en Asie et ailleurs de Franck Michel (ed. Presses de l'Université Laval, coll. Nord-Sud, 372 pp., 30$ CAD)
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