Magazine Culture

CINEMA/ Avant-poste d’Emmanuel Parraud/suite 2

Publié le 16 octobre 2009 par Adelinew

La mélancolie du désenchantement
Comment parler du travail social dans une fiction alors que le sujet est habituellement cantonné au documentaire et – surtout lorsqu’il s’agit de la banlieue – valorisé par les chaînes de télévision… c’est le pari risqué d’Avant-poste d’Emmanuel Parraud.
Un animateur « social » dans une banlieue/cité non précisée (barres grises d’immeubles, parkings et espaces verts rabougris suffisent à poser le décor), en proie à un profond désenchantement sur le sens de son métier, se laisse embarquer (au vrai sens du terme puisqu’il finit par prendre un bateau) dans un enchaînement d’événements qu’il ne maîtrise ni ne désire. Un « jeune d’origine algérienne », selon le terme maintenant consacré, veut devenir « puéricultrice » en Algérie ; provocation ou désir vrai, on ne le saura pas et tout ça finira tragiquement. Mais ces deux-là sont liés l’un à l’autre dans une course absurde vers ce qu’ils savent être une pure fiction.
Je ne raconterai pas le film ici, ça n’est pas le propos. Plutôt passer en revue les différents sentiments qui nous traversent pendant le film et surtout après. Comme une fine pellicule de glace qui fige les émotions, qui nous tient à distance (beaucoup de reflets dans ce film, de vitres, de buée, jusqu’à la brume du plan final). Peu d’empathie possible avec Paul mais une «reconnaissance» : il est tellement «comme nous», brave garçon si peu héroïque, si ridicule même parfois. Et cette violence silencieuse qui parcourt le film, contenue, retenue jusqu’à ce qu’elle éclate brièvement et disparaisse aussi vite, donnant un arrière-plan inquiétant à tout, aux réseaux de routes comme aux images de la télé algérienne.
Et oui, comme je le lis dans les commentaires, il y a aussi des choses bancales, inabouties, des portes ouvertes et aussitôt refermées… qui nous laissent en plan, sur le seuil. Mais ce qui pourrait passer dans d’autres cas pour de la maladresse – un manque de métier même d’après certains – me paraît jouer ici son rôle de «déstabilisateur», dans le sens de «cul entre deux chaises», à l’image de Paul qui veut tout et son contraire. Et finalement ça passe, on s’en moque de ne pas TOUT comprendre, on a avancé avec le personnage un peu comme dans un mauvais rêve, à force de mauvais choix toujours faits à contretemps, pour compenser une petite lâcheté de la veille ou un mouvement d’humeur. Je ne dirais pas que Paul est lâche d’ailleurs, comme le disaient quelques intervenants/spectateurs. Je dirais plutôt qu’il est courageux aux mauvais moments, en décalé, que son narcissisme est tellement mis à mal par l’attitude du jeune Fifi qu’il s’oblige à faire des choses qu’il devinent vouées à l’échec. Et c’est en ça que je trouve le film très profondément contemporain :  c’est quoi être un «humain» acceptable à notre époque, dans notre société, comment peut-on aider les autres et ces «autres» ( englobant les termes «étrangers», «jeunes en difficulté» etc, toute la grande liste des maux fantasmés de la société française) ont-ils tant que ça envie qu’on les aide, et à quoi… on est loin de la bonne vieille charité chrétienne de notre enfance, elle a pris un goût amer depuis.
Le héros de l’histoire trouvera la solution à ses problèmes existentiels en prison, comme certains des jeunes de banlieue dont ils s’occupaient avant. Mais lui y travaillera.
Si c’est une réponse du réalisateur elle n’est pas optimiste. Est-elle fausse pour autant ?
Plutôt que «mélancolie du désenchantement», on pourrait dire «mélancolie de la clairvoyance» ?  dans un sens «tchekhovien»…

Adeline W

Cinéma Le François-Truffaut à Chilly-Mazarin

Cinéma Le François-Truffaut à Chilly-Mazarin


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Adelinew 14 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine