Quand on commence Hobby, on se rend compte que le titre est volontairement paradoxal. Il s'explique ainsi: voulant déduire ses frais d'écrivain de sa déclaration d'impôt, Sonnay s'est retrouvé face à une fin de non recevoir: l'écriture, lui a rétorqué l'administration fédérale suisse, n'est pas un métier mais un hobby.
Tout le livre de Sonnay est une réponse à cette lettre. Non que Sonnay cherche la controverse. Au contraire. Son livre est un auto-portrait de l'auteur en écrivain, qui a comme caractéristiques la modestie, la franchise et la résignation.
Il parle de son activité d'écrivain, l'examine sous l'angle professionnel. Il s'agit en quelque sorte d'une autobiographie, mais axée strictement sous cet aspect-là. L'auteur fait la liste des ouvrages qu'il a publiés, donne le chiffre de ses ventes, parle des prix qu'il a gagnés, de l'argent qu'ils lui ont rapporté, du temps qu'il a mis pour les écrire. Il explique comment il a financé son « hobby » en travaillant comme délégué au CICR une année sur deux, l'heure d'écriture lui rapportant, en droit d'auteur, moins de 2 francs par heure.
Bref, il s'agit ici de la mise sur la place publique de ces discussions qu'on a entre auteurs. Et combien de temps tu as mis, et combien tu as vendu. Sauf que dans les cafés, quand on cause de ça, on n'est évidemment jamais sincère. Ne croyez aucun chiffre qu'un auteur vous dit. Il ment.
Manifestement, Sonnay se fait un point d'honneur, au contraire, de rester sincère. Ça donne quelques renseignements qui peuvent intéresser anecdotiquement.
Sinon, son livre peine à décoller. Peu de considérations sur l'écriture elle-même, sinon une courte justification de la fiction et du choix du réalisme. Quelques vagues reprises bourdieusiennes du thème de l'écrivain et du champ symbolique dans lequel il travaille. Des considérations sur l'action de la littérature sur le monde et la politique. Un questionnement un peu daté du rôle de la littérature romande et la fameuse problématique de savoir si elle existe: il me semble retrouver des débats d'il y a 15 ou 20 ans.
(La réponse actuelle sur la littérature romande, je vous tiens au courant, c'est que les auteurs sont simplement écrivains, d'où qu'ils soient, mais qu'il y a des maisons d'éditions situées en des lieux différents et avec des prestiges différents, calculés d'après les accès aux médias, les catalogues, les ventes, la célébrité de leurs auteurs...)
Malgré tout ça, j'ai lu le livre d'un trait. Mais c'est que je suis un peu du milieu. Si, au lieu d'un collègue, ça avait été un ferblantier ou un bûcheron qui m'avait parlé de ses horaires et de son chiffre d'affaire, je ne suis pas sûr que j'aurais été passionné.
Jean-François Sonnay, Hobby, Campoche