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Greguerias, Ramon Gomez de la Serna

Publié le 20 octobre 2009 par Ray

fugue.jpgLa forme brève invite paradoxalement à la lenteur. On y revient, on la savoure. Le texte court, par le peu de place qu’il occupe, n’envahit pas les pages ni l’emploi du temps. L’aphorisme, le trait, la maxime, légers, primesautiers en apparence, mais parfois incisifs comme un coup de poignard peuvent nous laisser sans défense en quelque sorte. Le court n’a pas bonne presse en Occident – rien de tel au Japon avec l’art du haïku – pourtant que serait-on sans La Rochefoucauld, Vauvenargues, Joubert ou Chamfort ?
Pas ou très peu de moralisme chez Ramon Gomez de la Serna. Les « greguerias » , écrites entre 1910 et 1962, sont plutôt du côté du clin d’œil, de la poésie, du merveilleux, elles ouvrent le regard, le transforment parfois…
 Lorsqu’une femme se repoudre après un entretien, on dirait qu’elle efface tout ce qui a été dit
 Pelez une banane, elle vous tirera la langue
 Le problème avec l’hélicoptère c’est qu’il a toujours l’air d’un jouet
 Les aboiements des chiens sont de véritables morsures
 La lune baigne les sous-bois d’une lumière de cabaret

La pluie nous rend tristes parce qu'elle nous rappelle l'époque où nous étions poissons
 La bouteille de champagne a ceci d’aristocratique qu’elle refuse qu’on la rebouche
 Les ailes des automobiles sont comme les moignons des ailes d’avion qu’elles auraient pu être
 Le drapeau grimpe au mât comme s’il était l’acrobate le plus agile au monde
 Lorsqu’une femme marche pieds nus sur les dalles le bruit de ses pas provoque une fièvre sensuelle et cruelle
 Ne disons pas de mal du vent, il n’est jamais très loin
 Les animaux sauvages, lorsqu'ils parlent de ceux qui vivent dans les parcs zoologiques, les qualifient, avec mépris, de "bureaucrates"

 « Tuer le temps » est une rodomontade de bravache


 L’histoire est un prétexte pour continuer à tromper l’humanité
 Le crépuscule est l’apéritif de la nuit
 Le poisson est toujours de profil
 Le q est un p qui revient de la promenade
 Le pire avec les médecins c’est qu’ils vous regardent comme si vous étiez quelqu’un d’autre
 Les larmes désinfectent la douleur


Editions Cent pages, Grenoble, 1992. Présentation de Valéry Larbaud, 160 pages.

Photo de René Maltête


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