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La revue de création, entre auteur et lecteur, un débat du Salon de la Revue, samedi 20 octobre 2007

Par Florence Trocmé

« La revue de création, entre auteur et lecteur », voici le thème choisi par la revue Rehauts[1] pour un débat qui s’est tenu samedi 20 octobre 2007, dans le cadre du Salon de la Revue, à Paris.

Jean-Pierre Chevais, poète, revuiste, rédacteur de Rehauts, éditeur (Rehauts et Atelier de la Feugraie) avait réuni quelques figures importantes du paysage poétique : Antoine Émaz, poète et rédacteur de la revue N4728[2], Yves di Manno, poète et éditeur de poésie chez Flammarion , Jean-Baptiste Para, poète et rédacteur de la revue Europe[3], Etienne Faure, poète[4], Hélène Durdilly et Jacques Lèbre, rédacteurs de Rehauts.

Un lieu d’élection
En guise d’introduction, Jean-Pierre Chevais a justement rappelé les mots de Maurice Nadeau, « les revues sont le lieu d’élection pour la création » et il fut frappant tout au long de l’échange de voir comment tous, à travers leurs expériences, à la fois complémentaires et différentes, ont convergé vers cette évidence, mais aussi se sont alarmés de la fragilité de ce système qui depuis si longtemps permet aux débutants de gravir une sorte d’escalier, petite revue, moyenne revue, grande revue, plaquette, livre[5].
Ainsi par exemple d’Etienne Faure, dont le cas est assez singulier, puisqu’il a très longtemps publié uniquement en revues avant de sortir cette année son premier livre. Idéalement quelqu’un qui fait une revue, saisit quelque chose à sa naissance ; ce qui pose la question du temps pour la revue, pas seulement de son rythme de parution mais aussi de sa pérennité et de la trace qu’elle laisse. Avec ce plaisir que l’on peut avoir à relire de très anciens numéros de revues de poésie, dira Yves di Manno, et d’y découvrir quels poètes  s’y côtoyaient alors !
La revue étant aussi comme une "palette temporelle » puisqu’elle permet d’associer des auteurs vivants et des auteurs disparus. Une part de l’adresse est contemporaine, mais une part est impondérable, non contemporaine. Antoine Émaz ajoutera qu’il aime à découvrir dans les revues les textes de ses amis, que c’est bien sûr ceux qu’il lit en premier, et que cela lui permet de "savoir où en est l’autre avec son écriture" avec juste un léger décalage (il suivait ainsi de très près le travail d’André du Bouchet à travers les parutions en revue).

Une rosace
L’auteur, le revuiste, le lecteur représentent trois dynamiques, mais une revue n’est pas une simple "passeuse de textes", mais bien plutôt une "courroie de transmission". Une sorte de communauté est créée par la revue qui selon les mots de Jean-Baptiste Para n’est pas l’addition de 1 +1 +1. Par les rapprochements qu’elle opère entre auteurs et textes, la revue littéraire crée une sorte de rosace, d’ensemble, qui "dégage une couleur, un contour qui transcendent les unités alignées" ; et il y a dans ce travail de la revue et par ce temps d’exacerbation narcissique, une véritable "fonction utopique ».
Tous aussi d’insister sur le fait que la revue permet de découvrir de nouvelles voix, Jean-Baptiste Para disant même qu’on "prend un billet de loterie" quand on achète une revue, car on ne sait pas ce qu’on va y trouver.

Un sas
La plupart des livres de poésie ont été publiés en extraits et en revues dans presque trois cas sur quatre. Antoine Émaz dira d’ailleurs que la revue est une sorte de sas, qui permet de "mettre les textes dehors, pour voir si ça tient", et que c’est en fonction de son propre regard ultérieur mais aussi parfois des retours que le poète remet son ouvrage sur le métier. Yves di Manno ira même encore plus loin dans une formule choc disant que "la revue est le lieu de la vie pour le texte, alors que le livre est le lieu de sa mort". La revue permet l’état intermédiaire, provisoire. A ce sujet, Jean-Pierre Chevais citera Jean Starobinski qui décrivait l’article comme une étape obligée avant le livre et la revue comme un "camp de base".
La table ronde s’est terminée par une belle évocation du "montage" de Rehauts par Hélène Durdilly, montage qui se révèle ressortir sans doute davantage de l’accrochage d’une exposition, d’après ce qu’elle raconte de sa mise en perspective des textes.

Faire lire
Jean-Baptiste Para, comme il le fait souvent, prendra soin de tirer une sonnette d’alarme, invoquant la nécessité de faire connaître les revues aux bibliothécaires. Qui souvent ne savent même pas ce qu’est une revue, la confondant avec les autres périodiques (je renvoie à ce sujet à l’article récent de Pierre Maubé sur Poezibao).Il a sans doute fait naître une forme de rêve chez la plupart des présents, auteurs, revuistes et lecteurs, en suggérant la présence des revues de poésie dans les bibliothèques municipales

©florence trocmé

[1] Rehauts, revue semestrielle d’art et de littérature, 105 rue Mouffetard, 75005 Paris
[2] N4728 (latitude d’Angers), revue semestrielle de poésie, 6, quai de Port-Boulet, 49080 Bouchemaine
[3] Europe, revue mensuelle fondée en 1923 sous l’égide de Romain Rolland, 4 rue Marie Rose, 75014 Paris
[4] Légèrement frôlée, Champ Vallon, 2007
[5] Antoine Emaz

 

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