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L'Enchanteur de Vladimir Nabokov

Par Mango
L'Enchanteur de Vladimir Nabokov
 Assis sur un banc, entre deux femmes mûres, dans un jardin public, un homme d’une quarantaine d’années rumine sur les moments forts de sa vie passée, entièrement déterminés par ses penchants érotiques.
« Quelle explication puis-je me trouver ?... Une maladie ? Un crime ? Et puis, est-ce compatible avec la conscience et la honte, le dégoût et la peur, le contrôle de soi et la sensibilité ? Car je ne puis même pas envisager l’idée de faire du mal ou de provoquer une révulsion inoubliable. Quelle idée ! Je n’ai rien d’un ravisseur….Je suis un pickpocket, pas un cambrioleur. »
C’est à ce moment de ses réflexions qu’il aperçoit une fillette de douze ans, habillée en violet, marchant  «d’un pas rapide et décidé sur des patins à roulettes qui ne roulaient pas mais écrasaient le gravier quand elle les soulevait et les laissait retomber en faisant des petits pas japonais ; elle se rapprochait de son banc dans le hasard changeant des rayons du soleil. »
La description de cette apparition se poursuit sur une page entière, rapide mais  précise et détaillée, un portrait en gros plan, un flash éblouissant. Son destin dès lors ne va plus dépendre que de ces secondes-là ! Il fera tout pour la revoir  et rester auprès d’elle, quitte à épouser sa mère, veuve et malade, et même à tenter d’accélérer l’issue fatale. Devenu veuf à son tour et légalement responsable de sa belle fille, il sombre dans une sorte de bouffonnerie tragique  qui  rend éblouissante la fin du récit, bien différente de celle de Lolita , l’œuvre plus tardive et plus célèbre écrite en 1955.
Cette œuvre-ci, l’Enchanteur, que l’auteur définissait comme la « première palpitation »  de Lolita, a été écrite en 1919, à Paris, mais égarée par Nabokov, elle ne sera retrouvée, dans ses archives, que  bien plus tard. C’est alors qu’il en suggèrera la publication à son éditeur américain.
C’est un texte que j’ai trouvé superbe et je ne peux qu’approuver  l’éditeur qui le qualifie de « drôle, caustique, allusif, baroque et classique, un sommet absolu d’art parodique. »


L’Enchanteurde Vladimir Nabokov (Rivages/Poches, 1986,136 pages) Traduit de l’anglais par Gilles Barbedette, préface de Dmitri Nabokov,fils de l’auteur. (Photo de la couverture: Félix Vallotton, 1913)

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