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Sept excellents chanteurs au service d'une Armida interminable

Publié le 25 octobre 2009 par Philippe Delaide

Concert samedi 10 octobre à la Salle Pleyel. Rinaldo Alessandrini, à la tête du Concerto Italiano, donne une représentation d'Armida, d'Antonio Vivaldi, en version concert. Il est accompagné d'un septuor de chanteurs au niveau assez éblouissant, tous italiens et maîtrisant en conséquence admirablement le phrasé lié au livret écrit par Giovanni Palazzi.

Parmi la vingtaine d'opéras italiens écrits par Vivaldi et exhumés de la Bibliothèque de Turin (sur un total que l'on estime sans doute à une cinquantaine), Armida al campo d'Egitto (Armide au camp d'Egypte) s'est avéré incomplet et a demandé un travail minutieux de reconstitution du deuxième acte.

La version intégrale, comprenant cette reconstitution réalisée par Rinaldo Alessandrini et Frédéric Dalamea était présentée samedi 10  octobre à Pleyel. Les trois actes se déroulent sur une durée totale d'un peu plus de trois heures, dont une partie significative est constituée de récitatifs.

Alessandrini 1
De surcroît sur une version concert, ces récitatifs, s'ils ont la vertu de préserver l'intégrité de l'oeuvre et s'ils permettent de suivre l'intrigue particulièrement sinueuse, ont tout de même l'inconvénient majeur de s'avérer interminables et, je trouve, de moins en moins adaptés à la façon dont le public d'aujourd'hui écoute et perçoit ces œuvres.

Gérard Lesne avait eu l'audace de supprimer une bonne part des récitatifs dans le superbe enregistrement qu'il avait fait de Sedecia, re di Gerusalemme, oratorio d'Alessandro Scarlatti, avec l'ensemble Il Seminario Musicale (où l'on pouvait découvrir un certain... Philippe Jaroussky dont c'est certainement le premier disque). L'œuvre ainsi interprété gagne ainsi en densité et intensité.

Cela aurait pu aussi être le cas d'Armida. La seule limite toutefois étant de laisser alors peu de temps aux chanteurs pour se "ressourcer", compte tenu de la virtuosité diabolique des arias vivaldiennes. N'oublions pas que l'on est en concert et en temps continu, contrairement aux enregistrements.

Le concert du 10 octobre était en tout cas d'une très haute tenue (à l'exception du premier violon de l'ensemble qui ne me semble pas toujours juste, et ce n'est pas la première fois que j'ai cette impression). Le niveau des chanteurs était indéniablement excellent : Sara Mingardo (Armida), Furio Zanasi (le Calife), Monica Bacelli (Osmira), Raffaella Milanesi (Erminia), Marina Comparato (Emireno), Romina Basso (Adrasto), Martin Oro (Tisaferno). Seul Furio Zanasi, plutôt spécialisé d'habitude sur le répertoire de la musique ancienne italienne, excellent interprète monteverdien, semblait moins à l'aise sur les doubles et triples croches du prêtre roux. Il faut dire que le personnage qu'il campait, le Calife, roi d'Egypte, un peu falot et pontifiant, ne constitue pas vraiment une source de surpassement de l'art vocal. L'illustration de ce trait de caractère est l'aria qui clôture le deuxième acte où la voix du baryton est doublée avec un basson, sur un rythme appuyé et aux origines populaires et folkloriques indéniables.

On notera, au dessus du lot, outre la sublime Sara Mingardo au timbre androgyne unique et à la classe indéniable, une Monica Bacelli dont l'agilité vocale est confondante, et une Marina Comparato, dans le rôle important du Général Emireno, avec une voix bien timbrée, un phrasé travaillé digne d'une Bartolli et un sacré tempérament. Enfin, sur une des arias les plus sublimes de cet opéra, à la fin du premier acte, le contre-ténor Martin Oro a visiblement ému la salle par son interprétation fine et sensible, même si techniquement, on rêvait plutôt d'un Philippe Jaroussky...

L'opéra monte en intensité au fil des actes. Après un premier acte finalement assez ennuyeux, les deuxième et troisième actes déploient de véritables feux d'artifices vocaux qui poussent, crescendo, les interprètes aux limites.

La distribution homogène et la cohérence de bout en bout de la direction musicale font de cette interprétation une indéniable référence. A quand une version au disque avec la même distribution ?


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