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A quoi sert-il de redoubler ?

Publié le 22 octobre 2007 par Willy


A quoi sert-il de redoubler ?


  par RASPLUS Valéry - http://www.agoravox.fr/

Le rapport annuel de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) intitulé « Regards sur l’éducation 2006 » classe la France en tête de ses pays membres, au nombre de trente, qui pratiquent le redoublement scolaire, devant le Portugal ou la Belgique et très loin des pays nordiques. Le record semble avoir été atteint en 2003 : entre l’entrée dans le monde scolaire et l’âge de 15 ans, au moins 38 % des effectifs auraient redoublé.

Redoubler ferait œuvre, dit-on, de qualité pédagogique indéniable, une sorte de remise en forme dans le stand de l’écurie en déficience. Sinon à quoi bon garder cette pratique si elle devait engendrer des effets néfastes sur des élèves jugés en difficulté et qui fait figure d’exception culturelle française ? Pourtant les critiques sur le sujet ne manquent pas, comme l’exprime Christian Forestier : « Un élève qui redouble au cours préparatoire ou au cours élémentaire première année a près d’une chance sur deux de sortir de l’école dix ans plus tard sans diplôme » (1).

Redoubler est-ce un échec (pour l’élève, l’enseignant, la famille) ou est-ce préparer dans les meilleures conditions le passage dans une classe supérieure ? Est-ce stimuler ou saper la volonté de l’élève ? Est-ce que les enseignants porteront, avec plus ou moins d’intensité, le même regard, la même attention, la même volonté ou plutôt dévalueront-ils, stigmatiseront-ils, l’élève redoublant ?

Redoubler pour un élève ne signifie pas forcément suivre une formation pédagogique différente au cours de cette nouvelle année, au même niveau d’étude. Les enseignants se trouveront dans des classes mixtes, unissant les nouveaux élèves et les redoublants, sans varier leurs méthodes pédagogiques, souvent faute de moyens supplémentaires ou par surcharge des classes : il n’y aura quasiment pas d’adaptation du contenu ni de la forme des cours par rapport aux redoublants (risquant d’engendrer une discrimination négative par rapport aux « élèves à l’heure »).

Quand à la pédagogie différenciée (soutien individualisé) elle sera quasi-inexistante. N’est-il pas paradoxal de faire redoubler un élève parce que ce dernier n’est pas jugé assez mûr et de le mettre en même temps avec des élèves plus jeunes, peut-être moins mûrs ? L’élève redoublant se retrouvera dans une situation scolaire identique à l’année précédente, avec au moins les mêmes difficultés. Outre l’équipe enseignante et l’établissement scolaire, on remarquera que la situation sera susceptible de changer en fonction de l’origine sociale de la famille : la différence pouvant aller du simple au double entre les enfants d’enseignants ou de cadres et ceux d’employés de service ou d’ouvriers non qualifiés.

La tendance au redoublement semble évoluer (ou plutôt diminuer) : 10 % en 1996 pour les classes de sixième et cinquième, ils passeront, en 2005, à 7,2 % en sixième et à 3,6 % en cinquième. Doit-on y voir une amélioration du niveau des élèves ou une moindre pratique à pratiquer le redoublement ? Que penser du taux de redoublement en seconde, qui est passé de 14,7 % en 1993, pour atteindre 15,8 % en 2005 ? La défection du niveau des élèves s’accroît-elle ou la sélection s’élève à mesure que le cursus progresse ? Un peu des deux ? Enfin, que penser de cette étude publiée en 2004 indiquant que 79 % des élèves ayant redoublé en seconde obtenaient quand même leur baccalauréat, alors que dans le même temps un élève qui redouble une fois au primaire n’a plus que 25 % de chances d’obtenir un baccalauréat ? Il reste qu’un tiers des élèves redoublent une fois et 15 % plus, à l’école et au collège.

Plutôt que de voir dans tout ceci une énième guerre de chiffres ou un exercice démagogique ne devrait-on pas y voir en fin de compte la complexité du champ politique scolaire en mal de mutation et surtout la marque d’un manque de volonté à clarifier cette situation schizophrène ? A trop se focaliser sur « la faute et la responsabilité de l’élève » ne déresponsabilisons-nous pas trop vite les politiques et les structures institutionnelles ? Ne devrait-on pas tout mettre en œuvre pour accompagner le plus loin possible les élèves avec des pratiques réellement validées et confirmées sur le terrain quitte à remettre en cause le sens commun et des théories obsolètes ? Dans cette histoire, le premier sanctionné, le principal déclassé, sur qui se porte les regards évaluatifs dont on joue l’avenir, reste l’élève qui au bout du compte fait les frais d’une méthode qui n’a pas apportée empiriquement la preuve de son efficacité.

Note :1) Que vaut l’enseignement en France ?, Ed. Stock, 2007.

 

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