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Trouver un éditeur par la poste (même quand on est édité...)

Par Georgesf

Je complète, en quelque sorte, la série des chroniques sur les cent façons de trouver un éditeur. Euh, cent façons, c’est peut-être optimiste : je n’en connais encore que deux, car je n’ai trouvé comment me faire éditer que depuis quelques années. Depuis six ans et demi, très exactement. Avant, je ne cherchais pas car je n’avais rien à leur proposer : je n’écris que depuis sept ans.

Les deux façons, ce sont toujours les mêmes : par la poste, ou par réseau. Les deux sont honorables : il n’y en a pas une plus chic ou plus inavouable que l’autre, elles sont simplement plus ou moins efficaces selon les contextes. Car les deux sont efficaces.

Trouver un éditeur par la poste (même quand on est édité...)
La poste m’a toujours paru préférable, même pour un auteur édité. C’est d’ailleurs par la poste que je suis, arrivé, au fil des ans, chez chacun des trois éditeurs avec lesquels je travaille : Anne Carrière, Le Castor Astral, et La Table Ronde.

Précision : quand j’écris « par la poste », c’est pour simplifier. On peut aussi déposer son manuscrit, comme un simple coursier anonyme, directement chez l’éditeur, sans rendez-vous, sans ôter son casque pour se présenter : cela coûte moins cher quand on habite la région parisienne. J’appelle quand même cela « par la poste », car rien ne distingue le tapuscrit lambda ainsi parvenu de celui déposé par le facteur. Il est ajouté à la même pile.

Je suis placé pour le savoir, c’est ce qui s’est passé avec mon premier roman « Le Vertige des auteurs ». Passé et même très mal passé. Aujourd’hui, j’avoue tout :

Voici la véridique et affligeante histoire du Vertige des auteurs.

Elle n’est pas très glorieuse, et je l’ai longtemps celée.

Avec mon premier recueil, La Diablada, tout s’était trop bien passé. Je l’avais envoyé par la poste à une vingtaine d’éditeurs. L’un avait dit « peut-être », une autre avait dit « oui », c’était Anne Carrière (chantons son nom jusqu’à la septième génération). Le temps de corriger le manuscrit (il en avait diantrement besoin, l’infâme), le recueil était dans le pipe-line, programmé pour une sortie neuf mois plus tard (avril 2004).

Et j’en avais conclu qu’il était assez facile de se faire publier. Ha, ha, ha !

Mon éditrice m’ayant proposé « Et maintenant, pourquoi ne pas écrire un roman, en, attendant la sortie de la Diablada ? », je m’y suis lancé en chantant. Le sujet, je l’avais : c’était le roman d’un premier roman. Un thème dangereux, usé, rebattu, on m’avait prévenu. Mais j’avais en tête un traitement original : c’était l’histoire du moi que je n’avais pas voulu être, de mon fantôme noir, c’était l’histoire d’un ahuri qui ne parvient ni à écrire ni à se faire publier. Je rêvais d’en faire le roman archétypal du candidat à l’édition, sans savoir que j’allais cauchemarder.


Il n’y avait pourtant aucun risque que le lecteur y voie une autobiographie, puisque tout allait bien pour le jeune et vaniteux auteur que j’étais. Et c’est là que le cauchemar a commencé : le roman a rejoint ma vie, je suis devenu la biographie du roman. 


J’ai apporté à Anne ce « Vertige des auteurs », tout chaud de 9 mois de travail, peu avant la sortie de La Diablada. Une des lectrices d’Anne Carrière (celle qui avait sorti La Diablada du sac postal) l’a détesté, l’autre l’adoré. Et, à ma grande surprise, Anne l’a finalement refusé : elle le trouvait vraiment trop méchant. Mais elle m’a rassuré : ce roman était bon, il allait facilement trouver preneur ailleurs.


J’ai cherché.


Trouver un éditeur par la poste (même quand on est édité...)
Et j’ai commencé à vivre le chemin de croix de mon héros entièrement imaginaire : je lui ai ressemblé de plus en plus, tous les éditeurs refusaient ce manuscrit. Souvent avec des paroles encourageantes (du genre « C’est bien écrit, drôle, mais vraiment trop noir, nous ne voulons pas avoir de suicide sur la conscience »). Mais entre un refus encourageant et un refus, la seule différence c’est l’espoir, « le sale espoir » qu’on entretient sadiquement. Après avoir collectionné pendant 7 mois les lettres de refus, j’ai fini, comme mon héros, par me faire une raison : je n’avais pas les tripes d’un romancier, j’ai classé le dossier, et je me suis remis aux nouvelles.

C’est alors que j’ai reçu l’appel de Jean-Yves Reuzeau, directeur éditorial du Castor Astral : « Je viens de retrouver votre manuscrit, je l’avais commencé il y a quelques mois et je l’avais perdu. Est-il encore disponible ? »

Comme mon héros, j’ai minaudé « Euh, il est encore en discussion avec trois autres décideurs, mais rien n’est signé, on peut encore en causer ». On en a vite causé, on a signé, on a bu la Blanquette de Limoux (plus adaptée à mes droits d’auteur), et j’ai respiré : pour la petite histoire, Le Castor Astral avait été... un des premiers éditeurs auxquels j’avais écrit !

J’ai longtemps gardé la conviction qu’il y avait là une vengeance des dieux : j’avais osé me moquer de l’acte sacré de l’écriture, il avait gagné le droit se moquer de moi. Je garde un affreux souvenir de ces mois de galère et de leur fin burlesque.

L’histoire s’est bien terminée : le roman a obtenu un bel accueil dans les médias puis dans les blogs. Et, pour se faire pardonner, il a même fini lauréat du Prix du Premier Roman. Mais j’ai toujours gardé pour lui une tendresse suspicieuse, douloureuse, comme un adolescent envers une petite amie qui l’aurait trompé.

J’en ai aussi gardé une grande confiance envers la poste. Lorsque j’ai cherché, en 2009, un nouvel éditeur pour mon premier polar, c’est, une fois encore, en jouant, au facteur que je l’ai trouvé. Mais ceci est une autre histoire...

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LES COMMENTAIRES (1)

Par tidu85
posté le 02 novembre à 17:34
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Merci pour votre témoignage, il prouve qu'envoyer par la poste ça marche pour les inconnus, encore faut-il tomber sur le bon lecteur au bon moment, après c'est une histoire d'alchimie. J'attends moi-même que cette alchimie se produise depuis pas mal d'années maintenant et des milliers de pages refusés qui dorment dans des tiroirs. Quelle est la maison d'édition qui a bien voulu de votre polar ? Votre réponse m'intéresse beaucoup...

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