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A bâtons rompus avec … PPDA au Livre sur la Place

Publié le 31 octobre 2009 par Lorraine De Coeur

Patrick Poivre d'Arvor au Livre sur la Place - photo MC PoirierAvez-vous déjà expérimenté la chose ? Vous arrivez à un rendez-vous quelques secondes après l’heure convenue et l’on vous boude. Quoi ! Vous avez déployé des efforts insensés pour limiter la faute et rien ne vous est pardonné !

A l’inverse, si vous décidez d’assumer tranquillement la situation sans vous presser, l’entourage s’estime au contraire bienheureux de vous accueillir malgré-ou à cause- d’un retard conséquent. Comme le disait Talleyrand : autant ne pas faire les choses à moitié.

Nous étions nombreux à attendre, et depuis longtemps, Patrick Poivre d’Arvor sous la tente surchauffée où Sarah Polacci menait avec brio et mesure des interviews pour France Bleu Sud Lorraine durant toute la manifestation du Livre sur la Place qui a fait vibrer la ville de Nancy à la mi-septembre.

Il a fendu la foule sans hâter l’allure, avec la belle assurance de celui qui ne doute pas qu’on l’accueillera sans lui demander de se justifier. Ses talents de séducteur impénitent lui ont tout de suite conféré l’avantage : c’est difficile de traverser cette si belle place Stanislas pour venir jusqu’à vous … Quelques mètres seulement, que j’aurais pu franchir plus vite un autre jour. Mais voilà c’est mon anniversaire et je ne sais pas refuser un mot, un autographe … On m’a beaucoup arrêté …

Son âge, il le livre sous forme d’énigme : j’atteins un changement de numéro (comprenez 60). Son regard océan balaie la salle. L’écrivain se pose sur le divan blanc et  se tourne vers la journaliste. Il assume l’image de romantique qui lui colle à la peau : écrire est une façon de rendre la vie plus belle et de la faire sortir de ses limites.

Elle a lu attentivement Fragments  d’une femme perdue et tente d’obtenir le nom de celle(s) qui a inspiré l’auteur qui esquive en la renvoyant au texte : on se dévoile davantage dans un roman qu’ailleurs. J’en ai moins dit dans mes Confessions (publiées en 2005).

Patrick Poivre d’Arvor est un renvoyeur de balles expérimenté, se coulant avec délice dans le costume de l’interviewé, lâchant quelques bribes de sa personnalité (il vaut mieux éviter les femmes fatales mais on ne peut pas résister), de ses humeurs (un homme et une femme sont-ils faits pour rester ensemble ?) de son mode de vie (j’écris à l’encre violette. J’ai de gros problèmes pour dormir à peine quelques heures chaque nuit ; mon cerveau est une lessiveuse qui remue plein de choses ; le travail d’écriture est très fécond entre minuit et quatre heures du matin mais pompant).

Il se reconnait mélancolique, traversé par cet état slave passant de l’exaltation à la dépression qu’il ne faut jamais montrer quand on fait un métier public.

Son charme est tout entier contenu dans son inclinaison à se livrer en effleurant l’impudeur sans y sombrer, comme la balle de tennis qui retombe hors d’atteinte sans néanmoins franchir la ligne, permettant à chaque frappe de capitaliser des points nouveaux.

Sarah le relance sur le caprice. Mais c’est assez beau le caprice ; cela évoque la chair ; le cabri qui fait un pas en avant, un de côté ; les caprices ont beaucoup de charmes et s’accordent des humeurs changeantes du temps.

Cherchant à résumer le livre elle suggère que c’est le portrait d’un couple qui se serait trop aimé jusqu’à se déchirer. L’écrivain précise que le roman n’est pas qu’un portrait de femme mais aussi celui « en creux » de l’homme qui l’aime. Cette femme, qu’il appelle Violette, est comme éclairée par autant de projecteurs qu’il y a de protagonistes dans l’histoire, y compris elle-même qui intervient pour se défendre. Elle apparait alternativement sous diverses lumières rasantes, mystérieuse, menteuse, fatale.

Le prénom a été choisi en référence à la couleur de l’encre, à cette fleur très belle, qui meurt assez vite et dont le parfum anesthésie le sens olfactif de qui la respire, enfin aussi à cette femme dévoyée de la Traviata, opéra de Verdi. Violette rêve d’écrire, activité « naturelle » pour Patrick Poivre d’Arvor qui estime que c’est capital, même si on n’est pas publié, comme il est tout autant vital de lire, à l’époque de l’écran total.

Les références littéraires émaillent le roman : Henry Miller, Virginia Woolf (dont la vie est terriblement émouvante et dont il juge les livres désespérés et sublimissimes), Robert Desnos (décidément Patrick Poivre d’Arvor ne peut s’empêcher de reproduire encore une fois la lettre à Yuki qui figurait déjà dans J’ai tant rêvé de toi), Pierre Louÿs avec la femme et le pantin, jusqu’à Hergé avec la bague ressemblant à un scarabée doré qu’il offre à son amoureuse, sans oublier les Liaisons dangereuses qui demeurent l’étalon en terme de passion.

couverture du livre de Patrick Poivre d'Arvor
Quand les écrivains déploient en général des trésors d’imagination pour ménager le suspense et brouiller les pistes autobiographiques Patrick Poivre d’Arvor fait tout le contraire. Certes ce ne sont que des fragments qu’il nous livre mais quels morceaux !

Il lâche (p.47) qu’Alexis souffre du syndrome de l’institutrice qui fait encore craquer bien des garçons. C’est le titre d’un livre de Claire Chazal, qui fut sa compagne et qui est la mère de son fils. Il emploie le « je » pour faire dire au héros (p.76) : je sortais d’une histoire sentimentale assez éprouvante, suivie d’une autre plutôt boiteuse, je ne marchais donc pas très droit (…) un peu cabossé, sur la réserve mais déjà disponible.

Quelques pages plus loin ne se moque-t-il pas de son propre physique, en décrivant un look de séducteur soigneusement entretenu au demeurant : un tombeur, dont le physique n’est pas si avantageux que çà (…) Brillant, hypersensible au point de franchir parfois les bornes de la sensiblerie, attachant, généreux de sa personne et de ses actes, mais aussi économe de ses moyens, orgueilleux, fier, capable d’élans magnifiques autant que suicidaires, détestant l’idée de vieillir.

Quoi de plus naturel que le lieu où il fait rencontrer les protagonistes : Roland Garros, dont on sait qu’il est un fervent spectateur. Et où il se rend avec son fils dans le roman comme dans la vraie vie. Il fait déjeuner Violette et Alexis chez l’Ami Louis, ou chez Marius et jeannette, à la Méditerranée (dont il nous donne même l’adresse place de l’Odéon, quelle publicité !).

Bien entendu Alexis ne se prive pas de rouler à vive allure sur son scooter (p. 192) et monte les marches du Festival de Cannes à côté de son amoureuse comme il est arrivé à Patrick Poivre d’Arvor de le faire avec une femme brune aux longs cheveux, assez ressemblante à celle sont la photographie est morcelée sur la couverture du livre. Mais vous me direz que tout cela n’est que pure coïncidence. Comme le fait que Violette s’attelle à l’écriture d’une nouvelle sur Diane Arbus, dont Violaine Binet a écrit récemment une biographie. Car il est certain que ce n’est pas cette femme qui a inspiré l’écrivain mais une autre qui promet de se venger en publiant un autre livre en réponse.

Retenons-nous de verser dans le pipolisme. Patrick Poivre d’Arvor nous offre en cette rentrée un roman palpitant, où les téléphones et les SMS sont des accélérateurs d’adrénaline. Le premier : ai-je l’air disponible ? résume assez bien l’état d’esprit qu’il semblait incarner à Nancy.

Il affirme malicieusement que la Lorraine est propice aux belles rencontres, que les gens y aiment profondément les livres et que Nancy n’est pas une ville désinvolte. Il nous quitte en souriant une dernière fois : je suis bien ici (il regarde sa montre) à 15 heures 33. Nous aussi Patrick.

Livres de Patrick Poivre d’Arvor : Fragments d’une femme perdue, publiée chez Grasset en août 2009.
J’ai tant rêvé de toi, co-écrit avec son frère Olivier, publié chez Albin Michel en août 2007
Confessions, chez Fayard, en août 2005
Toutes les phrases en italiques sont soit extraites de son dernier livre, soit la retranscription exacte de ses propos à Nancy le dimanche 20 septembre 2009


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