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La sape a rendez-vous au musée

Par Gangoueus @lareus
La sape a rendez-vous au musée© Baudouin Mouanda
Il est assez difficile pour une personne de ma génération de se positionner sur un sujet comme la sape aux Congo et ses dérives constatées en Côte d’Ivoire sous l’étiquette de Jet-set. Certains d’entre nous ont grandi avec ce phénomène au pied de leur porte. D’autres, ont pu le découvrir lors des défis que se lançaient les sapeurs dans les quartiers populaires de Brazzaville, de Pointe-Noire et sûrement de Kinshasa. Une autre catégorie fait connaissance avec ce phénomène lors de certaines soirées congolaises en France ou manifestations culturelles liées à ces pays.
De quoi parlons-nous ? La SAPE. Acronyme de Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes. C’est un concept qui lie une frange très marginale des populations urbaines de ces deux pays. Le phénomène n’est pas récent, plus ancien qu’on ne le pense, mais il a pris de l’ampleur au début des années 80 lorsque des artistes comme Papa Wemba, Niarcos se sont prêtés au jeu. Il consiste en une forme de dandysme sous les Tropiques. Dandysme des prolétaires. Une vénération sans limite pour les vêtements façonnés par des grands couturiers italiens, parisiens, japonais ou anglais. Un goût certain pour leur port, l’agencement des couleurs. N’est pas sapeur, qui veut vous diront les experts.

En quoi est-ce un délire me diriez-vous ? Disons que le sapeur, le vrai place ce concept au centre de son projet de vie. Il n’est pas, contrairement ce que l’on pourrait penser, issu des classes aisées de Brazzaville ou de Kinshasa. On n’affiche pas sa misère dans ces coins du continent africain. Et la sape est un bon exutoire pour détourner la lourdeur d’un système politique qui n’offre aucune perspective d’avenir à sa jeunesse et qui n’apporte aucune solution viable au chômage. Alors, quand l’été venu, la saison sèche là-bas, les « parisiens » débarquent chaussures anglaises bien cirées au pied, c’est la grande kermesse, la grande illusion, la fête du paraître.

Ces derniers temps, ce phénomène a été un peu plus amplifié par les DVD consacrés à la sapologie. On peut se questionner sur la forme d’aliénation culturelle que revêt ce type de mouvement. Il n’est pas question de juger l’esthétique de cette démarche ou de sa mise en scène. Costards aux couleurs vives bien agencées, on voit bien que beaucoup n’existent le temps d’une soirée mondaine en mode « Bisso na Bisso » (entre nous) qu’au travers de cet apparat, le cigare en plus, non allumé s’il vous plait. Mais, il ne viendrait à l’esprit d’aucun de ces sapeurs, de faire tailler leur costume par un couturier congolais. Etonnamment, les plus grands couturiers africains sont ouest-africains. La griffe est importante. Elle ne peut être que française, italienne ou japonaise.
C’est à ce phénomène de société que le Musée Dapper de Paris consacrera le dernier week-end de novembre. Le lien avec mon blog est naturellement matérialisé par la rencontre-débat entre l’écrivain congolais Alain Mabanckou qui a consacré deux romans sur le sujet : Bleu, blanc, rouge et le tout récent Black bazar et le dandy congolais Djo Balard. Une exposition du travail sur la question des photographes Baudouin Mouanda et Hector Mediavilla agrémentera ce focus sur un sujet qui ne manquera pas de faire jaser.
La sape a rendez-vous au musée. Une aliénation à ausculter de près.

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