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Lire en suede

Par Abarguillet

LIRE EN SUEDE

Lire au pays du roi skieur

En skating ou en style classique, il n’y a qu’une petite glissade pour passer de la Norvège à la Suède sans quitter les limites du Conseil nordique et entrer dans un champ littéraire qui a de nombreuses similitudes avec la littérature norvégienne et il n’est pas toujours facile, à première vue, de séparer les auteurs norvégiens des auteurs suédois. Ces deux littératures appartiennent à des civilisations très proches qui ont fait royaume commun au cours d’une partie de leur histoire et qui possèdent certaines légendes et traditions similaires qui les ont marquées toutes les deux. La Suède comme la Norvège a reçu plusieurs Prix Nobel de littérature, n’oublions pas que le prix est décernée par la l’Académie royale de Suède, et nous irons donc à la rencontre de la première femme qui fut honorée de ce prix, en 1909, Selma Lagerlöf, avant de visiter une œuvre d’un autre grand écrivain et dramaturge dont la notoriété a dépassé les limites de la Scandinavie, August Strindberg, pour terminer notre voyage avec Gôran Tunström pour lequel j’ai eu un petit faible. Pour cette étape nous avons choisi la compagnie de Per Gunnar Evander qui est un auteur très prolifique mais qui n’a peut-être pas la notoriété de ses devanciers en Europe de l’Ouest. J’ai lu récemment l’une de ces œuvres, « Les intrus » , qui m’a permis de faire sa connaissance.

Les intrus

Per Gunnar Evander (1933 - ….)

Je ne connaissais rien de cet auteur quand on m’a demandé de formuler un avis sur ce livre que j’ai lu comme je regarde, parfois, cette fameuse émission de télévision qui présente les grandes affaires judiciaire de ces dernières années. Ce roman est écrit comme le script de ces émissions : des petits chapitres courts qui rappellent certaines faces de la vie du principal protagoniste, entrecoupés par des témoignages de gens qui l’ont connu et qui peuvent apporter un quelconque éclairage sur les événements racontés. Evander nous livre ainsi une sorte d’enquête sur la vie d’Hadar Forsberg rédigée comme un rapport de police en se contentant de transcrire les faits et les témoignages sans formuler d’avis ou autres considérations de ce genre.

Hadar Forsberg est le fils aîné d’un couple de paysan suédois qui refuse, selon la tradition, de rester avec ses parents pour les seconder dans les travaux de la ferme et part vers la ville où il travaille principalement comme veilleur de nuit dans une usine avant de cesser toutes activités pour se consacrer à l’écriture. Ses talents littéraires ne sont pas reconnus malgré la publication de quelques poèmes et il essaie, toujours en vain, de produire le roman qui lui apportera la notoriété et un meilleur moyen d’existence. Il laisse surtout un volumineux journal qui permet de mieux connaître les faits évoqués dans cette enquête. Sa vie bascule progressivement quand un gamin qui vient frapper à sa porte, prétend être son fils naturel et qu’il l’accueille. Ce gamin bientôt en amène un autre, puis un autre, puis …, etc…, et, cette invasion finit par dégénérer en une sordide histoire.

Ce roman ne déroge en rien à la tradition nordique et il comporte sa part de tragédie, les destinée sont rarement heureuses dans ces froides contrées. A travers cette petite enquête, on dirait qu’Evander veut nous montrer que la banalité peut facilement basculer dans l’horreur et que le destin peut frapper n’importe qui, n’importe quand, mais surtout ceux qui traînent le boulet du péché et notamment de l’adultère qui est toujours un lourd fardeau en ces terres puritaines. Ces enfants naturels, surgis de la ville, du délire éthylique de Frosberg ou simple affabulation du romancier raté sont comme un coup de canif dans la réputation de ce fameux modèles social suédois tant vanté qui laisserait tout de même suffisamment d’espace pour que des bandes de jeunes voyous puissent ce constituer comme partout ailleurs en Europe.

Pour ces jeunes l’image de ce père est aussi une parabole d’une société pervertie et ramollie qu’ils rejettent, « … ils sont fiers d’avoir un père dont « l’état est le reflet de celui du monde ». Il ajoute aussi que leur fierté est comme renforcée par le fait qu’ « il n’y a en pas beaucoup dans le pays qui ont un père comme lui. » La démonstration est très sobre mais aussi très efficace.

L’empereur du Portugal de Selma Lagerlöf  ( 1858 - 1940 )

Jans aime sa fille à la folie, c’est sans doute la plus belle fille du monde et quand elle doit partir à la ville pour gagner l’argent que l’on réclame à ses parents et qu’ils n’ont, hélas, pas, les bruits commencent à circuler, certains disent même qu’elle gagne cet argent avec son corps. Mais, Jans est convaincu que sa fille a fait un riche mariage, qu’elle est devenue Impératrice du Portugal et que, de ce fait, lui aussi est Empereur du Portugal. Ce livre m’a beaucoup touché tant l’amour ce père qui le conduit jusqu’à la folie, est émouvant et tant il déborde de poésie. Comme si ce vieille homme jetait un rai de lumière dans un monde bien gris en refusant une réalité par trop insupportable.

Drapeaux noirs de August Strindberg  ( 1849 - 1912 )

Strindberg n’a pas la réputation d’avoir eu un amour débordant pour ses contemporains et dans ce livre, l’un de ses derniers, il règle des comptes avec nombre de personnes de son entourage que ses proches ont su identifier à travers le récit. « Drapeaux noirs », le titre du livre, flotte déjà comme un symbole sur ce livre dans lequel l’auteur s’attaque, notamment, à la presse et aux journalistes qui profitent de leur situation et de leur pouvoir pour conduire leurs ambitions à leur terme même aux prix des plus viles bassesses. On peut voir dans cette forme de pamphlet au vitriol l’expression de l’éternel conflit qui oppose l’écrivain à l’éditeur mais aussi une sorte de testament littéraire rassemblant toutes les douleurs endurées par Strindberg face au cynisme de certains de ses contemporains.

L’oratorio de Noël de Göran Tunström  ( 1937 - 2000 )

Difficile de passer par la Suède sans évoquer les sagas, et c’est bien une petite saga familiale que nous propose Tunstöm dans ce livre touffu qui ne fait peut-être pas l’unanimité à cause, sans doute, de sa densité mais qui déchaîne l‘enthousiasme de ceux qui aiment cette poésie et ce lyrisme. Cette saga commence par l’histoire du père qui voit sa femme disparaître piétinée par un troupeau de vaches et qui s’exile à la ville où la folie le guette car il n’a pas pu oublier cette femme qu’il aimait. Et la saga, se poursuit par le fils, différent, et en fin le petit-fils qui perpétue l’histoire familiale. Et, Selma Lagerlöf fait un petit détour par ce livre pour nous faire un petit clin d’œil.

Un livre où la folie est très présente où le milieu social, la religion, la tradition, les mœurs ancestraux pèsent toujours sur les individus, mais qui ne sombre jamais dans le pessimisme outrancier et garde confiance dans le cœur humain.

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