Un mois et demi
après la sortie de "En lisant Mona" d'Élise Blot, je souhaitais faire un point sur son actualité, et ce, avec le plus grand plaisir, puisque le roman est en train de nous montrer que tout est
encore possible en matière d'édition.
Il y a d'abord eu la remise du Prix
le 15 octobre à Orange qui fut le "top départ" de l'aventure, même si la veille, Élise avait fait un petit galop d'essai à la librairie EVADNÉ en Avignon, grâce à la
complicité de nos deux libraires enthousiastes.
Puis, elle est montée en Bretagne, sa terre natale,
le 23 octobre à Dinan pour rencontrer des lycéens et les lecteurs de la médiathèque municipale où le succès ne s'est pas fait attendre. Nos amis Bretons avaient bien préparé sa venue puisque
pas moins d'une quarantaine d'élèves avaient lu son ouvrage. Cette rencontre fut très riche en échanges, toutes générations confondues.
Retraversant la France en diagonale, Élise est rentrée le 4 novembre à marseille où la librairie Histoire de
l'œil, 25 rue Fontange, l'a accueillie pour une nouvelle séance de signatures. Là, c'est une quarantaine de personnes qui est venue la rencontrer, malgré le peu de préparation du libraire, ce qui
est fort dommage…
Vendredi 6 novembre deux rencontres
attendaient Élise :
- Sainte-Cécile-les-vignes, à 15h, rencontre organisée avec la complicité de Nicole Trincal et d'une enseignante à la bibliothèque où nous avons pu entendre des extraits lus par des
élèves de 4e avant que l'interview et les échanges ne commencent. Élise et Corinne ont "déridé" le jeune public impressionnépar la lauréate d'un prix accompagnée par son éditrice! Élise, proche des
collégiens par sa simplicité et son sourire, a parlé de son expérience d'avoir gagné ce Prix Première Chance à l'Écriture.
Ces événements ne sont jamais inutiles, même si on n'en mesure pas la portée sur le moment. Combien de vies sont marquées en silence, combien de projets naissent de rencontres muettes. Le rôle des
éditeurs, auteurs, bibliothécaires et enseignants n'est-il pas de proposer, d'exposer, d'offrir à qui veut, à l'envie en devenir?
- 19h, ce fut le tour de la veillée littéraire
à Orange d'accueillir Élise.
Une trentaine de personnes avait répondu à l'invitation de cette soirée privée, organisée par Expressions Littéraires Universelles [ELU, qui organise aussi le Prix]. Chaque mois, dans un cadre
privé, une soirée est consacrée au texte, aux mots dans toute leur diversité (roman, poésie, théâtre, chanson, …), en présence de l'auteur ou de l'interprète d'une œuvre contemporaine.
L'intérêt de ces veillées est de pouvoir rencontrer un artiste en toute simplicité, de découvrir son travail, d'échanger avec lui sans tabou ni contrainte, et de finir la soirée autour d'un repas
sorti du sac en toute simplicité : un nouveau moyen pour des auteurs de se faire connaître.
Pour assister à laprochaine veillée littéraire (le 4 décembre), vous pouvez contacter l'association par email.
Samedi 7 novembre,
Retour à Sainte-Cécile-les-vignes, à la librairie Feuilles des vignes (que de vignes en une phrase…). Midi, quand le marché tire à sa fin, les habitués du lieu et les invités se rejoignent
pour une "lecture apéritive", terme qui tombe sous le sens après lecture de la phrase précédente. A nouveau, en présence de Corinne la libraire, de Corinne l'éditrice et, bien entendu, d'Élise,
l'auteure, la rencontre a encore pris un sens nouveau. Lecture d'extraits par trois collégiens de Sainte-Cécile-les… puis questions/réponses avec les Corinne, Élise et le public, suivis d'un
apéritif pendant que l'auteure dédicace.
Tout cela pourait paraître anodin, conventionnel ou simplement ordinaire pour une sortie de roman, si ce n'était la particularité de la situation, autant en ce qui concerne l'auteure (enjouée,
disponible, souriante, patiente, …) et le succès de ce roman.
Les leçons que nous pouvons en tirer, nous qui sommes derrière, c'est que ce Prix, dès sa deuxième année, prend son envol grâce à un millésime très fort, que le travail d'une année est récompensé
par cette réussite. Mais, au delà du pari, dans le monde de l'édition où tout semble trafiqué, où les gagnants sont "souvent" nommés suite à des tractations entre "grands", où les médias ne
reconnaissent que quelques "élus" notoires sous la pression du pouvoir de l'argent et des multinationales, le succès peut quand même être au rendez-vous grâce au talent.
Le succès de "En lisant Mona" prouve que la qualité peut payer, que loin des feux de la rampe parisienne existe une vie littéraire, un choix de culture, une authenticité de lecteurs.
Éclairage sur les chiffres
Les majors de l'édition nous inondent de chiffres étourdissants. 100 000, 200 000 exemplaires et plus encore, toujours plus. Ces chiffres ne concernent qu'une minorité d'auteurs, pas même 5%!
Combien de livres vendent les autres auteurs? entre quelques centaines et 15 000 exemplaires, mais la majorité d'entre eux ne dépassent pas les 1000 exemplaires malgré la promotion, le rapport de
force sur les libraires, la main-mise sur les médias et les "critiques" littéraires.
Lorsque certains éditeurs annoncent un tirage à 50 ou 100 0000 exemplaires, ils oublient de signaler que c'est le nombre d'exemplaires envoyés aux libraires. Combien partiront au pilon deux
semaines plus tard? Une rotation de plus en plus rapide, une sélection au sabre, comme les films dans leurs circuits de distribution.
Alors, lorsqu'on annonce que "En lisant
Mona" s'est vendu à 400 exemplaires en cinq semaines, oui, on peut parler de franc succès, de reconnaissance et de talent.
C'est sans conteste en premier le plaisir de l'auteur qui voit son livre prendre vie auprès de tous ses lecteurs, puis de l'éditeur qui a cru en lui en investissant dans son travail et dans sa
plume.
Mais c'est aussi dans ce cas, la fierté de tous les bénévoles, adultes et élèves, qui ont participé au Prix, qui ont lu, analysé, commenté puis élu le manuscrit lauréat. La récompense de l'auteur
pour ces mois de travail intense sur le texte, un pari basé sur la confiance envers le comité de lecture, envers l'éditrice qui l'a poussée plus loin, plus profond dans ses retranchements pour que
son texte soit le plus abouti possible.
Lors de la veillée littéraire à Orange, certains membres de ce jury qui avaient lu la première version brute du manuscrit ont souligné la qualité de la version éditée, tout à l'honneur de l'auteur
d'avoir su se remettre en question et d'accepter les conseils littéraires de l'éditrice.
Alors, oui, il est toujours bon de
souligner les victoires, même si celles-ci paraissent anodines ou mineures. Dans ce combat permanent qu'est le travail d'éditeur, la réussite d'un auteur est un carburant sans pareil pour, le lundi
matin suivant, se remettre au travail en sachant pourquoi ces milliers d'actions sans résultat apparent sont mises en œuvre, pourquoi la sélection des manuscrits est toujours aussi dure.
Lorsque Dracon, en l'an 600 avant un certain JC, affichait les lois constituantes de la cité sur des panneaux de bois qui furent conservés presque deux siècles, il avait une vision de ce qu'il
voulait : faire entendre sa voix au peuple. Ses lois sur l'homicide ont été remises en question pour leur sévérité, on a même dit qu'elles étaient écrites avec le sang des condamnés et non avec de
l'encre. On est là dans la légende et elle ne sert que d'image. Aujourd'hui, je n'en garde que la valeur symbolique et je rejoins le travail que fait Corinne depuis des années : une sélection
draconienne. Car il est question de ténacité, d'engagement sans faille et sans détour, malgré tous les chants des sirènes, les tentations à court terme, les faiblesses mercantiles ou tout
simplement la lassitude, l'adversité, le doute.
Tenir la trajectoire, rester dans l'orbite choisi
lorsqu'il est à contre-courant n'est pas le choix le plus facile, autant face à la profession que face à la réalité économique. La tendance est plus à l'éphémère qu'à l'intemporel.
Alors, lorqu'une petite victoire est là, il faut savoir la fêter, la manifester, la partager.
Je sais que parmi les lecteurs assidus de ce blog certains participent à l'aventure d'Elan Sud, celle du prix Première Chance à l'Écriture, des amis, des libraires, des journalistes, des
observateurs, des confrères… qu'ils soient salués et remerciés en cette occasion.
Rien n'est acquis, rien n'est fini, tout reste à faire, c'est bien là le plus grand plaisir de cette histoire : pas de ron-ron, pas de routine.
Derrière chaque auteur se cache une Amérique à découvrir, autant pour lui que pour ses lecteurs. C'est le plaisir et la fierté de l'éditeur de participer à cette aventure…