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Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard

Publié le 09 novembre 2009 par Jérôme Delatour
Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard
Christian Ubl, Black Soul (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
Le 14 octobre dernier, premiers pas à l'Etoile du Nord pour une soirée du festival Avis de turbulences, dirigé par Jean-François Munnier.

D'abord Black Soul, premier volet d'un dyptique en noir et blanc de Christian Ubl. Est-ce le temps de se réveiller, de s'échauffer, je n'ai pas bien compris cette pièce. En travaillant mes photographies, j'ai soupçonné comme un fond cinématographique, comme des citations, du cinéma classique des années 40-50. Le noir et blanc, bien sûr, la mise en scène (le micro, la fumée, le souffle dans les cheveux, la panoplie d'ange accrochée à un cintre acrobate), les costumes de résille noire comme de la pellicule 35 mm.

Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard Christian Ubl, Black Soul (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
Tout se passe dans une installation faite de mobiles portant des mannequins transparents couverts de résilles. Alors, la fille est en blanc et le monsieur (Christian Ubl) est en noir, toujours. Ce doit être lui l'âme noire, OK ; des fois il porte la fille. Mais parfois la fille aussi est en résille noire comme le monsieur, bon, et ils se traînent par terre. C'est assez beau, si. Je ne devais pas être réveillé.



Réveil avec Matthieu Hocquemiller et un extrait de sa nouvelle création, Bonnes nouvelles.

Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard Matthieu Hocquemiller, Bonnes nouvelles (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
Je ne sais pas comment Matthieu Hocquemiller est en vrai, mais les pièces de ce fan de Benasayag (on se souvient de son J'arrive plus à mourir) fleurent bon l'utopie socialiste sauce Amérique latine. De la critique sociale, oui, mais de l'optimisme, du volontarisme. Bonnes nouvelles (donc) adopte la ligne claire : une succession de tableaux bien délimités, didactiques (ce serait presque un ballet de la Chine populaire). Vive la lisibilité ! C'est si rare dans la création contemporaine.

D'abord, Hocquemiller vous démollit le phallocratisme en deux coups de cuiller à pot. Puis trouble notre représentation de la différenciation sexuelle, souligne ce qu'elle a de caricatural et d'outré. Il y a du féminin dans le masculin et du masculin dans le féminin. N'est-ce pas beau ainsi, pourquoi jouer les bravaches ? Soudain, une Pietà déboule, le Christ pantelant dans les bras de la Madonne ; sauf que la Madonne n'est plus la mamma révérée des machistes, mais une jeune fille libre et ordinaire. On ne voit plus un fils et sa mère, un homme et une femme, juste l'interdépendance et l'entraide, les ferments de toute communauté.

Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard
Matthieu Hocquemiller, Bonnes nouvelles
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)

Un jean a beau être raide neuf, il n'aide pas à tenir debout. Et le tissu ne cache pas la peur. Que tombent les voiles, des poses hiératiques ramènent à l'homme universel. Dernier tableau : découverts, vit, fente, seins, formes se répondent, se juxtaposent et se complètent, composent une poétique de la transparence et de la complétude où le miroir n'est pas mur mais porte, ouverture.

Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard
Matthieu Hocquemiller, Bonnes nouvelles
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)

Une leçon d'humanisme populaire, éminemment politique, éminemment nécessaire à l'heure où la culture du grand-frère, les replis identitaires font des ravages.

En complément de cette chronique, voir la vidéo (!i) du même Hocquemiller, et votez pour elle sur le site du festival Idill.



Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard Philippe Ménard, Ridi, Pagliaccio ! (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
Ridi, Pagliaccio !,
de Philippe Ménard, met en scène un petit soldat de la société médiatique, de la chair à télévision. Version moderne et condensée de la célèbre pièce de Ruggero Leoncavallo, Pagliacci (1892), c'est un précis de décomposition. On ne sera jamais des empereurs ni des saints, mais l'individu peut espérer, et espère malgré tout devenir dieu vivant l'espace d'un moment, généralement le temps que la star filante met à quitter le ciel. Et pour y parvenir, est prêt à tout sacrifier. La vie médiatique devient la vie tout court. Ce danger ne guette plus que les artistes. Avec Internet, l'homo consomaticus est devenu mediaticus, chacun est en proie à cette folie.
Ridi... m'a d'abord agacé ; un peu long, un peu vide. Et puis je me suis souvenu que l'interprète, la pétulante Stefania Brannetti, est italienne, et du sort qu'on réserve aux femmes dans la télévision berlusconienne, ce monstre abject et fascisant. Un élégant coup de poing, à méditer.

Avis de turbulences #5 : Christian Ubl, Matthieu Hocquemiller, Philippe Ménard
Philippe Ménard, Ridi, Pagliaccio !
(cl. Jérôme Delatour - Images de danse)


Black Soul, de Christian Ubl, Bonnes nouvelles, de Matthieu Hocquemiller, et Ridi, Pagliaccio !, de Philippe Ménard, ont été donnés à l'Etoile du Nord dans le cadre du festival Avis de turbulences #5 du 15 au 17 octobre 2009.

Retrouvez ici un filage de Black Soul, Bonnes nouvelles et Ridi, Pagliaccio ! en images

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