in Le bonheur selon Confucius de Yu Dan, Editions Belfond (2009)
Dans une petite ville vivait une jeune fille très pauvre. Elle avait perdu son père, et sa mère et elle tiraient un maigre revenu de petits travaux artisanaux. Elle faisait de terribles complexes, parce qu'elle ne pouvait jamais porter de jolis vêtements ou le moindre bijou.
Le Noël de ses dix-huit ans, sa mère, pour la première fois, lui remit une bourse avec un peu d'argent, en lui disant de s'offrir ce dont elle avait envie.
Une telle chance dépassait ses rêves les plus fous, mais elle n'osait toujours pas se promener dans la ville avec assurance. En se dirigeant vers les magasins, la bourse serrée dans la main, elle longeait les murs pour éviter les passants.
Tout en cheminant, elle songeait que les gens qu'ellle croisait avaient une meilleure vie qu'elle, et elle se disait tristement: “je ne pourrai jamais me promener ici la tête haute ; je suis la fille la plus minable de l'endroit.” Apercevant alors le jeune homme qu'elle admirait en secret, elle se demanda avec mélancolie qui serait son cavalier au grand bal de la nuit de Noël.
Broyant ainsi du noir, elle arriva devant une vitrine pleine de toutes sortes de parures. Elle entra et tomba en arrêt devant le rayon des barrettes. Un vendeur approcha: “quels jolis cheveux blonds vous avez ! Essayez donc cette fleur vert pâle, elle vous irait à merveille.” Comme celle-ci coûtait presque tout l'argent dont la jeune fille disposait, elle répondit :”je ne peux pas me l'offrir, n'en parlons plus.” Mais le vendeur avait déjà fixé la barrette sur sa chevelure.
Il lui tendit un miroir. Elle ne s'était jamais vue ainsi: rayonnante de santé et de beauté, comme si la fleur l'avait transformée en ange ! Sans hésiter un instant, elle ouvrit sa bourse et acheta l'ornement. Ivre d'une exaltation qu'elle n'avait jamais éprouvée jusqu'alors, elle ramassa sa monnaie et se précipita dehors, heurtant un vieil homme qui venait d'entrer. Elle crut l'entendre l'appeler, mais, trop excitée pour s'en soucier, elle poursuivit son chemin, les pieds touchant à peine le sol.
Lorsqu'elle revint à elle, elle se trouvait dans la grande rue. Tout le monde lui jetait des regards surpris, et elle entendait les gens s'exclamer: “je ne savais pas qu'il y avait une aussi jolie fille dans cette ville, qui sont donc ses parents ?” Elle croisa de nouveau le jeune homme qu'elle aimait en secret et, à sa grande surprise, il l'arrêta pour lui demander: “Me feriez-vous l'honneur d'être ma cavalière au bal de ce soir ?”
Transportée de joie, la jeune fille se dit: “Pour une fois, je vais faire des folies. Je retourne m'acheter un autre cadeau avec la monnaie qui me reste.”
A peine eut-elle franchi la porte du magasin que le vieil homme lui dit avec un sourire: “j'étais sûr que vous reviendriez ! Quand vous m'avez heurté, votre barrette est tombée. J'ai donc attendu que vous reveniez la chercher…”
Ainsi s'achève cette histoire. La jolie pince à cheveux n'avait pas dissipé toute la tristesse de la vie de la jeune fille, mais sa nouvelle confiance en soi l'avait transformée.
Mais d'où vient la confiance en soi ? Du calme intérieur constant et de l'allure aisée, sereine, qui sont la marque du véritable junzi, l'homme honorable.