Magazine

Vanité française

Publié le 11 novembre 2009 par Argoul

Voilà bien un concept de l’identité française que j’ai oublié tel quel dans ma liste d’hier. Je me suis contenté de tourner autour avec la théâtralité et le ridicule, mais la vanité est bel et bien dans le caractère national, celui que l’on prêtait déjà à Vercingétorix. Rodomontade, tartarinade, galéjade, gasconnade, nombreux sont les mots en français. L’honneur, vertu de guerre dégénérée en crânerie de cour, reste le ressort social malgré les deux siècles passés depuis le rasoir républicain.

Exemples d’actualité : la chute du mur de Berlin, la polémique sur le storytelling de Nicolas Sarkozy et la énième Grande Grève imbécile des castes du rail.

L’événement historique n’avait pas lieu en France, comme chacun sait au centre de l’universel. Cela se passait à Berlin, ville du centre-Europe, probable ville d’avenir avec l’immense Russie à ses portes. La rivale de Paris, ville qui se voulait lumière mais qui peine à passer au low energy. Les festivités concernaient la fin du modèle socialiste, ce vote massif avec leurs pieds de millions d’Allemands de l’est vers l’ouest en cette soirée du 9 novembre 1989. Mais voilà : ce n’était pas en France. Pire, les leaders politiques français, à commencer par le Président de l’époque François Mitterrand n’y croyaient pas, ne voulaient pas le voir. Problème ! Comment ramener l’événement au niveau français pour les masses ignares ? Génie du médiatique : en attaquant Nicolas Sarkozy ! On aurait pu gloser sur le vieillard malade qui est allé signer des accords culturels avec une RDA subclaquante, un mois plein après la chute du mur… Mais non, on ne tire pas sur les ambulances. Sarkozy, par contre, on peut y aller, coco ! Donc polémique pour savoir s’il y était le 9 ou bien le 10 novembre.

Vous parlez d’un événement d’importance historique ou planétaire ! Vanité française de tout ramener à soi, au petit pré carré où les médiatiques fonctionnent au chaud entre eux, dans des polémiques bien rodées. Evidemment, la controverse rencontre le caractère provocateur et volontiers bateleur du Président, qui adore se poser au cœur de l’événement. Vanité personnelle là encore, mais si française que les électeurs sont peut-être secrètement ravis que le personnage ose faire exister la France en propre dans une histoire qui ne la concerne pas et où elle n’avait rien vu.

Si elle n’avait rien vu justement, c’est que le communisme était et reste encore « une passion française », selon le livre excellent de Marc Lazar. Tropisme vers ce socialisme de l’est où tout le monde est pareil (en théorie) et où une hiérarchie rigide (celle du Parti) libère les gens du soin de penser par eux-mêmes et de se prendre en main. Une sorte de bonapartisme d’Etat quoi, où le Président est remplacé par un aéropage de cacochymes avec un Secrétaire général à sa tête. N’est-ce pas le drame des fonctionnaires de France Télécom, en butte au management à l’américaine (qui a lieu de la même façon dans les banques sans qu’on en fasse un plat) et aux revendications des clients, ces nouveaux ayant-droits considérés jusqu’ici comme des usagers qui doivent prendre ce qu’on leur donne ? Vanité de se croire le centre du monde connu et à l’origine d’un « modèle » inégalable de service public.

Parlons-en, du « service » public ! Ne voilà-t-il pas que la guéguerre des castes reprend entre ratépistes et les eshainecéfiens sur le raccord des chauffeurs de la ligne B en gare du Nord ? Guéguerre irrationnelle, improductive, fondée sur « l’honneur » de caste. Les eshainecéfiens ne peuvent concevoir que les ratépistes, une fois sortis de leurs trous sous Paris puissent se débrouiller comme eux dans les vastes plaines du nord. Les ratépistes ne peuvent imaginer que les eshainecéfiens puissent lire de leurs yeux éblouis par la constante lumière du jour les signaux souterrains… Et ce sont les « usagers », ces non-clients ballottés comme du bétail en convois, qui se trouvent pris en otages. Vous parlez d’un service « public » ! L’Etat ne serait-il pas au-dessus des castes et des privilèges ? Serait-il incapable de faire triompher l’intérêt général ? Il a a la vanité de le proclamer, mais quelle vanité de le croire !

Nicolas Sarkozy avait juré « service minimum », on a vu hier ce qu’il en était : zéro. Vanité de croire que la question était réglée. Une belle histoire pour un quart de réforme. Juste par vanité de dire que c’est fait alors qu’on n’a rien touché des Zacquis sacro-saints. Les incitations ne valent rien puisqu’elles n’entraînent aucune sanction et guère de contrôles.

La gauche pousse à réglementer les bonus des banquiers, leur « honneur » du travail bien fait à eux. Pourquoi rechigne-t-elle à réglementer les grèves imbéciles des castes protégées du chômage, des aléas de santé et des questions de retraite ? Par clientélisme ? Elle qui a la vanité de penser incarner la Morale républicaine, pourquoi reste-t-elle étroitement partiale sur de tels sujets ?

On verrait bien, pourtant, comme cela se fait dans d’autres pays, une union nationale sur des thèmes qui intéressent vraiment tout le monde (sauf les grands bourgeois, qui utilisent leur voiture avec chauffeur). Après tout, la vanité française du « modèle social » opposable au monde entier n’en vaudrait-elle pas l’effort ?

éç

éç


Retour à La Une de Logo Paperblog