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Le poète et le sage

Publié le 11 novembre 2009 par Fbaillot

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Voilà ce que j’ai dit ce matin au monument aux morts

Une fois n’est pas coutume, je voudrais commencer cette intervention par quelques vers

         Je suis seul sur le champ de bataille

Je suis la tranchée blanche le bois vert et roux

L’obus miaule

Je te tuerai

Animez-vous fantassins à passepoil jaune

Grands artilleurs roux comme des taupes

Bleu-de-roi comme les golfes méditerranéens

Veloutés de toutes les nuances du velours

Ou mauves encore ou bleu-horizon comme les autres

Ou déteints

Venez le pot en tête

Debout fusée éclairante

L’auteur de ce court extrait, c’est Guillaume Apollinaire. Nos enfants ne le savent peut-être pas, mais ce grand poète français d’origine polonaise est mort le 9 novembre 1918. Il avait 38 ans. Il avait passé ses dernières années sur le front, comme des millions de ses camarades, avant d’être blessé à la tête en Champagne.

Apollinaire n’est pas mort de ses blessures, même si elles l’avaient probablement bien affaibli. Il a été victime de la grippe espagnole, qui a tué 20 millions de personnes en Europe en 1918, avant de disparaître comme elle était venue.

Vous le savez, il n’y a plus de survivant français direct de cette première guerre mondiale, depuis la mort de Lazare Ponticelli en mars 2008. Il nous reste les images, et les écrits, en prose ou en vers, qui racontent ce que nos aînés ont vécu.

C’est pour cette raison que je suis particulièrement heureux aujourd’hui que deux Templemarois aient proposé de participer à ce devoir de mémoire en revêtant la tenue des poilus pour cette manifestation. Ils créent ainsi une passerelle entre nous et les générations précédentes, et je les en remercie.

Vous le savez aussi, au cours de ce premier conflit mondial sur notre terre, des combattants de toutes nations, même très lointaines, se sont retrouvés. C’est la raison pour laquelle nous avons fait fleurir les sépultures de deux slldats britanniques inhumés dans notre cimetière.

Il me serait difficile aujourd’hui de ne pas rapprocher cette cérémonie de celles dont on nous a beaucoup parlé ces derniers jours à propos de la chute du Mur de Berlin. Le lien n’est certes pas direct. Mais souvenons-nous que la fin de la guerre 14-18 a marqué en Europe centrale et de l’Est le début d’une nouvelle ère presque aussi douloureuse pour les peuples. Cette période de la guerre froide et du bloc de l’Est aura duré un peu plus de 70 ans.

Il y a au moins un point commun entre les événements qui ont amené la guerre dont nous commémorons l’armistice et cette période de glaciation dont on connaît maintenant les horreurs : l’exacerbation des sentiments nationaux a été la cause de nombreux maux sur notre continent. Et nous continuons d’en payer un prix élevé dans de nombreux conflits, localisés certes. Mais ils constituent toujours une menace pour la paix de chacun de nous.

Vous le savez, la réponse que nous avons adoptée ensemble, et à laquelle de plus en plus de pays et de peuples souhaitent se rallier, parce qu’elle est source de paix, c’est la construction européenne. Chacun je crois, en a conscience, même si au quotidien, nous trouvons parfois que cette belle idée a quelque difficulté à se concrétiser simplement.

Mais pour tenter de nous en convaincre, je voudrais donner la parole à un sage qui a connu et parcouru toute cette période, en Europe et ailleurs, et a regardé avec beaucoup de discernement l’évolution des sociétés humaines. Ecoutez ce que disait ce sage : « J’ai connu une époque où l’identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent. »

Cet homme, c’était Claude Lévi-Strauss, le père de l’anthropologie. C’est ainsi qu’il s’exprimait en 2005. Il vient de nous quitter à presque 101 ans.


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