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Quand l'homme philosophe sur des ecrits de darwin

Par Maaxtal

vu dans le monde

Nous sommes des animaux." Depuis la publication de L'Origine des espèces par Darwin, il y a cent cinquante ans, les anthropologues n'ont cessé de s'interroger sur cet énoncé, apparemment contradictoire pour le sens commun.

Il a d'abord été attribué à des "sociétés primitives" qui s'identifient aux animaux lors de grandes fêtes sacrificielles, de façon à les distinguer des sociétés modernes, qui cherchent en elles-mêmes leur fondement moral. C'était la phase du "totémisme", à laquelle Lévi-Strauss mit fin en 1962 avec son grand livre, La Pensée sauvage. Sous son inspiration, certains anthropologues ont cherché à résoudre le mystère de l'identification des humains aux animaux en mettant en lumière des capacités cognitives universelles qui permettent aux vivants de s'orienter dans un environnement : c'était la phase du "cognitivisme".

Nouvelles formes de savoir

Mais Lévi-Strauss a ouvert une troisième phase par un article étonnant paru en l'an 2000 : "La leçon de sagesse des vaches folles". Dans cette perspective, ce qui permettrait d'identifier les humains aux animaux, ce ne serait plus des normes morales ni des capacités cognitives, mais une commune exposition à un mal, le partage d'une vulnérabilité.

Que signifient en effet les grandes crises sanitaires des dix dernières années : vache folle, grippe aviaire, grippe porcine ? On peut considérer qu'elles ont permis aux Etats de réaffirmer leur pouvoir souverain en sacrifiant des milliers d'animaux au nom du principe de précaution ; mais ce serait rester dans le cadre du totémisme, qui fait peu de cas de la souffrance animale. On peut montrer, au contraire, qu'elles ont permis à des réseaux d'experts (médecins, vétérinaires, éleveurs, ornithologues) de déployer de nouvelles formes d'intelligence - parfois en rendant plus intelligents les animaux eux-mêmes, transformés en sentinelles des maladies émergentes. Mais ce serait rester dans le cadre cognitiviste, trop résolument optimiste face aux catastrophes en cours.

Aussi est-il temps de prendre au sérieux ce qu'est une maladie animale : un mal commun aux animaux et aux humains, qui produit de nouvelles formes de savoir et transforme le rapport à l'environnement. En effet, le passage des agents infectieux des animaux aux humains révèle les mutations de leurs conditions de vie, car il est favorisé par l'intensification des échanges d'humains et d'animaux entre les sociétés.

La question qui se pose est alors celle des relations de pouvoir dans cette nouvelle économie des savoirs. Les humains vont-ils se poser face aux animaux comme ceux qui savent ce qu'il en est de leurs maladies, selon une position paternaliste qui a toujours justifié la domination d'un vivant sur un autre ? Dans sa méditation sur les vaches folles, Lévi-Strauss parlait d'un "cannibalisme élargi" ouvert par l'identification soudaine des humains aux animaux qu'ils mangent. Alors que l'"humanisme" produit par la mort de Dieu pouvait justifier la domination des animaux, le "cannibalisme" se situe résolument au milieu des vivants, entre lesquels il cherche une bonne distance pour une coexistence possible. Cette "leçon", à rebours de la sagesse occidentale, peut-elle éclairer les crises de notre présent ?


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