En ces temps où les lois gerbantes s'imposent comme autant de fleurs de béton, proposons à notre tour de muscler la règlementation sur le cinématographe, en interdisant dorénavant l'usage de la pellicule couleur, même pour les comédies de Claude Zidi, au profit unique de l'image noir et blanc. À condition de ne pas être traitées façon Sin city, les nuances de gris favorisent l'exaltation, l'émotion, l'implication su spectateur dans le film.
Le noir et blanc est loin d'être la seule qualité de Control, mais c'est sans doute quand même son atout numéro 1. Refusant de céder à la mode du clippeur-qui-impose-son-staïle-bigarré-et-funky, Anton Corbijn propose un film esthétiquement irréprochable, dont l'image parvient à être fine et charbonneuse à la fois, et qui restitue parfaitement l'atmosphère des chansons de Joy Division. Pas tout à fait biopic sans être non plus une envolée façon Last days, le film est d'abord une plongée dans les obscurs tréfonds de la dépression. S'il est forcément question de musique ici, et pas n'importe laquelle, elle est d'abord considérée comme une souffrance, un exutoire ou un impératif avant d'être un plaisir et un art à part entière. Mi Pete Doherty mi Gainsbarre, Sam Riley prête à Ian Curtis sa parfaite gueule de petit oiseau suicidaire. La puissance elliptique du récit et la façon qu'a Corbijn de dire plus en un plan que certains en un roman est l'une des grandes forces du film.
On pourra tout de même émettre quelques réserves sur la facette sentimentale du film, pas toujours très profonde, dont le côté "je t'aime moi non plus" aurait pu être amené avec plus de délicatesse et moins de redondance. Riley a un tel pouvoir hypnotique que l'on regrette presque de trop voir la pauvre Samantha Morton (qui a pourtant une vraie gueule et un sacré potentiel émotionnel). Reste que pour un premier long venu d'un spécialiste du vidéoclip, Control est une surprenante petite pépite, parfaitement en phase avec son titre. Ce qui n'est pas qu'un avantage.
7/10