Magazine Beaux Arts

Interview du peintre numérique Jean Poumarède

Publié le 12 octobre 2007 par François Colin

François Colin : Comment définiriez vous la peinture numérique?

Jean POUMAREDE : La peinture numérique marque la simple manifestation de l’évolution de notre société. Elle est une forme nouvelle d’expression picturale en concomitance avec son époque avant que d’autres ne soient découvertes et s’inscrit dans la lignée des medias qui l’ont précédée comme l’empreinte laissée par notre civilisation technologique.

FC : Qu’est ce que vous apporte cette technique par rapport à un autre médium?

JP : Comme toutes nouveautés ,la peinture numérique apporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Essentiellement, elle autorise la spontanéité et donc la trajectoire directe de la conception à la réalisation grâce à une mise en scène rapide du sujet.Les limites de l’écran permettent une concentration et une maîtrise de tout instant . En sus ,ce qui est essentiel pour moi ,cette technique permet en partie de répondre à l’interrogation de Jonas ( cf la nouvelle de CAMUS)…”solitaire ou solidaire?”L’artiste numérique peut à tout moment répondre à son environnement humain et matériel.Il n’est plus enfermé dans son atelier…. d’ivoire.Les pinceaux (sic) peuvent être abandonnés d’un simple clic .La palette ne sèche plus….et autres multiples fonctionnalités qui isolent le peintre. A contrario les dimensions de l’écran restent un handicap à surmonter pour des oeuvres de grandes dimensions.

FC : Comment et à quel moment, avez vous découvert la peinture numérique?

JP : Après avoir travaillé l’acrylique durant de nombreuses années , j’ai découvert la peinture numérique comme M.Jourdain a découvert la prose.Elle existait et je m’évertuais il y a de cela une vingtaine d’années à l’inventer.La constance et le hasard ont fait le reste.

FC : Quelles sont vos sources d’inspiration et comment définiriez vous votre travail?

JP : La plupart de mes oeuvres (hors commandes) traitent de la liberté (du moins de sa forme humaine :la libération) Et je mets en scène cette idée au travers de sources d’inspiration récurrentes.La femme, de par son statut social d’une part et ce qui va avec le poids de l’histoire et de l’Histoire, occupe une place privilégiée .Le Maroc où je vais et retourne depuis plus de vingt ans qui représente une situation en pleine évolution ,en constante (même si cela peut paraître lent à nos regards occidentaux ) libération et enfin l’Egypte d’hier et d’aujourd’hui dont la stupéfiante pérennisation de la vie quotidienne depuis 5 millénaires joue a contrario un épisode révélateur de l’Histoire du monde et qui est le coeur même du symbolisme. Il est vrai que je me qualifie volontiers de symboliste Je tente de mettre mes sujets ou le spectateur ,voire les deux , en situation de réflexion (interrogation,désir,songe,rêve ,espoir, continuité et rupture…., etc…) En un mot j’essaye , je dis bien j’essaye et ne réussis pas toujours ,d’aller au-delà de l’image visible.D’où ma …plongée dans la civilisation-mère égyptienne où détail révélateur ,dans son panthéon l’on distinguait libération (essentiellement militaire d’ailleurs) pour les vivants et liberté qui prenait la forme de l’oiseau-bâ s’envolant à la mort de l’individu (certains exégètes font le parallèle avec notre …âme) La force du symbole est bien connue .Elle mène le monde depuis la nuit des temps.Et tous les dictatures ,quelque soit leur apparence même les plus attrayantes (cf les publicitaires) l’ont utilisée et l’utiliseront toujours.D’où le danger de tomber dans l’allégorie souvent creuse.

FC : Exposez vous fréquemment et quelles sont les réactions générales du public?

JP : J’ai beaucoup exposé aux quatre coins de France .J’expose de moins en moins (une à deux fois dans l’année désormais) et n’exposerai plus qu’à une demande instante. Je m’oriente désormais vers les manifestations ciblées ( festival ,concours ,etc…) Bien que la réaction du public fût celle que j’attendais -( la peinture numérique sort à peine du berceau )- à savoir très bon accueil dans un premier temps puis scepticisme ,défiance voire rejet dès lors que l’on parle de peinture numérique.L’ordinateur étant considéré comme le démiurge et le peintre comme un falsificateur.On se lasse d’expliquer .En matière d’éducation ma patience a des limites. Et ceci vaut autant pour les galeristes qui économie oblige suivent et souvent précèdent leurs visiteurs dans une espèce d’auto-censure.

FC : Réalisez vous des travaux de commande et si oui de quelle nature?

JP : J’ai réalisé plusieurs commandes .Uniquement des portraits.

FC : Quel est votre rythme de travail et pouvez vous expliquer votre méthode de travail à l’aide d’une oeuvre récente?

JP : Etant piètre dessinateur je tente de compenser mes lacunes par le travail . Je peins environ 6 à 7 heures par jour. Je pars d’une idée ,d’une situation très souvent vécue au cours de mes voyages.Idée naissant d’une situation que j’ai la plupart du temps fixée sur la pellicule au cours de mes voyages .( Photos très souvent volées -pas toujours …bakchich- à l’insu des protagonistes. Que le diable me pardonne) Dans un premier temps je réalise l’esquisse à la tablette numérique ce qui est le plus difficile pour moi. Esquisse sur une ou plusieurs pages eu égard à la grandeur de l’oeuvre finale et à la complexité de la composition L’écran n’est pas extensible. Ensuite comme tout un chacun je peins.

Arrière-plan:
Il s’agit d’un logement au fond d’une ruelle étroite ,la plus sombre possible afin de donner un sentiment d’enfermement et d’obscurantisme. La fenêtre ( bleue mais grillagée) indique que l’on (?) a la possibilité de regarder dans la ruelle .Mais il n’y a pas grand-chose à voir en dehors de quelques ruelles adjacentes elles-même sombres (peut-être des culs-de-sac ,allez savoir…) détail…..la ruelle existe .Elle est située près du Palais de la Bahïa à Marrakech.

la marche des femmes
Premier plan:
Trois femmes arabes(les voies de la liberté sont encore plus épineuses pour elles) et même pour l’une d’entre elles certainement d’origine gnaoua.(eu égard aux traits de son visage) Trois femmes au pas ferme à l’allure décidée,sûres d’elles-même.Dialoguant et donc communiquant comme celle de gauche,réfléchie pour celle du centre, vérifiant sa mise en toute liberté ,dans la rue,pour celle de droite. En un mot trois femmes posant leurs pieds dans les prémices (extrême clarté des tons) de ce qui pourrait s’appeler la liberté.
Plan intermédiaire:
Travail sur le symbole que j’ai dénommé à défaut d’un autre vocable ,l’embrasement du couple espace-temps.Il permet de représenter d’une part sur la même image ,en une seconde ,ce qu’il faudra des années et de multiples lieux et occasions à réaliser , d’autre part il symbolise l’énergie ,la douleur ,la conscience ,etc….(au spectateur d’y mettre ses affects) nécessaires pour passer de l’arrière-plan au premier plan.
Commentaires: la ruelle est étroite comme ” la porte” biblique…
Ensuite je réunis les trois tableaux en un seul selon la composition voulue .Je retravaille le tout au pinceau (pardon… stylet). Je signe

FC : Avez une exposition en cours ou à venir?

JP : Exposition à venir:

2° Salon international des petits formats
Centre Culturel Christiane Peugeot

62,avenue de la Grande Armée 75017 PARIS

Du 29 novembre au 4 décembre 2006
Soirée-vernissage le 30 novembre de 18 à 21h

Organisé par le Who’s Who Art Club International _ LAUSANNE.
______

Concours du Prix Webcolor - Seriante (BERGAME) ITALIE
(Résultats en janvier 2007)

FC : Quels sont vos artistes de références?

JP : En premier lieu ,tel un phare dans ma nuit, Salvador DALI qui a su allier l’esthétisme des formes à l’idée et les peintres surréalistes en général Magritte plus particulièrement qui a largement influencé les publicitaires du XX° siècle. Certains symbolistes ont contribué à approfondir ma démarche comme Gauguin et Klimt. Leur travail sur les à-plats notamment. Plus éloignés dans le temps mais qui ont laissé des traces indélébiles d’autres aussi continuent à me bouleverser, tels Géricault pour son travail de composition (le radeau de La Méduse) ,et Goya pour la lumière de ses oeuvres et leur sensualité flamboyante.

FC : Quels conseils souhaiteriez vous apporter à une personne qui démarre dans la peinture numérique ?

JP : Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres ,surtout en matière artistique ,il faut faire ce que l’on aime ,ce que l’on sent avec sa tête et ses tripes même si cela n’aboutit pas. Commencer ses gammes par la pratique des medias traditionnels (gouache,aquarelle,acrylique,…. La peinture numérique a ceci de dangereux qu’elle autorise au début toutes les audaces mais très vite elle vous renvoie à vos limites.Donc beaucoup de modestie. Avoir une idée et s’y tenir (elle sert de boussole quand on est perdu). Surtout ne pas travailler en fonction des réactions du public (multiple,ondoyant et divers) à moins d’y laisser son âme. Une bonne dose de courage et d’opiniâtreté comme dans toute discipline nouvelle.Le fait d’être (encore maintenant) un pionnier se paie .La reconnaissance viendra après la mort ….peut-être.(cf Van Gogh qui se retourne dans sa tombe en entendant de son oreille valide le prix de ses toiles). Pour terminer 80% de travail ,15% de talent et 5% de chance.Mais ceci est valable pour toute entreprise.

FC : Pensez vous que la peinture numérique est suffisamment connue en tant que discipline artistique et si non, pourquoi selon vous?

JP : La peinture numérique est encore à ces balbutiements même auprès des professionnels ou considérés comme tels. Elle possède un lourd handicap qui est l’utilisation de l’ordinateur. Si l’ordinateur est dans toutes les maisons ,il n’est pas encore dans les têtes. Il n’est pas devenu l’objet courant ,l’outil que sont le pinceau ou le fusain. Le problème de sa reconnaissance tient paradoxalement selon de ses possibilités infinies offertes. Entre les collages numériques ,les détournements d’images ,les retoucheurs de photos ,les fractales ,les animations 2D ,3D , les homogrammes ,la peinture numérique en tant que ….numérique se noie et le public comme les professionnels (architectes d’intérieur notamment) vont au plus court ,sans nuance. La peinture numérique fera parler d’elle quand on oubliera …qu’elle est numérique et qu’elle sera devenue une expression picturale comme les autres.Comment arriver à cela? Je n’ai malheureusement pas la solution. Cela peut passer par un autre vocable mais je n’en ai pas d’autre à proposer et peut-être surtout par un plus grand nombre de peintres numériques et donc avec le temps. Le pis est qu’elle disparaisse comme une tentative avortée d’une époque ( cf “le nouveau roman” en littérature bien qu’il ait valu un Prix Nobel à la France) ,une petite boursouflure sur une toile.Rien ,quoi! Restera l’aventure . Et rien que pour cela je ne désespère pas…

FC : Pour quel autre usage utilisez vous régulièrement votre ordinateur?

JP : Gestion de mon site, visites (rares ) sur internet.

FC : Présentez vous vos œuvres sur un site ou un blog, si oui quelle est son adresse ?

JP : http://perso.orange.fr/jean.poumarede/index.htm

FC : Votre site/blog vous a t’il permit des contacts professionnels, si oui de quel nature ?

JP : Mises en relation avec galéristes et marchands d’art

FC : Partagez vous votre méthode de travail sur votre site ou en exposition ?

JP : Oui en exposition

FC : Transmettez vous votre savoir au travers de votre site ou en atelier ?

JP : Non

FC : Quel est le format moyen de vos créations ou travaillez vous à la demande ?

JP : Formats: du 40×50cm au 80×60cm

FC : Etes vous en contact avec d’autres artistes numériques, échangez vous régulièrement et par quel biais ?

JP : Contacts quasi quotidiens via courriel ,téléphone et sites d’expos dédiés aux peintres numériques ou non

FC : Etes vous en contact avec des artistes d’autres expressions, échangez vous régulièrement et par quel biais ?

JP : Oui. Idem les moyens ci-dessus

FC : Participez vous à des forums (web ou physiques), conventions ou salons pour échanger sur la création numérique ?

JP : Non

FC : Pensez vous qu’un peintre numérique doit être un porte-parole de cette discipline artistique ?

JP : Non

FC : Quels sont les autres moyens d’expression que vous utilisez réguliérement ? (autres diciplines artistiques, édition, web, forum …)

JP : Tapisseries et sculptures

FC : Participez vous ou souhaitez vous participer à une expositon collective qui mélange les techniques d’expression, si non pourquoi ?

JP : Oui j’ai participé très souvent à ce genre de manifestations.

FC : Pensez vous que le numérique et ses moyens de diffusion rende l’art plus accessible ?

JP : Non

FC : Que diriez vous à un public non amateur pour promouvoir cette discipline artistique ?

JP : Aux sceptiques je préconise de se mettre devant une palette graphique et d’essayer.

FC : Pensez vous que la région dans laquelle vous exercez votre art, mette suffisamment en avant cette discipline ?

JP : Non , Zéro

FC : Pensez vous utile de fédérez les peintres numériques, voire les différentes disciplines artistiques numériques ?

JP : Non. Il existe déjà assez de chapelles

FC : Au delà de votre talent artistique, quel est votre rapport à l’informatique ?

JP : Utilisation domestique. Sans plus.

FC : Quelle est la fourchette de prix dans laquelle vous inscrivez vos œuvres ?

JP : De 400 à 2000 €. œuvres encadrées.

FC : Participez vous à des évènements liés à la promotion de la peinture numérique, si non souhaiteriez vous le faire ?

JP : Oui.Festival international des Arts Numériques du Val d’Argent.Programme “Artist Digital Art” d’Elisabeth MANSCO ( Espagne)

FC : Avec quel logiciel travaillez vous en priorité et quels sont les périphériques que vous utilisez pour produire vos œuvres ?

JP : COREL DRAW

FC : Depuis combien de temps exercez vous dans l’art numérique et comment définiriez vous votre niveau de notoriété ?

JP : 10 ans. Notoriété selon la formule consacrée d’un Artiste en milieu de carrière

FC : Etes vous côté, si oui dans quel annuaire ?

JP : DROUOT COTATIONS

FC : Exposez vous régulièrement en galerie, y compris la votre si vous disposez d’un atelier-galerie ?

JP : J’ai exposé au rythme de deux à trois fois par an en galerie.Désormais je m’oriente vers des manifestations
plus ciblées du genre “Centre Culturel d’Egypte de Paris ” à l’automne 2007

FC : Avez vous déjà participé à des ventes publiques ?

JP : Non

FC : Vous occupez vous de votre promotion, si oui avec quels outils, si non par quelle agence êtes vous représenté ?

JP : Non. Etant totalement inapte à ce genre d’exercice

FC : Vous formez vous à d’autres logiciels pour optimiser votre production artistique, si non pourquoi ?

JP : Non. Les logiciels sont trop chers d’une part et secundo ils ne sont que des outils. La peinture reste ma priorité

FC : Classez vous la peinture numérique dans l’art contemporain, pourquoi ?

JP : Oui grâce aux outils qui l’autorise et non car pour moi la peinture numérique n’est tout compte fait qu’un avatar
de la peinture en général

FC : Accepteriez vous d’exposer dans la galerie 3D de l’association Coug’Art ?

JP : Oui, si j’arrive à comprendre sa mise en forme.

FC : Accepteriez vous de participez à un projet d’édition collectif de l’association Coug’Art ?

JP : Cela dépendra des termes de ce projet .

FC : Vous intéressez vous à d’autres disciplines numériques que la votre, si oui lesquelles en citant quelques artistes ?

JP : Oui mais uniquement en spectateur attentif

FC : Pensez vous que le numérique a contribuer à faire évoluer votre créativité ?

JP : Oui

FC : Considérez vous que le web peut devenir un support d’expression pour un artiste numérique ?

JP : Oui à condition d’avoir toujours un pied ancré dans la réalité.

FC : Considérez vous que le web peut permettre un meilleur accés à la culture, si oui pourquoi ?

JP : Oui avec moult réserves.Un supplément genre memento.Mais attention très rares sont les bonnes sources

FC : Considérez vous que l’évolution future des technologies numériques permettent une véritable révolution en matière de création artistique ?

JP : Tout dépendra du public (surtout français) qui pour le moment me semble assez fermé à ce genre d’évolution

FC : Considérez vous que le peintre numérique est, par nature, un artiste multimédia ?

JP : Non

FC : Quelles autres formes d’expression numérique expérimentez vous ou souhaiteriez vous expérimenter ?

JP : Aucune

FC : La peinture numérique est elle au centre de votre activité professionnelle ou en est elle périphérique ?

JP : Oui

FC : La peinture numérique, la création artistique est elle un besoin pour vous, si oui pourquoi ?

JP : Elle est indispensable comme l’air que je respire.La création est une révolution permanente de la conscience.

FC : La peinture numérique est elle au centre de votre activité professionnelle ou en est elle périphérique ?

JP : Oui

FC : Considérez vous bien gérez la diffusion de votre peinture numérique, si non pourquoi ?

JP : Non. Je n’ai aucune aptitude au commerce et donc suis incapable de me ….vendre

FC : La peinture numérique, en terme de production, est elle pour votre expérience une activité rentable, même en tant qu’activité d’appoint ?

JP : Même pas une activité d’appoint en termes sonnants et trébuchants.Normal ….l’art n’a pas de prix!

Découvrez l’artiste Jean POUMAREDE sur le web

Articles relatifs
  • Interview du peintre numérique Iss'n'kor (0)
  • Interview de l'artiste armoricain Hominn Lebirec (1)
  • La 2eme édition des rencontres numériques de Toulouse (0)
  • Les écritures numériques (1) (0)
  • L'Art Numérique Anxiogène (0)

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


François Colin 19 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog