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Paul Doherty, Le trésor de l’Indomptable

Publié le 13 novembre 2009 par Argoul

paul-doherty-le-tresor-de-lindomptable.1256207133.jpgNous sommes à Cantorbéry au cœur d’un hiver rigoureux, en 1303. La neige s’infiltre sous les vêtements et la glace fait glisser les chevaux. Les forteresses de pierre sont glaciales malgré les braseros, les chandelles de cire pure, les tentures et tapis, le bon vin. Hugh Corbett, clerc royal d’Edouard d’Angleterre et investi du pouvoir d’enquêter, se voit envoyé dans la ville pour chercher un trésor. Ou plutôt une carte sur parchemin censée dire où il se trouve. Ne croyez pas en l’imagination débridée de l’auteur : ce trésor du Suffolk existe réellement. Il a circulé longtemps sous forme de légendes, enjolivées par le merveilleux, mais il a été retrouvé par les archéologues après la Seconde guerre mondiale… Il s’agit du bateau viking de Sutton Hoo, où un prince saxon a été enterré avec ses richesses sous un tertre funéraire !

La fiction ne cesse de rencontrer la réalité chez Paul Doherty, éminent professeur d’histoire médiévale dans le civil. Il a l’art de tresser une intrigue d’Agatha dans un décor moyenâgeux plus vrai que nature. Cette fois-ci, il n’est pas en reste. D’obscures vengeances issues de meurtres, des trafics de marchands, des hôtes étrangers assassinés dans leur demeure bien gardée sans que nul n’ait rien vu, des carreaux d’arbalète qui volent ici ou là pour menacer ou pour tuer, une jeune femme divine et froide accusée du meurtre de son mari, un amant, une servante, un médecin, un lord maire, divers moines et mimes… Hugh et son assistant Ranulf vont de monastères en manoirs, d’hostelleries en guildhall ; ils arpentent les chemins glacés et les ruelles encombrées ; côtoient Joyeux, ruffians, godelureaux, ribaudes et jouvenceaux, tous en haillons superposés et parfois pieds nus sur la neige. Ils croisent des pendus aux yeux cavés par les corbeaux, des processions funéraires avec croix et encens balancés par les enfants de chœur. Ils hument les bonnes odeurs puis se sustentent de « chapons et volailles cuits au beurre ; tourtes à la croûte dorée agrémentées de sauces noires relevées ; perdrix rôties ; porc craquant servi avec des champignons et des oignons ; soupe aux œufs et au lait, le tout arrosé des meilleurs vins du Béarn. » p.270 Contrastes.

Ce moyen-âge est rude, étonnamment vivant. « Corbett fit ses adieux à Vive-la-joie et s’éloigna, précédé des jouvenceaux qui gambadaient, se bousculaient, donnaient des coups de pied nus dans la neige, effrayaient les oiseaux et agitaient les bras. La pure exubérance de leur jeunesse fit sourire Corbett : c’était un réconfort bienvenu… » p.155 Chacun y cherche fortune et à se hausser du col. Les passions sont vives et l’intelligence de quelques-uns aussi. L’au-delà inspire de la crainte et de l’espoir. On tue dans les églises, mais le chant qui s’élève des chœurs monastiques est bien beau. On ne craint pas, non sans humour, d’abuser des croyances naïves : « Un vendeur de reliques, barbu, la peau hâlée par le soleil, les yeux étincelants, hurlait qu’il allait mettre aux enchères l’alliance de la Vierge Marie, une lanière des sandales du Christ, et un morceau de la porte de l’église que Simon le Mage avait édifié à Rome » p.161. L’inégalité est forte et presque héréditaire. Dans la ville, les jours de marché, « les miséreux réclamaient une aumône et les riches, l’œil brillant, la lippe vermeille, la peau blanche comme lis, paradaient dans leurs atours de satin et de samit avec, sur la tête, de courts capuchons à la pointe enroulée autour du cou, sur les épaules des capes de laine et, autour de la taille, des ceintures aux cabochons d’or et d’argent » p.100.

Tout commence par un rude pirate arraisonné, se poursuit par les meurtres mystérieux d’une famille de marchands, hôtes du maire de Cantorbéry. D’autres comparses sont mêlés à l’histoire et tout se termine par la justice du roi. Si le lecteur en vient à soupçonner à peu près tout le monde, il a des doutes sérieux sur les vrais coupables. On se dit que… Et puis ce ne peuvent être qu’eux ! Mais jusqu’au dernier moment le suspense demeure. Un bon Doherty à lire au cœur de l’hiver devant une tasse de vin chaud à la muscade et à la cannelle, devant les enfants qui jouent, alors que la glace fige les arbres au-dehors.

Paul Doherty, Le trésor de l’Indomptable (The Waxman Murders), 2006, 10/18 2008, 318 p., 8.17€ 

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